La stratégie de croissance urbaine de la région bordelaise.
Ina Ranson, 2011
Confrontée aux effets négatifs du développement déterminé par le tout-voiture et l’étalement urbain, la CUB de Bordeaux a entrepris une réflexion de fond sur des réorientations possibles et s’engage dans la direction d’un Agenda 21 local.
La Communauté Urbaine de Bordeaux constitue la 6e agglomération de France, avec 680 000 habitants répartis sur 27 communes et 55 km2. Face aux conséquences problématiques et souvent destructrices induites par la préemption de l’automobile sur l’espace urbain, l’exécutif politique a lancé différents projets et demandes destinés à réorienter en profondeur le processus de développement.
La logique qui a prévalu au cours des 20 dernières années, a mené à une dispersion urbaine incontrôlée, avec les impacts environnementaux négatifs bien connus : pollutions de l’air et du sol, " débordements " urbains dans les zones inondables, morcellement et fragilisation des milieux sensibles… Aujourd’hui, pour une densité quatre fois moindre en habitants, la CUB doit gérer un linéaire de voiries quasi égal au réseau parisien. La ville-centre se trouve affaiblie, marquée par un taux de vacance très important des logements dans les quartiers les plus centraux et par de très fortes disparités sociales.
Les étapes et les outils
Comment réorienter en profondeur le processus de développement d’une agglomération ?
Trois démarches fondatrices ont simultanément été engagées en 1996 :
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la révision du schéma directeur d’agglomération, poursuivie par une refonte du plan d’occupation des sols,
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l’élaboration d’un programme local de l’habitat, fixant les priorités de l’investissement public en termes d’habitat et d’équipements des territoires,
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la réalisation d’un réseau de transports collectifs en site propre et d’un plan de déplacements urbains associés.
La réflexion a avancé par étapes, dans une chaîne d’études, de décisions et de mises au point de moyens d’action qui vont des orientations générales pour l’avenir de l’agglomération, élaborées notamment au cours de la révision du schéma directeur, jusqu’aux opérations d’urbanisme engagées par les collectivités locales, en passant par la politique de l’habitat (PLH) et la politique des déplacements (PDU).
La révision du POS communautaire est considérée comme l’occasion de se référer à un projet urbain d’ensemble dont les objectifs s’inspirent des orientations du développement durable. La création d’une nouvelle Direction du Développement Durable et de l’Ecologie Urbaine, en mai 99, est l’aboutissement logique des différentes réflexions et démarches. Un texte collectif, le " Cadre d’Actions pour un Développement Durable de l’Agglomération " propose la perspective de mettre en place un Agenda 21 local.
Une politique de l’habitat à la fois globale et opérationnelle
Le pacte de relance pour la ville, entré en vigueur également en 1996, a conduit à des efforts de délimitation de zones qui ne correspondent pas toujours aux découpages administratifs. En effet, les habitants ont souvent une tout autre représentation des périmètres de leur « quartier ». Le Programme local de l’habitat de la CUB a été réalisé autour d’un large partenariat, animé par l’Agence d’urbanisme bordelaise (a-urba). Celle-ci avait déjà présenté, en 1990, avec le Comité d’expansion Aquitaine, une étude sur la Ville de Bordeaux à partir des thématiques démographie, logement et activités, avec l’objectif de disposer d’un diagnostic par quartier le plus fin possible qui constituerait une étude de base pouvant servir de référence pour l’observation en continu. Se fondant sur ces travaux, le Programme local de l’habitat de la CUB propose un découpage de l’espace orienté vers la mise en œuvre opérationnelle. La définition d’une typologie des territoires de l’agglomération permet de définir, cas par cas, les orientations générales, les actions à engager et les outils à mobiliser, sans cependant figer les périmètres de façon trop stricte. A noter que les efforts pour impliquer les habitants (par exemple, le fonctionnement des conseils de quartiers depuis 1995) sont encore ressentis comme insuffisants. « Le passage à une culture de la durabilité nécessitera un très lourd chantier de sensibilisation politique et technique…", constate une experte de l’Agence d’urbanisme bordelaise.
La planification des déplacements par la mise en place de corridors
La politique des déplacements revêt une importance majeure quand il s’agit de susciter une nouvelle dynamique d’aménagements autour des polarités existantes ou à venir. L’enquête publique pour le PDU qui s’est achevée fin 1999 fut réalisée à partir de procédures complexes et innovantes. Comme les études sur la demande en transports reflétaient la dilution des « micro-polarités », il fallait réfléchir sur des critères plus prospectifs sur les choix à faire en vue d’articuler la politique de déplacement avec les objectifs à long terme. C’est ainsi qu’ont été définies des « corridors majeurs de déplacement, lignes de forces de la programmation et de la planification urbaine de l’agglomération ». Ces corridors, véritable « ossature primaire du renouvellement urbain » seront aussi des axes prioritaires de densification urbaine qui englobent les centres-villes et les lieux d’inter-modalité. Dans leur aire d’influence (500 mètres de rayon environ) sont programmés des équipements et des services de proximité, reliés entre eux par un réseau de circulation douce. Le futur tramway dont les chantiers ont été ouverts cette année y jouera un rôle primordial. Les trois premières lignes qui devront être mises en service en 2003, comprendront 53 stations sur 25 km. A l’issue de la deuxième phase de construction, le réseau couvrira 35 % de la population et 50 % des emplois.
En somme, tous les projets et actions en cours tendent à :
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renforcer l’attractivité des centres-villes et des polarités urbaines existantes,
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diversifier les fonctions dans les quartiers trop monolithiques, et densifier les tissus urbains situés dans les corridors du futur tramway et autour des pôles d’échanges,
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maîtriser l’urbanisation, en privilégiant en particulier des formes urbaines renouvelées, moins consommatrices d’espace,
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concilier le développement de l’urbanisation et le respect des équilibres écologiques et environnementaux,
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constituer un plan urbain cohérent, à l’intérieur comme à l’extérieur de la rocade, en redonnant, par un tracé régulateur, une ossature lisible et logique à l’agglomération,
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diversifier l’habitat, notamment par un rééquilibrage quantitatif et l’amélioration de l’offre locative par rapport à l’offre en accession,
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hiérarchiser les secteurs prioritaires de développement commercial, et maîtriser l’extension de la grande distribution, en contrôlant la création d’hypermarchés ou de pôles commerciaux créés ex nihilo,
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inciter la diminution de l’utilisation de la voiture particulière, par une politique de transports collectifs urbains volontariste, une offre de stationnement et une aide aux autres modes de déplacements,
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réduire le temps de déplacements domicile-travail par une meilleure adéquation entre les lieux d’emploi et de résidence, appuyée sur un réseau de transports collectifs performant et attractif et des services urbains adaptés.
Références
Cette fiche est issue d’une série de publications qu’on pourra se procurer à l’adresse de la CUB et de l’Agence d’Urbanisme Bordeaux métropole-Aquitaine.
Source : RIGAUDY, J.B., CUILLER, F., MAUDET, C., ESCOFFIER S., BERNARD, M.C., : Les débats sur la ville 3, Confluences, Agence d’Urbanisme Bordeaux métropole-Aquitaine, 2000
Ere Urbaine - aires urbaines, Contributions à la 21e rencontre nationale des agences d’urbanismes, Strasbourg sept. 2000. Auteurs : E. Thénot et a-urba, p.110-113, 174-175; Réponse de la COB à l’appel à projet " Outils et démarches en vue d’Agendas 21 locaux " du MATE en 1999.