La NEF, première banque française des solidarités et du développement durable
La Nouvelle Économie Fraternelle veut redonner à la circulation de l’argent sa dimension humaine
Ina Ranson, 1999
Cette fiche présente la NEF (Nouvelle Economie Fraternelle, acteur majeur de l’ESS et de la finance solidaire).
La NEF (Nouvelle Economie Fraternelle) comprend à la fois une association (loi 1901) et une société financière (anonyme et coopérative). Créée en 1979 par des personnes physiques et morales liées à l’agriculture biologique, au mouvement coopératif et aux écoles Waldorf, l’association a eu comme objectif de rechercher et de mettre en œuvre des formes nouvelles d’entraide économique et financière. La Société Financière fut agréée par la Banque de France fin 1988. Affiliée à la Caisse Centrale du Crédit Coopératif, elle collecte des ressources auprès des personnes, d’institutions et d’entreprises soucieuses de mettre leur épargne au service d’initiatives individuelles présentant une réelle utilité sociale.
En décembre 1998, lors d’une Assemblée Générale Extraordinaire, le Conseil de la Société Financière a présenté le projet de transformer la NEF en banque de plein exercice, dans l’échéance d’une année, c’est-à-dire courant 1999.
La gestion de l’argent sous les signes de la réciprocité et de l’interdépendance
La NEF n’est pas le seul exemple d’économie solidaire dans un pays riche d’une tradition d’économie sociale où les activités mutualistes, coopératives et associatives sont plus développées qu’ailleurs. « Mais pour la première fois », explique Marie-Thérèse Ducourau, chargée de l’accueil à l’antenne de Paris, « un établissement bancaire reconnu par les pouvoirs publics s’exerce à établir une transparence dans la circulation de l’argent, afin de susciter plus de conscience chez les emprunteurs, les prêteurs ou les sociétaires, dans le sens d’une interdépendance qu’on peut nommer solidarité ou fraternité. »
La NEF recueille des dépôts sur des comptes à terme (immobilisation 2 ans minimum) avec un choix pour le domaine d’affectation de l’épargne et le choix de l’intérêt (entre 0 et 4 %), ainsi que des dépôts sur un livret NEF-BFCC, avec un intérêt de 2,5 % (s’apparentant au livret B des Caisses d’Épargne) et un compte-chèque solidaire géré par le Crédit Coopératif. Les épargnants peuvent faire don au fonds de solidarité de l’Association d’une partie ou de l’ensemble des intérêts perçus.
En novembre 1998, la NEF a en plus lancé, en partenariat avec les magasins et supermarchés bio « Biocoop », France Nature Environnement et WWF-France, le Compte Epargne Nature qui sert à financer des projets « écologiquement utiles » : l’aide à l’installation des agriculteurs qui veulent pratiquer l’agriculture biologique et biodynamique, création de magasins bio, développement des énergies renouvelables, création des éco-industries, protection de l’environnement. Les souscripteurs de ce Compte d’Épargne peuvent céder la totalité de l’intérêt perçu à l’une des associations partenaires.
La NEF attache une importance primordiale à la qualité de ses services. L’accueil des emprunteurs, l’étude très poussée des dossiers, la recherche des garanties (essentiellement des cautions de personnes physiques entourant l’initiative et la soutenant) requièrent un temps et des moyens qui dépassent de loin l’activité d’une banque ordinaire. Cette activité est soutenue au moyen des cotisations, des dons à son fonds de solidarité et par quelques subventions.
Chaque année, la NEF publie la liste des prêts qu’elle octroie. Environ 40 % des prêts vont à la création de petites entreprises, notamment par des chômeurs ou des RMIstes ; l’autre moitié se répartit entre l’agriculture biologique, l’écologie, l’éducation, la culture et la santé.
Des exemples de projets soutenus par la NEF
« La voix de l’emploi » : Quatre anciens chômeurs, âgés entre 40 à 50 ans, tous anciens chefs d’entreprise, ont constitué une société pour développer et gérer un serveur vocal destiné à favoriser l’emploi des jeunes. Ce système informatique, développé dans le cadre d’une convention avec les missions locales, et avec de grandes entreprises permet d’effectuer un rapprochement automatique entre le CV d’un demandeur d’emploi et les offres les plus proches de ses compétences.
L’association Deffi Bois, installée dans la Loire, s’occupe depuis plusieurs années de développement local. En s’appuyant sur l’utilisation de matériaux renouvelables et recyclables, elle assiste et accompagne les porteurs de projets. Tous les deux ans, Deffi Bois organise une foire dans le but de faire revivre les métiers du bois dans la construction.
Une ferme pédagogique : l’association bourbonnaise Adater a pour objet la création d’un centre d’activités lié à l’agriculture biologique et à vocation pédagogique et d’accueil. La NEF aide à l’acquisition des terres et du matériel.
Des chiffres clef en septembre 1998
En septembre 1998, le capital de la NEF atteint 18,5 millions de Francs ; il est souscrit par 2800 sociétaires, surtout par des personnes physiques et quelques fondations, institutions et entreprises.
L’épargne stable constitue environ 38 millions de Francs, sur 830 comptes à terme. L’épargne mobile atteint 65 millions de Francs de ressources mobilisables provenant de 1300 livrets et de 1000 comptes chèques « NEF-Crédit-Coopératif » ouverts dans les agences du Crédit Coopératif.
Du côté de l’emploi des ressources : 750 prêts représentant 135 millions de Francs ont été accordés depuis le premier janvier 1989. L’encours actuel des prêts est de 50 millions. Les prêts à court terme et à moyen terme sont généralement garantis par des cercles de caution, les longs termes par des hypothèques.
Par ailleurs, le capital, actuellement à 18,5 millions, se répartit entre 2800 sociétaires, personnes physiques et morales (la part de capital est à 200 F). « Pour devenir ce à quoi nous aspirons - la première banque des solidarités et du développement durable, nous devons rassembler 40 millions de capital au plus tard pour fin 1999. Ce n’est pas facile, mais nous espérons bien y arriver ! » exprime avec confiance Blaise Desbordes.
L’investissement « éthique et écologique » est en pleine évolution dans de nombreux pays en Europe. Par-delà l’activité de placement et de crédit, certaines institutions bancaires poursuivent aussi une mission d’information auprès du public essayant de promouvoir une nouvelle conscience de responsabilité concernant l’effet de l’argent dans notre société. Ajoutons que des banques ordinaires peuvent également prendre des initiatives pour aider le financement de projets innovateurs qui servent un développement durable. En Autriche par exemple, des banques régionales rendent des grands services pour la promotion des énergies renouvelables.
Références
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Vif-Argent, Bulletin de liaison des sociétaires de la Nef, automne 1998