Effets perçus des monnaies locales
Séquence 5.2 du MOOC
juin 2018
Learning center Ville durable (LCVD)
Cette séquence s’intéresse aux effets des monnaies locales sur les territoires, c’est-à-dire des effets sur les individus (implication, responsabilisation, sentiment d’appartenance…), sur la société (accessibilité sociale à la consommation, maintien et développement activités économiques…), sur l’environnement (promotion et développement de produits éco-responsables, soutien à l’agriculture biologique…).
Les questions aux intervenants de cette séquence sont de savoir si les effets perçus peuvent être vérifiés. Y a-t-il d’autres effets qui n’étaient pas attendus et qui émergent ? Chacun des intervenants met en regard ces attendus avec ce qui se passe et ce qui se joue pour les expériences sur le temps long qu’ils ont pu observées et/ou analysées. Peut-on alors mesurer ces effets ? Y a-t-il des moyens de mesure (exemple des indicateurs de mesure du renforcement du lien social) et de suivi-évaluation ? Qui mesure ?
Éric Dewaele définit deux catégories d’effets palpables :
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une certaine émancipation citoyenne : L’ouverture d’esprit de personnes qui ne sont ni économistes, ni mathématiciennes et qui osent ouvrir leur esprit à une meilleure compréhension des systèmes économiques par la lorgnette des dépenses du quotidien.
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des effets économiques positifs mesurables. Par exemple, l’aide au développement d’une activité de savon artisanal, Lîdjeu, dans le cadre de la monnaie locale le Val’heureux à Liège.
Philippe Derudder complète les propos en indiquant qu’il est difficile d’avoir une vision globale, de mesurer l’impact de ces monnaies car elles sont encore très jeunes. En France, la première date de 2010. Par ailleurs, les indicateurs utilisés sont des indicateurs quantitatifs issus de l’économie traditionnelle qui ne sont pas forcément adaptés aux monnaies locales.
L’exemple des échanges entre une boulangerie et un agriculteur bio au sein de la monnaie locale Abeille de Villeneuve-sur-Lot en est un parfait exemple. Tout dépend de l’implication des acteurs : est-ce que les commerçants et les producteurs locaux ont la volonté de développer des échanges ensemble ? La monnaie n’est finalement qu’un outil qui facilite les échanges.
Un autre effet s’intéresse plutôt au développement des monnaies locales actuelles et au rapport entre faire nombre et faire sens. Le constat qui peut être fait est que les monnaies locales, après un fort engouement dans leur mise en place (2 ans environ), atteignent un palier de saturation. Ce palier correspond au nombre d’entreprises et au nombre d’utilisateurs qui reste faible, c’est-à-dire environ 100 entreprises et 500-600 utilisateurs. Pour créer une vraie dynamique, il faudrait atteindre 50 fois ce rapport entreprises/utilisateurs. Ce palier est en fait le moment où le discours sur la compréhension et l’utilité de l’outil n’est pas adapté aux nouveaux utilisateurs. Les monnaies locales s’adressent avant tout à des personnes convaincues par le projet et persistent dans leurs engagements, ce qui permet aux monnaies comme l’Eusko, de perdurer, sans pour autant amener de nouveaux utilisateurs et commerçants dans la dynamique.
En conclusion, Philippe Derudder indique qu’il faut du nombre pour que les monnaies locales soient vivantes mais il faut surtout qu’il y ait un enracinement de valeurs et de la compréhension du système, qui ne peut se faire que si le sens reste la priorité.
Pour Miguel Iturra, la partie quantifiable des effets de la monnaie locale n’est pas la plus importante pour ce type de projet. L’observation des changements de comportement est plus importante. C’est le cas pour sa monnaie locale Bou’Sol.
Il rejoint par ailleurs Philippe Derudder sur le fait qu’après l’engouement, on arrive à un palier. Ce plafonnement est dû au fait que l’on va se rendre compte qu’on est face à une communauté de personnes qui était déjà convaincue. Le plus difficile est ensuite de construire, de faire l’effort pour arriver à convaincre un nouveau type de public. Dans ce cas, il est indispensable de réussir à adapter le projet et le discours à ce public. C’est toute la difficulté et l’intérêt de pérennisation du projet : 1/ Convaincre un nouveau public ; 2/ Amener à consommer autrement.
La monnaie locale a comme mission première d’être un outil qui va progressivement faire évoluer un territoire et son économie.
En savoir plus
La conférence Solution Monnaie-terre est accessible en intégralité ici
Philippe Derudder, Une monnaie au service du bien commun : Libérer l’intérêt collectif du carcan de l’économie marchande, Yves Michel éditions, 2017. 133p
ADEME, Vertigo Lab, Les Monnaies Locales Complémentaires Environnementales - État des lieux, impacts environnementaux et efficacité économique, novembre 2016. 175 p.
RTES, Nord-Pas de Calais : 5 films de 5 minutes pour comprendre les Monnaies locales complémentaires, 2015
Réseau belge Financité
Réseau des Monnaies Locales Complémentaires Citoyennes
Monnaies locales présentées dans la séance :
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Monnaie Locale Bou’Sol (Boulogne-sur-Mer, France)
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Monnaie Locale Abeille (Villeneuve-sur-Lot, France)
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Monnaie Locale le Val’heureux (Liège, Belgique)
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Monnaie Locale Eusko (Pays Basque Français)
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Monnaie Locale l’Ardoise (Région Semois Lesse, Belgique)
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Monnaie Locale Orno (Région de Namur, Belgique)
Reportage sur l’Ardoise
Eric Dewaele, Pauline Cosyns, Willy Tadjudje, Annika Cayrol, Monnaies citoyennes : Comment développer des outils d’évaluation interne ?, Réseau Financité, 62p.