Le rôle des associations dans la préservation des patrimoines.
En France, des milliers d’associations s’engagent pour la préservation des patrimoines liés aux territoires, nouveaux acteurs pour un développement durable
Ina Ranson, 1999
Cette fiche présente le rôle des associations dans la préservation et la valorisation du patrimoine historique et naturel des communes, en vue de permettre non seulement le maintien des paysages et, partant, des héritages mais également le développement local de ces territoires.
Aménager le territoire signifie bien plus que redéfinir et ordonner des espaces, mais exige de gérer tout un héritage.
Les paysages gardent l’empreinte des façons de vivre et de travailler des hommes. Même les « paysages naturels » ont été façonnés au cours des siècles passés. Leur abandon ou leur exploitation industrielle entraîne la disparition d’un patrimoine de faune et de flore, de sites uniques composés de décors paysagers et d’éléments bâtis (maisons d’habitation, fermes, granges, pigeonniers, lavoirs, fontaines, fours à pains, etc.) qui s’y intègrent. Parfois, mais pas toujours, ce patrimoine est protégé par la loi. Sa sauvegarde relève des départements, des communes et des propriétaires, mais de plus en plus aussi des associations locales qui se sont constituées en très grand nombre au cours de ces dernières années. Après une période de constructions et d’aménagements souvent dévastateurs, on observe aujourd’hui une forte prise de conscience de la valeur des « patrimoines de proximité » et de leur fragilité.
Le rôle d’avant-garde des associations
Les associations se sont constituées pour lutter contre une menace de destruction, pour valoriser leur pays en vue d’attirer des touristes et de soutenir l’économie locale, ou tout simplement parce qu’un amateur de la région y a découvert des trésors négligés. Elles ont donc des objectifs multiples qui ne visent pas seulement la préservation des choses du passé, mais se tournent aussi vers l’avenir.
Les « Villages Autour du Gour Unis pour l’Environnement » en Auvergne, s’efforcent de protéger le gour du Tazenat et son environnement paysager, face à la menace d’un projet d’installation d’une carrière de granit. « La Maison de Pays en Bresse » organise des circuits touristiques tels que « nature et architecture - terroir et histoire ». Le Pays touristique du Haut-Léon propose des randonnées pédestres, à la découverte de la faune et de la flore. Dans le Causse de Limogne, tous les trimestres, un week-end restauration permet, en initiant au travail de la pierre sèche, de restaurer murets, puits, lavoirs et petit patrimoine bâti. L’association Chantier-école qui a été fondé à Roubaix, lors d’une rencontre nationale en 1995, réunit des acteurs mettant en œuvre « une pédagogie centrée sur l’aménagement et la transformation de l’espace naturel et bâti à des fins d’apprentissage et d’insertion. » Dans le Bocage gâtinais, l’association l’Arbre qui réunit plusieurs villages a pour objet « la préservation des sites et paysages naturels et construits, des ressources naturelles et des patrimoines culturels de la région » et « la mise en valeur des richesses humaines, naturelles, artistiques et culturelles » Le savoir-faire traditionnel y est évidemment inclus. Le patrimoine est donc défini de façon large : il peut être archéologique, géologique, historique, culturel, botanique et rural et englobe paysage et savoir-faire.
Le réseau fait la force : la Fnassem, les PEP et les PAH
Les différentes associations s’appuient mutuellement en essayant de plus en plus de travailler en réseau. La FNASSEM qui a été fondée dès 1967 fédère aujourd’hui un grand nombre de ces associations mettant à leur disposition son expérience et ses compétences. Elle publie un bulletin (« l’Entrait ») qui est un instrument de communication entre les membres du réseau et propose des analyses et des informations sur l’actualité du patrimoine et des conseils d’ordre administratif, législatif ou technique. Enfin, la Fnassem est l’une des chevilles ouvrières de la Journée du Patrimoine de Pays. Depuis 1998, cette journée offre, au mois de juin, l’occasion aux associations et autres participants de se faire connaître du public en organisant par exemple un circuit découverte, la visite d’un quartier, une démonstration de savoir-faire, etc.
Une petite commune qui veut valoriser ses atouts pour attirer des touristes dispose rarement des moyens adéquats. Si elle a un projet qui est basé sur son patrimoine constituant « un axe de réflexion novateur et prometteur pour le monde rural » elle cherchera à s’associer à un « pôle d’économie du patrimoine » (PEP). Créés sous l’impulsion de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) et conceptualisés lors d’un comité interministériel de septembre 1994, les PEP se sont structurés, en juin 2000, au sein d’une association - Patrimoine, territoire et développement économique - ouverte à d’autres partenaires. Aujourd’hui, il y a une trentaine de PEP opérationnels. L’Etat soutient des projets de développement tirant parti de réalités patrimoniales locales, à condition qu’ils s’appuient sur une instance territoriale et intègrent la notion « de développement global et innovant, avec des enjeux d’ordre touristique, pédagogique, social, économique ».
L’exemple du PEP de la Catalogne baroque, créé fin 1995, est particulièrement intéressant. Ce pôle rassemble 27 communes de la vallée de la Têt et dispose d’un office intercommunal du tourisme commun qui fait la promotion de leur patrimoine archéologique, architectural et paysager. Depuis septembre 1999, le PEP Catalogne a également rejoint le réseau des Pays d’art et d’histoire (PAH) qui lui apporte des structures nationales, sous la tutelle du ministère de la culture.
Vers des réseaux transfrontaliers
Les PEP et les PAH ne sont pas confinés dans les frontières nationales, ils peuvent tout à fait les dépasser. Le PAH de la Catalogne Baroque envisage actuellement un partenariat transfrontalier, avec deux objectifs : aménagement du territoire (pour lequel les investissements européens sont indispensables) et mise en place d’un réseau avec différents territoires d’Europe aux problématiques proches. L’idée est d’offrir aux touristes « un accueil homogène de qualité, dans des sites et paysages patrimoniaux reconnus et de l’inciter à séjourner sur les différents territoires du réseau » (Henri Soller, président du PAH-vallée de la Têt, cité par Ali Habib). Des consultations sont en cours entre le PAH de la Catalogne, le gouvernement autonome d’Aragon (pour les parcs culturels), la ville de Gérone en Espagne, la Communita Montana valli chisone e germanasca dans le Piémont en Italie, Bastia, le PAH de l’Angoumois et d’autres partenaires au Portugal et au Pays de Galles. Il s’agit, dans un premier temps, d’échanges d’expériences, de savoir-faire et de techniques. Le réseau pourrait fonctionner d’abord avec des conventions entre les différents partenaires et ensuite se structurer selon les statuts conseillés par l’Union Européenne, avec un comité de pilotage et un secrétariat permanent.
Références
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La fiche a été rédigée à partir de différents articles et des sites Internet de la FNASSEM et de la DATAR. Les citations sur les PEP sont extraites de la présentation de la DATAR sur le CD Rom supplément de la Lettre de la DATAR n° 167, automne 1999. On y trouvera un autre exemple de PEP.