De l’Agenda 21 des femmes à Rio au programme Urbana +
Ina Ranson, 1999
Au fil des grandes conférences internationales des années 1990, à Rio, Copenhague, Pékin, Istanbul… les ONG féminines ont manifesté leur engagement pour un développement plus juste et respectueux des générations à venir. Elles ont affirmé leur volonté de revendiquer partout des droits égaux pour participer aux processus de décision et veiller à la prise en compte des expériences et des intérêts spécifiques de tous ceux qui se trouvent en situation de forte dépendance. Pour les femmes, les thèmes de durabilité et de parité sont inséparables.
Le programme Urbana + vise à promouvoir l’expertise des femmes pour un développement urbain durable.
Déjà en 1992, au sommet mondial de Rio de Janeiro, les ONG féminines avaient présenté « l’Agenda 21 des femmes », fruit de deux ans de travail intense d’un collectif international. Constat lucide du mal-développement, ce document analyse les interconnexions et les articulations qui existent entre les inégalités d’accès aux ressources et aux richesses, l’absence chez les principaux décideurs du sens de la responsabilité vis-à-vis des générations futures, l’économie de guerre… Il propose un projet de société différent et insiste en particulier sur une meilleure intégration des perspectives des femmes dans tous les programmes et stratégies de l’ONU. L’agenda 21 officiel a repris des recommandations de ce texte et précise que les femmes doivent être mieux reconnues et participer davantage à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique environnementale.
La Charte Européenne des Femmes dans la Cité
La Charte Européenne des Femmes dans la Cité a été élaborée en 1994, par une équipe de cinq expert(e)s grâce à l’appui de l’Unité pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes - DG V, de la Commission Européenne.
Cette charte comprend une analyse de cinq thèmes majeurs : aménagement urbain et développement durable, sécurité, mobilité, habitat et équipements de proximité, stratégies à développer… Un catalogue d’actions positives composé de 66 fiches présente diverses initiatives de femmes en Europe comme dans les pays du Sud, dont on peut citer quelques exemples pour l’Europe :
1. La planification urbaine
Un projet de « revitalisation d’un quartier du point de vue des femmes » a été réalisé à Hagen/Allemagne. Invitées par une urbaniste et une assistante sociale, les femmes d’un quartier caractérisé par un pourcentage élevé d’étrangers et d’enfants, ont pu soumettre, à l’administration communale, de nombreuses propositions fructueuses.
2. Femmes architectes
A Londres, une coopérative architecturale féminine multiraciale et multiculturelle est organisé selon des principes non hiérarchiques. Le dialogue avec les clients est considéré comme une priorité, et notamment l’engagement à inclure les femmes dans la conception et la réalisation des bâtiments.
3. Femmes et Habitat
Dans près de 250 communes des Pays Bas, un comité consultatif féminin (VAC) participe au processus de décision en matière de logement. Chaque comité compte entre 10 et 15 femmes. Habituellement, les plans de permis de construire pour les logements doivent être soumis au VAC avant de pouvoir être réalisés. Les comités régionaux sont tous représentés dans le comité d’organisation général qui opère au niveau national.
4. Problèmes de sécurité
Dans la ville de Louvain, un questionnaire donne à la population la possibilité de communiquer à l’administration les difficultés rencontrées en matière de sécurité urbaine dans les lieux publics. La sécurité dépend dans une large mesure des aménagements de la ville, de l’éclairage, des plantations d’espaces verts, des dispositions d’équipements… Cette problématique se pose de façon particulière aux femmes, mais aussi aux enfants, ainsi qu’à tous les groupes plus vulnérables. Ceux-ci savent beaucoup de choses que les experts traditionnels ignorent souvent.
5. Initiatives institutionnelles
Regrettant que les femmes soient sous-représentées dans les instances politiques, le Ministère norvégien de l’Environnement a édité un guide d’urbanisme adressé aux femmes. Celui-ci leur présente des exemples concrets de cas dans lesquels elles peuvent intervenir pour améliorer leur cadre de vie.
Le réseau Femmes et Villes - Urbana +
Lors du « Sommet des villes », HABITAT II qui s’est tenue à Istanbul en juin 1996, les ONG de femmes et les villes ont créé le projet de Réseau international Femmes et Villes.
Dans cette même ligne d’action, le projet européen « Femmes et villes, URBANA+ » a démarré en 1996, avec l’aide de la Commission Européenne, dans le quatrième programme d’égalité des chances. Il a été promu à l’initiative de l’association française « Groupe Cadre de Vie », avec au départ, le réseau européen des villes « Quartiers en Crise ». L’objectif est de bâtir une dynamique avec les femmes dans les quartiers des villes de l’Union Européenne en s’appuyant sur les principes de la Charte Européenne des Femmes dans la Cité comme base de travail. La charte fournit le fil conducteur méthodologique pour le programme URBANA+. Il concerne l’application des principes contenus dans la Charte, en vue de créer des dynamiques locales avec l’expertise des femmes et plus spécifiquement à partir de la vie quotidienne dans les quartiers.
L’originalité du projet Urbana + réside dans le fait de créer une dynamique d’action par une équipe de partenaires qui comprend à la fois des associations de terrain, des expertes et des villes représentées par leur maire ou des responsables municipaux.
L’objectif est de bâtir autour d’un projet commun qui peut se résumer par « une dynamique des villes au 21ème siècle, avec l’expertise des femmes » pour une meilleure qualité de vie collective. Le programme concerne les élu-e-s et conseiller- e-s des collectivités, le personnel des différents services et instances locales et régionales, les professionnel-le-s de l’aménagement, les associations féminines dans leur ensemble, enfin toutes les structures et mouvements qui se déterminent pour la démocratisation des décisions.
Il est prévu :
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de réaliser cinq stages de formation, un par pays,
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de constituer un réseau permanent et transnational d’échanges de bonnes pratiques,
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d’éditer un répertoire européen de ces pratiques en français et en anglais,
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de mettre sur le internet des « Pénélopes » un réseau de flux d’échanges FEMMES et VILLES.
Ces actions seront réalisées par étapes du 1er juillet 1999 au 30 juin 2000. Les résultats seront présentés lors de la Conférence internationale URBAN 21 à Hanovre.
Références
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MINACA Monique, BOOTH Christine in. Les cahiers de Femmes d’europe, Urbanisme N° 302, sept/oct.1998
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La Charte Européenne des Femmes dans la Cité est disponible à « Groupe cadre de vie ».