Les enjeux de la territorialisation des infrastructures de transport
Stéphanie Leheis, 2012
Cette fiche était initialement divisée en trois parties qui ont été ici réunies, pour plus de lisibilité. L’auteur y aborde la question de la territorialisation des infrastructures de transports selon 3 axes :
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Leur gouvernance
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Leurs financements
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L’évaluation qu’on peut en faire
Partie 1 : la gouvernance
Le premier enjeu à mettre en évidence est celui de la gouvernance. La notion de territorialisation implique une participation de plus en plus importante des acteurs locaux dans la planification des infrastructures. Cette implication plus forte s’explique par un contexte global lié aux transformations du rôle de l’Etat, qui n’est plus le seul maître à bord pour décider et financer les grands équipements de demain, et plus largement aux évolutions des formes et des modes d’action publique. La décision jacobine, imposée par l’Etat et ses grands corps qui le conseillent, laisse place à une décision négociée, concerté, co-construite entre les différents acteurs du territoire. De nouveaux acteurs sont ainsi à intégrer dans la décision : les collectivités locales qui sont sollicitées de plus en plus pour supporter les infrastructures de transport ; les riverains avec l’introduction des procédures de débat public ; les usagers qui sont porteurs d’une nouvelle forme d’expertise qui vient compléter l’expertise technique des ingénieurs ; ou encore les partenaires privés qui participent au financement, à la conception ou à l’exploitation de l’infrastructure.
Dès lors, nous pouvons faire un double constat : celui d’une complexification du jeu d’acteurs, avec la multiplication des acteurs impliqués dans le processus de décision, et celui d’une complexification des enjeux, notamment avec l’idée de développement durable. Ce principe qui entend guider désormais notre action vise à réconcilier trois dimensions qui entrent souvent en contradiction : l’économique, le social et l’écologique. Dans le cas des infrastructures de transport, il faut tenir compte de leur rentabilité économique stricte, c’est-à-dire financière, mais aussi de leur rentabilité pour la société (que l’on qualifie de socio-économique) ; de leur juste répartition sur le territoire, au service du plus grand nombre, ou de leur facilité d’accès, dans un souci d’équité territoriale et de justice sociale ; de leur impact environnemental, à court comme à long terme. Autant d’enjeux qui complexifient la décision à prendre, et posent question sur la gouvernance.
Deux questions nous semblent particulièrement importantes aujourd’hui. La première est celle du « qui » : qui paie ? qui gère ? qui entretient une infrastructure ? Pour l’illustrer, prenons l’exemple du réseau routier national qui a été en grande partie transféré aux collectivités locales, plus à même de le gérer et de l’entretenir par la proximité du terrain. Depuis les deux grandes lois de décentralisation d’août 2004 et 2006, l’Etat ne gère plus que le réseau structurant, c’est-à-dire le réseau autoroutier et les grandes routes nationales qui constituent l’armature du réseau routier français. Les départements, déjà en charge de la compétence routière, se sont donc vu attribuer la charge du reste du réseau national, non-structurant. Dans le cas de la création de nouvelles infrastructures, la question se pose de savoir qui sera le maître d’ouvrage. D’emblée, on imagine qu’en fonction des types de flux supportés par cette infrastructure (locaux ou nationaux) ou de son implantation géographique, il serait assez simple de déterminer le maître d’ouvrage légitime. Mais la plupart du temps ces flux cohabitent (comme dans le cas de voies rapides urbaines ou de rocades de contournement, qui supportent à la fois un trafic purement local lié à l’agglomération, et un trafic de transit). Dès lors, il est plus délicat d’identifier l’acteur qui devra prendre en charge le projet. Est-ce la commune traversée par l’infrastructure (qui supporte les nuisances liées à l’infrastructure mais n’en bénéficie pas forcément) ? Est-ce la communauté de commune ou l’agglomération (qui profite de cet équipement au niveau métropolitain) ? Est-ce l’Etat se faisant le garant de l’intérêt national ?
La seconde question primordiale en termes de gouvernance est celle du « comment », qui se résume souvent par la notion d’acceptabilité. Comment faire passer une décision ou comment faire accepter un projet d’infrastructure ? Prenons l’exemple ici des lignes à grande vitesse. Les nouveaux projets de LGV doivent aujourd’hui passer par une procédure longue et complexe, dans laquelle le nombre d’acteurs impliqués diminue au fur et à mesure du resserrement du projet sur son strict linéaire. Un premier débat public porte sur l’opportunité même de la création de la nouvelle infrastructure, puis les échanges se resserrent sur les différents projets possibles, jusqu’à faire porter le débat sur les caractéristiques du projet retenu. Dans ce type de démarche, il faut tenir compte des acteurs présents comme des acteurs absents (mais représentés par d’autres, comme la faune et la flore qui sont représentés par des associations de défense de l’environnement par exemple). Il faut s’assurer que tous les acteurs présents ont les moyens de participer au débat, c’est-à-dire qu’ils ont les compétences techniques pour comprendre les échanges ou bien que ces compétences leur soient offertes. Il faut s’assurer que chacun participe à la construction d’un intérêt général et ne soit pas là pour défendre son seul bout de jardin. Autant de défis qui rendent la gouvernance de ces projets d’infrastructure très complexe.
Partie 2 : le financement
Le deuxième enjeu lié à la territorialisation des infrastructures de transport est celui du financement. Dans un contexte de raréfaction de l’argent public, l’Etat se tourne de plus en plus vers les collectivités locales et vers le privé pour participer au financement des infrastructures de transport. Les besoins de financement quant à eux sont toujours considérables. Même dans un pays comme la France où l’essentiel des réseaux de transport sont déjà construits, les besoins sont importants pour les nouvelles infrastructures à créer, comme les lignes à grande vitesse, et surtout pour l’entretien du réseau existant et son amélioration. C’est ce que montre le rapport d’audit réalisé par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) sur l’état du réseau ferroviaire français par exemple (Rivier & Putallaz, 2006), ou bien les débats récents sur le Grand Paris qui ont montré le gigantisme des investissements nécessaires pour doter l’Ile-de-France d’un réseau de transports publics moderne et performant à la hauteur de ses ambitions métropolitaines et répondant aux objectifs de transfert modal de la voiture vers les transports collectifs.
Il est important pour comprendre l’enjeu du financement de revenir sur le profil particulier de l’investissement dans les infrastructures de transport qui est justement ce qui rend difficile leur financement. Un projet d’infrastructure a un coût important et représente un type d’investissement spécifique, avec un lourd investissement au début et un retour sur investissement très long. C’est ainsi que la théorie économique définit l’investissement en infrastructure, par ce décalage du retour sur investissement qui dessine une courbe temporelle spécifique (qui diffère du profil engendré par un investissement industriel ordinaire). L’acteur privé n’a qu’une faible capacité de retirer le bénéfice de ces projets, d’autant qu’il demeure toujours de profondes incertitudes sur les niveaux de trafic à un horizon de 10, 20 ou 30 ans, contrairement à l’acteur public qui peut créer des taxes. Une autre caractéristique fondamentale de ces infrastructures est qu’elles ne sont pas toujours rentables au sens strict. Le taux de rentabilité interne de beaucoup d’infrastructure est faible, et en tout cas inférieur au taux de rentabilité interne requis par un opérateur privé. Mais ces infrastructures non rentables au sens strict, peuvent tout de même l’être au sens élargi, c’est-à-dire en tenant compte de son impact sur l’aménagement du territoire, des externalités négatives que corrigent l’infrastructure, etc.
Les principales sources de financement sont les suivantes :
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les taxes sur le carburant et les véhicules (qui fournissent une bonne partie du budget transport dans la plupart des pays) ;
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les péages sur l’infrastructure à construire : c’est l’usager de l’infrastructure qui est sollicité pour la payer. Ce principe est celui qui a été retenu en France pour construire l’essentiel du réseau autoroutier grâce au régime de la concession.
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un fonds spécial pour les grands équipements ;
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un plan national d’investissement ;
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la contractualisation avec un partenaire privé, comme dans le cas des contrats de partenariat public-privé (PPP).
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ou enfin avec d’autres alternatives comme les prêts garantis par l’Etat, des subventions publiques, ou des taxes spéciales.
Parmi les types de contrat, nous distinguons trois contrats principaux :
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Les contrats Etat-Région dans le cadre d’un financement budgétaire classique par la seule puissance publique : dans le cas d’un contrat Etat-Région, il s’agit d’un financement budgétaire classique. L’Etat et les collectivités locales programment sur un horizon de 7 ans (c’est-à-dire la durée du contrat) les dépenses d’investissement nécessaires qui sont associées à des projets précis.
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Les contrats de concession : dans le cas d’un contrat de concession, l’Etat confie, pour une durée déterminée, le financement, la construction, l’entretien et l’exploitation d’une infrastructure à une société concessionnaire en contrepartie de la perception d’un péage que la société concessionnaire perçoit directement auprès de l’usager.
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Les contrats de PPP : dans le dernier cas, celui du PPP, il s’agit d’une nouvelle modalité de financement qui existe en France depuis 2004 seulement. Le contrat de partenariat permet à l’acteur public (Etat ou collectivité locale) de confier à une entreprise la mission globale de financer, concevoir tout ou partie, construire, maintenir et gérer pour une longue durée des ouvrages ou des équipements publics concourant aux missions de service public, contre un paiement étalé dans le temps et effectué par la personne publique. L’entreprise finance soit sur ses fonds propres, soit en empruntant, ce qui implique qu’elle doive prévoir sa rémunération attendue, et établir un plan de dépenses en fonction de l’objectif de rentabilité qu’elle s’est fixée. La collectivité verse une rémunération (ou loyer), qui est calculé de sorte que le prestataire puisse couvrir ses charges et dégager une marge.
D’une manière générale, les modalités de financement des infrastructures ont profondément évolué ces dernières années. Sous l’effet de la dérégulation et de l’ouverture à la concurrence, les pratiques antérieures de débudgétisation et d’affectation de prélèvements spécifiques sur l’usager ont été remises en cause. Dans le domaine routier par exemple, l’adossement du financement des nouvelles liaisons aux résultats dégagés par les sections déjà amorties est désormais pratiquement impossible. Jusqu’à la fin des années 1990, l’attribution des nouvelles concessions s’inscrivait dans un schéma d’adossement, c’est-à-dire l’Etat choisissait un concessionnaire qui disposait d’un quasi-monopole sur une zone et finançait les nouvelles sections d’autoroutes par les péages prélevés. Il s’agissait alors d’adosser une autoroute peu rentable à une autoroute rentable pour permettre sa réalisation.
Cette méthode avait permis de financer le développement rapide du réseau autoroutier. Mais avec l’ouverture à la concurrence imposée au niveau européen, plus aucune autoroute ne peut être concédée sans concours, mettant à mal le principe de l’adossement. Dans le domaine ferroviaire, le financement du développement du réseau par endettement a vu également son champ d’application limité. Avant la création de Réseau Ferré de France (RFF), le développement du réseau était financé essentiellement par un endettement croissant de la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF). La création de RFF prévoit un dispositif statuaire limitant son endettement. Cette règle impose une certaine rigueur financière au gestionnaire d’infrastructure pour les investissements de développement et permet en principe d’éviter une progression non maîtrisée de la dette ; en contrepartie, elle révèle un besoin en concours publics substantiel dès que le projet n’atteint pas le taux de rentabilité minimal exigé pour RFF. Enfin, le principe d’une affectation aux investissements en infrastructures nouvelles des ressources liées à l’usage des réseaux de transports est également remis en cause. Jusqu’à récemment, le secteur des transports se voyait affecter une part substantielle de recettes spécifiques, comme par exemple la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP). Une grande partie de ces ressources ont perdu leur affectation initiale et sont rattachées au budget général de l’Etat.
Le problème se pose de trouver de nouvelles sources de financement. D’autant que la multiplication des exigences, notamment environnementales, se traduit par des projets plus coûteux. L’usager paie une part limitée au regard du coût de l’ensemble du réseau, qu’il s’agisse du réseau routier ou du réseau de transports publics. Dans le cas du réseau routier on observe que le réseau non concédé est aujourd’hui largement sous tarifé, et on constate une insuffisante modulation tant spatiale que temporelle du péage. D’autres sources de financement sont donc à trouver. Par exemple, les débats sur le Grand Paris ont fait émerger une source de revenus nouvelle en France mais déjà exploitée dans d’autres pays européens, notamment en Europe du Nord : la rente foncière à proximité des gares qui pourrait être utilisée pour financer les projets de gares de la grande rocade ferroviaire. L’idée est alors de récupérer la plus-value foncière engendrée par une telle infrastructure pour financer la gare en question. D’autres sources de financements entreront prochainement en application, comme par exemple la taxe poids lourds, qui sera mis en service au 1er mars 2013, d’abord en Alsace puis dans le reste du pays. Discutée depuis de nombreuses années, cette taxe vise à faire payer les poids lourds sur les itinéraires non concédés pour lesquels ils ne paient pas de péage. Dégressive et modulable selon les régions, cette taxe constituera la principale ressource de l’AFITF1, pour financer des nouvelles routes mais aussi les lignes à grande vitesse.
Partie 3 : l’évaluation
Le troisième enjeu lié à la territorialisation des infrastructures de transport est celui de l’évaluation. On observe aujourd’hui une transformation profonde des modalités d’évaluation dans la planification des transports.
Rappelons tout d’abord à quoi sert l’évaluation ? C’est avant tout un outil de la décision publique, qui permet d’arbitrer entre des choix en éclairant le décideur, en termes quantitatifs principalement mais aussi qualitatifs, sur les avantages ou inconvénients d’un projet ou d’une politique. Le calcul économique est le principal outil d’évaluation. Il permet de chiffrer les coûts et surcoûts d’un projet, et ainsi de comparer les projets entre eux pour mieux décider où mettre nos moyens, dans le sens d’un meilleur intérêt général. Avec la territorialisation des infrastructures, nous assistons à une remise en cause des modes d’évaluation, et en particulier du calcul économique, qui apparaissent comme inadaptés pour saisir la complexité des interactions entre infrastructures et territoires.
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La critique vient principalement de cette idée d’interaction entre infrastructures et territoire, qui a conduit notamment à remettre en question la vision simpliste d’une relation de cause à effet entre ces deux éléments. En particulier, la remise en cause des effets structurants d’une infrastructure sur un territoire a rendu beaucoup plus problématique le calcul, par exemple, de la valeur ajoutée d’une infrastructure (voir Les effets de l’autoroute, l’exemple de l’A75 (France)), plus liée à des mesures d’accompagnement qu’à des effets systématiques.
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La critique porte ensuite sur la non-prise en compte de certains effets liés directement ou indirectement à une infrastructure, comme les externalités négatives : la congestion, les accidents, la pollution atmosphérique, les nuisances sonores, ou encore la consommation d’espace.
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Un troisième élément de critique porte sur des modalités de calcul qui ne privilégient que la vitesse, au détriment de l’accessibilité. En effet, dans le calcul économique classique, tel qu’il s’est développé en France mais aussi ailleurs (Etats-Unis, Europe, Japon), on prend en compte les coûts de déplacement (essence, voiture, etc.) et les coûts en temps pour exprimer les préférences des individus sur plusieurs trajets. Dans ce paradigme, si la vitesse de déplacement augmente, l’individu est gagnant puisque le coût en temps diminue et donc le coût global de son déplacement diminue. Cela démontre tout l’intérêt de construire de nouvelles infrastructures pour aller toujours plus vite. Or les travaux sur les déplacements et sur l’analyse des mobilités ont montré que dans la réalité, l’augmentation de la vitesse ne tend pas à réduire nos temps de déplacements, bien au contraire, elle nous offre la possibilité de faire plus de kilomètres. Ainsi, nous nous installons plus loin de notre lieu de travail et au total nous ne gagnons pas forcément en accessibilité.
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Un quatrième et dernier élément de critique tient aux transformations de la décision. Depuis la fin des années 1970 et le début des années 1980, on observe une crise de la décision dans les transports. Pour JM Offner, trois dimensions interviennent : les méthodes d’évaluation économiques peinent à intégrer les préoccupations nouvelles (notamment environnementales) ; elles se trouvent en porte-à-faux par rapport à des enjeux politiques non saisis dans une approche purement quantitative ; et la parole autorisée de l’expert est remise en cause face à de nouvelles formes d’expertise qui émergent (du côté des associations, des usagers, etc.). Les projets de transport sont donc plus débattus, plus conflictuels, et les grands corps de l’Etat (notamment celui des ingénieurs des ponts) ne sont plus considérés comme étant à coup sûr les plus légitimes pour dire l’intérêt général.
Ces différents éléments de critique ont eu pour effet de faire évoluer les modalités d’évaluation des infrastructures de transport. De nouvelles formes d’évaluation s’imposent, comme par exemple l’évaluation ex-post, rendue obligatoire en France pour tout grand projet d’infrastructure de transport par la loi LOTI de 1982 (loi d’orientation des transports intérieurs). Les bilans Loti analysent et expliquent les effets d’une infrastructure sur un territoire, intégrant des données économiques, sociales et environnementales, et comparent ces effets par rapport aux objectifs affichés du projet. Mais la tendance la plus lourde consiste en une amélioration et une modernisation des outils de l’évaluation économique. Le calcul économique en particulier s’avère d’autant plus utile aujourd’hui que nous sommes dans un contexte de contrainte budgétaire forte, avec des coûts de déplacement à la hausse (du fait du coût du pétrole, de la pollution de la rareté de l’espace disponible, etc.). Autrement dit, l’outil est sans doute plus pertinent que jamais, pour autant il faut l’améliorer pour répondre aux différentes critiques précédemment énoncées. C’est le sens des travaux de recherche soutenus par le Predit.
Rappelons-nous qu’en France, le calcul économique a toujours été un des principaux outils portés par le Ministère de l’équipement. La méthode la plus classique, mais aussi la plus ancienne et sans doute la plus répandue dans le monde, est celle de l’Analyse Coûts/Avantages, fondée dans les années 1930-1940 à partir des théoriciens de l’économie du bien-être, et dont on trouve des prémices dans les écrits de l’ingénieur Jules Dupuit (1804-1866) sur l’utilité des travaux publics. L’analyse coûts/avantages, ou Cost Benefit Analysis, consiste à identifier et quantifier les conséquences positives et négatives d’un projet ou d’une politique, en les exprimant selon une unité monétaire pour permettre la comparaison et garantir une meilleure allocation des ressources. Cette méthode est très largement diffusée dans les années 1950 et 1960, en France par des ingénieurs économistes, mais plus largement en Europe et aux Etats-Unis, et participe à l’essor du réseau autoroutier dans ces pays. Elle est systématisée dans les années 1970 en France, avec le mouvement de rationalisation des choix budgétaires, qui consistait à introduire le calcul économique public dans l’évaluation des décisions à tous les niveaux. Mais l’échec relatif de ce mouvement et les critiques portées sur l’analyse coûts/avantages ont laissé la place à partir des années 1980 au développement de nouveaux outils d’évaluation, notamment les analyses multicritères. Ces dernières consistent à comparer des projets suivants plusieurs critères ne s’exprimant pas selon la même unité. Des coefficients de pondération sont ensuite appliqués aux différents critères. Contrairement à l’analyse coûts/avantages, qui ne prend en compte que des critères quantifiables et monétarisables, l’analyse multicritères permet d’introduire des critères qualitatifs. Aujourd’hui ces deux méthodes cohabitent, et d’autres approches innovantes tendent à se développer.
L’amélioration des méthodes d’évaluation du calcul économique reste une ambition forte en France (voir les rapports Boiteux 1 et 21), qui se traduit dans les projets de recherche soutenus par le Predit. Des travaux sont menés par exemple sur le traitement des risques et incertitudes dans le calcul économique, sur la prise en compte des effets territoriaux, ou sur les hypothèses qui président au calcul économique, etc. D’autres travaux portent sur la refonte du calcul économique en introduisant les externalités environnementales (voir la synthèse de Chanel, O., Faburel, G. publiée en 2010). Pour autant, il apparaît de plus en plus que le calcul économique seul ne peut plus suffire. Tout ne peut pas être monétarisé, comme par exemple l’effet négatif du bruit pour lequel les individus ont des sensibilités très variables. La tendance aujourd’hui consiste donc à intégrer différents critères, et notamment au regard des enjeux du développement durable. Mais toute la question reste de savoir comment pondérer ces différents critères, et il y a là un choix politique à faire sur ce qui nous semble prioritaire ou pas.
1 L’AFITF Agence de Financement des Infrastructures de Transport de France est un établissement public à vocation exclusivement financière, créé en 2004, et qui apporte la part de l’Etat dans le financement des projets d’infrastructures de transport.
Références
Le numéro 106-107 de la revue Metropolis, disponible en PDF
Le site des chercheurs de l’INRETS sur le débat public
Le GIS, groupement d’intérêt scientifique « Participation du public, décision, démocratie participative »
CGPC, IGF (2003). Rapport d’audit sur les grands projets d’infrastructures de transport. Conseil Général des Ponts, Inspection Générale des Finances, Paris.
Rivier, R. & Putallaz, Y. (2006). Audit du réseau ferré national français. EPFL-LITEP, Lausanne.
Rapport au Sénat sur le financement des infrastructures de transport
Sur l’éco-taxe poids lourds, voir le Rapport de Marianne Ollivier-Trigalo pour le Predit (2012)
Le numéro spécial de la revue Métropolis « Evaluer et décider dans les transports », n°106-107 (1998), dirigé par JM Offner, qui rend compte du programme de recherche Evaluation-Décision du PREDIT (1996-2000).
Voir en particulier l’article suivant : Denant-Boemont, L., Raux, C. (1998) « Vers un renouveau des méthodes du calcul économique public ? ». Métropolis, n°106-107.
La synthèse des travaux de recherche du Predit pour enrichir le calcul économique :
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Maurice, J., Crozet, Y. (2007) Le calcul économique dans le processus de choix collectif des investissements de transport. Paris : Economica, Predit.
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Le dossier Transports : les récents apports de la socio-économie, Revue Recherche & Equipement, MEDAD, n°7 (2007).
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Chanel, O., Faburel, G. (2010) L’environnement dans la décision publique. Refonder l’évaluation socio-économique pour des politiques de transport plus durables. Paris : Economica, DRI-PREDIT.