France, le Plan véhicules décarbonés (2009)

Cette fiche présente le Plan véhicules décarbonés mis en place par le gouvernement français dans la suite du Grenelle de l’environnement.

Contexte

Les années 2008-2009 ont vu éclore en Europe une série d’initiatives pour le développement des véhicules électriques et hybrides rechargeables. Ces initiatives résultent pour partie d’ années 2007-2008 marquées par une accentuation significative des prises de consciences relatives aux enjeux énergétiques et climatiques : le prix Nobel de la paix est attribué en 2006 à Al Gore, ancien vice-président des Etats Unis, pour ses efforts de sensibilisation du monde aux enjeux climatiques ; le rapport de l’économiste anglais Stern en 2007 prévoit que le coût des mesures préventives du changement climatique sera d’environ 1 % du PIB mondial alors que le coût des mesures réparatrices pourrait être au moins dix fois plus élevé ; par ailleurs, le prix du pétrole atteint en mai 2008 des sommets inégalés de 140 dollars le baril.

En France, en 2007, le Grenelle de l’environnement constitue une concertation entre cinq collèges : l’Etat, les collectivités territoriales, les syndicats, l’industrie, les organisations non gouvernementales (ONG). Il en résulte fin 2007 une liste de 268 engagements, puis en 2009 une première loi générale (Grenelle I, 30.08.2009) et en 2010 une seconde loi plus précise (Grenelle II, 12.02.2010). C’est dans ce cadre que le gouvernement impulse une nouvelle politique pour les véhicules décarbonés. Celle-ci marque une réelle rupture dans un pays où les années 1990 avaient laissé un goût amer qui inclinait plutôt à la prudence : 5000 véhicules électriques au total en 2002 alors que la France était leader mondial de l’initiative dans ce domaine avec la Citroën Saxo, les Peugeot 104 et Partner, la Renault Clio, avec les expérimentations de Saint Quentin en Yvelines (Praxitèle) et de La Rochelle (Liselec, 50 véhicules en libre-service). L’échec de cette période est attribué notamment à l’insuffisance d’autonomie (70 km) et à la faiblesse du réseau d’après-vente, et dans la suite l’industrie française - et plus globalement les milieux de R&D en France - ont adopté une attitude prudente : au cours de la période 2002-2007, par exemple, les budgets du programme national Predit consacrés aux véhicules propres et économes (VPE) l’ont été à hauteur de 35 % pour l’ensemble motorisations électriques et hybrides et donc pour les 2/3 aux motorisations classiques, et le développement des véhicules électriques était prioritairement envisagé, au moins dans un premier temps, dans les flottes collectives.

Les étapes et les mesures du Plan véhicules décarbonés

Une première annonce est faite par le Président de la République en octobre 2008 au salon de l’auto à Paris : effort public de recherche accru de 400 millions d’euros sur 4 ans dans ce secteur, création d’un Fonds de soutien aux démonstrateurs pour les énergies décarbonées, lancement de plateformes de recherche sur les batteries, les tests de véhicules et l’électronique de puissance.

L’année 2009 est consacrée à des groupes de travail, notamment sur la question clé des infrastructures de recharge et le Plan complet est annoncé en octobre 2009. La notion de véhicule décarboné est précisée avec un niveau d’émission maximum de 60 g de CO2 par km (niveau atteignable avec une motorisation hybride rechargeable). Pour stimuler le marché, le dispositif de bonus-malus est étendu et un projet d’achat coordonné de véhicules est lancé.

Pour les infrastructures de recharge, la loi introduit une obligation d’assurer une offre de recharge suffisante pour les immeubles de bureau neufs en 2012 et existants en 2015. Douze collectivités locales sont sélectionnées pour un programme d’expérimentation. Par ailleurs, la décision est prise de créer une entreprise spécialisée pour le renforcement du réseau électrique. Enfin, une expérimentation transfrontalière franco-allemande permettra de tester la circulation de véhicules de part et d’autre de la frontière avec utilisation de dispositifs de recharge divers.

Bilan à fin 2013

Recherche et développement

L’effort gouvernemental de soutien à la R&D sur les véhicules décarbonés s’est développé à travers trois canaux principaux.

Le programme national Predit s’est poursuivi avec notamment les aides pour les projets développés par les pôles de compétitivité (FUI) et les soutiens à l’innovation attribués par Oséo, mais aussi un programme associant 11 pays européens avec le soutien de la Commission européenne (Eranet Plus Electromobilité).

Parallèlement, le Programme d’investissements d’avenir (PIA), lancé en 2009 pour un budget global de 35 milliards d’euros dont 22 milliards de « Grand emprunt », a permis la mise en place de projets d’ampleur significative orientés vers des démonstrateurs, que ce soit pour des véhicules légers, des bus ou des tricycles ou quadricycles, mais aussi le soutien d’expérimentations pour les infrastructures de recharges. A souligner dans ce domaine l’expérimentation franco-allemande (projet Crome) qui a permis à partir de l’été 2012 de tester la circulation de part et d’autre de la frontière (Strasbourg, département de la Moselle, Stuttgart, Mannheim, Karlsruhe, région du Bade Wurtenberg) de 120 véhicules utilisant des infrastructures de recharge de divers types.

Enfin, deux plateformes de recherche et d’innovation ont vu le jour : l’une pour la qualification des véhicules électriques (Movéo-Dege Saclay), l’autre pour la recherche sur le stockage de l’énergie (Steve, avec un site à Grenoble et un site à Amiens). Une troisième plateforme était attendue, sur l’électronique de puissance, mais n’a pas encore vu le jour.

Industrie

Parallèlement aux soutiens à la R&D, l’industrie automobile a été encouragée à investir dans la filière décarbonée notamment par des prêts bonifiés. Dans un premier temps, Renault avait annoncé une stratégie affirmée pour le véhicule électrique alors que PSA privilégiait les motorisations hybrides. Renault avait affiché en 2010 un partenariat avec la société américaine Better Place pour implanter des réseaux de stations d’échanges de batteries en Israël et au Danemark. Mais le succès en Israël n’est pas au rendez-vous (voir encadré ci-dessous). Malgré ce revers, l’alliance Renault Nissan a annoncé en juillet 2013 avoir vendu dans le monde 100 000 véhicules électriques (60 % de Nissan Leaf).

Le partenaire de Renault Better Place jette l’éponge (Les Echos, 28 mai 2013)

Moins d’un millier de Fluence électriques vendues en Israël depuis le début de la commercialisation en mai 2012, 38 stations d’échange de batteries installées et 1804 bornes de rechargement. Better Place s’était engagée à acquérir 115.000 Fluence et pourrait s’exposer à verser des pénalités jusqu’à 300 millions de dollars sur 2011 et 202. Mais pour Renault « il ne s’agit pas du tout d’une remise en cause de notre stratégie liée au véhicule électrique.

PSA, de son côté, sans renoncer à l’hybride, accélérait la mise au point d’une offre électrique et se trouve en 2012 en tête des immatriculations françaises pour les véhicules électriques légers. Le groupe annonçait par ailleurs en 2011 un partenariat avec BMW, constructeur allemand qui a engagé lui-même en France des expérimentations de véhicules électriques.

Le paysage français est marqué par ailleurs par les véhicules produits par Bolloré, principalement pour le libre-service (Autolib à Paris).

Autolib’ renforce sa flotte (Direct matin, 19.04.13)

Plusieurs dizaines de Blue Car vont venir compléter la flotte de 1800 véhicules disponibles à ce jour. Pour l’heure : 800 stations (1050 fin 2013), 4800 bornes et places de parking (+ 700 à venir), 47 000 abonnés au bout de 1 an, 73 000 aujourd’hui.

Le bilan des ventes en France (chiffres site Avere France) marque une évolution sensible entre 2011 (2630 véhicules légers et 1683 utilitaires) et 2012 (5 663 VL et 3651 VUL) :

Ces chiffres significatifs restent relativement modestes comparés aux immatriculations de véhicules hybrides dans la même année (13 597 VL essence, principalement des Toyota, et 7 700 VL diésel, notamment Peugeot Hybrid 4). Ils sont évidemment encore plus modestes rapportés au total des immatriculations en France en 2012, environ 1,9 millions de véhicules légers (donc 0,2 % de véhicules électriques légers). Les immatriculations 2013 seront intéressantes à suivre car la gamme des véhicules sur le marché s’étoffe. Mais les constructeurs s’impatientent sur le développement des infrastructures de recharge, plus lent que prévu. Pour autant, la France tire plutôt bien son épingle du jeu en Europe puisque les immatriculations françaises représentent, en 2012, 35 % des immatriculations européennes, devant la Norvège (15 %) et l’Allemagne (13 %).

Le vélo à assistance électrique peine à démarrer en France (Le Monde 19 juillet 2013)

46 000 ventes en 2012 contre 200 000 aux Pays-Bas et 380 000 en Allemagne. 1,5 % des cycles vendues en France contre 10 à 12 % dans les pays du nord de l’Europe pourtant aux reliefs moins marqués. Problème : le prix, entre 1 200 et 3 000 euros quand un scooter électrique démarre à 2 000. 25 villes, dont Paris, offrent des primes qui peuvent aller jusqu’à 500 euros.

Infrastructures de recharge

Un Livre vert à destination des collectivités locales a été publié en avril 2011. Il décrit les technologies, les modèles économiques, les densités souhaitables…

Le décret d’application de la loi Grenelle sur les immeubles de bureau est paru le 25.07.2011 : il rend obligatoire la possibilité de recharge dans les immeubles neufs à partir du 1er janvier 2012 et dans les immeubles existants à partir du 1er janvier 2015.

Mobilité électrique : lancement de Gireve (blog ERDF, 29 juillet 2013)

La Caisse des dépôts, la Compagnie nationale du Rhône, EDF, ERDF et Renault viennent de lancer Gireve (Groupement pour l’itinérance des recharges électriques de véhicules ») une société conçue pour faciliter l’usage des bornes de recharge électrique publique. Gireve gèrera des données au service des acteurs de l’électromobilité pour développer des services à la carte : localisation, disponibilité et réservation des bornes, paiement en ligne…). L’intérêt d’une telle structure est notamment d’adapter l’ensemble des services aux besoins, de garantir des standards d’échange de données compatibles avec les autres pays européens, d’appuyer les collectivités locales et les aménageurs d’infrastructures de recharge dans leurs projets.

Les bornes de recharge figurent parmi les 34 priorités du second programme d’investissements d’avenir lancé le 13 septembre 2013. Ce programme bénéficiera de 3,7 milliards d’euros d’argent publics issus pour l’essentiel du Grand Emprunt.

Côté européen, en parallèle, la commission européenne a annoncé jeudi 24 janvier 2013 le lancement d’une stratégie pour des carburants propres. Il s’agit d’« un ambitieux ensemble de mesures visant à mettre en place, dans toute l’Europe, des stations pour les carburants de substitution, et à fixer des normes communes encadrant leur conception et leur utilisation », explique la Commission. L’objectif principal de la stratégie est de pallier le manque de bornes de recharge et de stations de ravitaillement pour les énergies alternatives en « [imposant] aux États membres un ensemble d’objectifs contraignants en matière d’infrastructures [et en établissant] des normes communes applicables aux équipements dans toute l’Union européenne« . L’électricité, l’hydrogène et le gaz naturel sont concernés. Le délai est fixé au 31 décembre 2015 pour l’application des normes et au 31 décembre 2020 pour le déploiement des infrastructures.

Marché

Afin de stimuler les premières séries industrielles, une commande groupée a été lancée fin 2011 par 9 entreprises publiques coordonnées par La Poste et l’UGAP. Une première commande de 15 600 Renault Kangoo ZE (petit utilitaire), et de 3000 Peugeot Ion (petite citadine compacte) a été notifiée. Après un nouvel appel d’offres lancé fin 2012, l’UGAP a annoncé mettre à son catalogue les Renault Zoé et Fluence (commande prévisionnelle sur 3 ans 2000 et 100) et la Mia (500, véhicules produits par Mia électrique, filiale d’Heuliez, sur le site de Cerizay, en Poitou-Charentes, où ont été construites les Peugeot 106, Citroën AV et Saxo).

Le dispositif incitatif dit « bonus-malus » a été maintenu en 2012 : les bonus sont de 5 000 euros en dessous de 50 g de CO2, 3 500 entre 50 et 60, 2 000 en dessous de 110 g (véhicules hybrides).

Bonus malus : le barème 2014 validé par les députés (Turbo.fr, 22.10.2013)

La zone neutre passe de 106-135 g à 91-130 g de CO2 par km. Le bonus diminue dans toutes les tranches (maximum de 8 000 à 7 000 euros pour les véhicules électriques) et le malus progresse pour toutes les tranches (maximum 8 000 euros pour plus de 200 g CO2 par km).

Références

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie :

  • Dossier de presse octobre 2009

  • Document (interne) de suivi du Plan véhicules décarbonés

  • Association Avere France