La ville de Ouagadougou : une démarche de renforcement de capacités en matière de développement durable au sein de la collectivité
Sandrine MAILLET, April 2010
Association 4D Dossiers et Débats pour le Développement Durable
Cette fiche présente la démarche mise en place pour l’Agenda 21 de la ville de Ouagadougou, au Burkina Faso, fondée sur l’amélioration des actions municipales et s’appuyant sur un suivi et une évaluation de ces actions, au regard des critères du développement durable. Cette démarche s’est appuyée sur l’Agenda 21 du Grand Lyon.
Le Contexte
Située au centre du Burkina Faso, la capitale Ouagadougou est la plus grande ville du pays avec une population de 1,48 million d’habitants en 2006.
Elle compte 5 arrondissements, 30 secteurs et 17 villages rattachés à la ville.
La ville est peu industrielle, les activités économiques se concentrent essentiellement autour des secteurs de l’agroalimentaire et du textile.
Elle est en revanche une ville étudiante avec son université, premier établissement d’enseignement supérieur du pays, et de nombreux autres établissements d’enseignement supérieur (l’Université polytechnique de Bobo, l’Université de Koudougou, l’Institut des sciences informatiques et de gestion (ISIG) de Ouagadougou).
Comme Bobodioulasso, la ville de Ouagadougou est confrontée à une extension urbaine démesurée du fait :
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D’un fort taux de croissance urbaine (taux national de 20,2% en 2008) liée à l’augmentation démographique et à un phénomène de migration urbaine,
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D’une densification faible du tissu urbain (constructions basses en lotissement).
L’évolution démographique de l’agglomération se caractérise par sa rapidité qui pose de nombreux problèmes d’expansion de l’habitat et de mise en place des équipements et des infrastructures dans les quartiers périphériques défavorisés.
Au Burkina Faso, les pratiques de production de parcelles urbaines et d’absence quasi-totale de viabilisation des zones nouvellement loties contredisent les principes de prudence écologique et de développement durable. Celles qui consistent actuellement à installer des populations sur des zones sommairement viabilisées ont des impacts désastreux, à court et long terme, sur l’économie urbaine, la santé des populations, les sols et les ressources.
Aussi, la ville de Ouagadougou est confrontée à de nombreux enjeux tels que le surpeuplement, la dégradation de l’environnement, les problèmes sociaux liés notamment au sous-emploi et l’insuffisance d’accès aux services sociaux de base.
Plusieurs approches en vue d’enrayer la situation
La ville de Ouagadougou s’est dotée de plusieurs dispositifs pour améliorer les conditions de vie de la ville :
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Un schéma directeur de gestion des déchets
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Un plan stratégique d’assainissement opérationnel
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Un schéma directeur pour la collecte des eaux pluviales
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Un projet de développement et d’amélioration des conditions de vie en milieu urbain (PACVU – 1995 – 2002) qui a pour objectif d’aider à la décentralisation de la gestion de l’environnement urbain et qui développe une approche par la demande des populations les plus démunies à travers la Composante Participation Communautaire.
En 2001, elle a créé le service de la maîtrise d’œuvre sociale (MOS) communale ayant pour principales attributions :
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La sensibilisation des populations à l’entretien des ouvrages communaux
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L’identification et la réalisation d’équipements de proximité avec la participation des bénéficiaires.
Le lancement d’un Agenda 21 en 2008
Depuis 2008, la ville de Ouagadougou s’est engagée dans une démarche d’Agenda 21. Un diagnostic du territoire au regard du développement durable a été réalisé en 2008 avec l’appui d’ONU-Habitat.
Dans le cadre de la convention de coopération décentralisée 2007-2009 alliant le Grand Lyon et la ville de Ouagadougou, l’agence d’urbanisme de Lyon a proposé une méthodologie pour l’élaboration de l’Agenda 21 de Ouagadougou. La démarche proposée est fondée sur l’amélioration des actions municipales en s’appuyant sur un suivi-évaluation des actions et une analyse au regard de critères de développement durable des actions communales.
La mise en œuvre l’Agenda 21 s’appuie sur trois étapes :
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Une phase test pour l’année 2008 qui consiste à :
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créer un cadre organisationnel avec la constitution classique d’un Comité de pilotage Agenda 21 (cellule décisionnelle, à la fois technique et politique) et d’une Cellule Agenda 21 (cellule opérationnelle chargé de la mise en place et de la gestion de l’agenda 21) et la désignation de correspondant « Agenda 21 » de chaque direction technique concernée ;
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définir des outils de suivi-évaluation, basé sur un tableau de bord commun et partagé par l’ensemble des Directions ;
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définir une grille test de développement durable ;
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définir des actions « exemplaires » en initiant au sein de chaque direction technique des actions concrètes portant sur leurs pratiques quotidiennes.
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Cette phase doit pouvoir s’appuyer sur quatre directions pilotes.
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Une adhésion de l’ensemble des directions. Cette étape consiste à élargir la démarche à l’ensemble des directions de la communes de Ouagadougou en 2009 en s’appuyant sur :
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une communication interne autour de la démarche test, de ses résultats, de ses intérêts ;
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rédiger un guide technique de l’agenda 21 pour faciliter la démarche d’évaluation ;
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rechercher les futurs correspondants de l’Agenda 21… ;
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Un plan d’actions pour 2009-2011. Cette étape consiste à structurer la programmation des actions autour d’objectifs généraux jugés prioritaires par les élus locaux et à définir un plan d’actions pluriannuel.
La méthodologie proposée s’appuie essentiellement sur une démarche interne à la municipalité. A ce titre, elle a été présentée à chaque direction au cours d’entretiens et a été mise en débat au regard des compétences.
Elle s’appuie sur la dimension culturelle de planification acquise et maîtrisée par les services municipaux.
Cette méthodologie fait référence à la méthodologie utilisée par le Grand Lyon et se rapproche des grandes lignes du cadre de référence français du ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire pour la mise en œuvre de Projets territoriaux de développement durable et d’Agendas 21 locaux, à travers la transversalité, l’organisation du pilotage, l’évaluation et la démarche d’amélioration continue.
Elle présente ainsi l’intérêt de renforcer la capacité de la collectivité en matière de développement durable en s’appuyant sur une démarche pédagogique interne, progressive et transversale et sur une batterie d’outils complémentaires, qui, utilisés en groupe de travail transversal, peuvent être des outils d’aide à la décision efficaces pour faire évoluer les projets au regard du développement durable.
A la lecture de la méthodologie proposée, plusieurs questions restent en suspens
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Quelle sera la capacité de l’Agenda 21 à renforcer l’efficacité de l’action municipale au vu des enjeux forts de réduction de la pauvreté, d’amélioration des conditions de vie de la ville (des conditions sanitaires notamment), du contrôle de la prolifération des extensions urbaines et de la maîtrise de l’étalement urbain ?
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Comment garantir l’implication de tous dans la mise en œuvre pour garantir une démarche de développement durable efficace ?
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Comment faire le lien entre les différents dispositifs plus sectoriels et thématiques qui, du point de vue du développement durable, intègrent fortement des principes de participation, de partenariat, de subsidiarité ?
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Quelle articulation entre la démarche de planification intégrant les dimensions de développement durable telle que proposée dans cette méthodologie et une démarche communautaire impliquant les acteurs locaux et les partenaires ? A quel moment le principe de participation citoyenne et le principe de partenariat peuvent-ils être intégrés dans cette méthodologie ? Vraisemblablement, c’est la phase 3 qui pourrait davantage impliquer les acteurs locaux et les partenaires, puisque le choix a été fait d’engager dans un premier temps la démarche en interne pour une appropriation forte dès le départ. La ville a déjà une certaine pratique de la participation citoyenne, notamment à travers les activités conduites par le service de la maîtrise d’œuvre sociale (MOS). Peut-être aura-t-elle intérêt à s’appuyer sur ce savoir-faire, à le capitaliser ? Quel rôle aura le service de la MOS dans le renforcement de capacités des autres directions sur le volet de la participation citoyenne ?
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Comment la dimension culturelle peut-elle être intégrée dans la méthodologie pour en faire une force et garantir l’appropriation de la démarche ? Peut-être que la ville de Ouagadougou pourra s’inspirer de la démarche du Programme d’Amélioration des Services Urbains de Base (PASUB) mis en œuvre par la ville de Bobo Dioulasso ? Le PASUB a pris en compte dans sa démarche la dimension culturelle dans le mode de communication pour faire passer des messages forts (utilisation des proverbes et des adages comme technique de communication) auprès des habitants, a considéré l’organisation sociale de la parcelle pour adapter son mode d’intervention. Toujours dans le cadre du PASUB de Bobo Dioulasso, la dimension culturelle a fait partie également des difficultés rencontrées pour lesquelles on peut en tirer un certain nombre d’enseignements pour la conduite de l’Agenda 21 de Ouagadougou. Par exemple, lors des rencontres à l’intérieur des ménages, en présence du chef de famille, la communication pouvait être difficile. Les participants étaient réticents à s’exprimer sur l’état des pratiques environnementales par crainte d’être obligé de dénoncer un voisin ou un membre de leur famille (les liens de voisinage étant très puissants au Burkina Faso).
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Les communes de Bobo Dioulasso et de Ouagadougou n’auraient-elles pas intérêt à échanger sur leurs pratiques pour monter en capacité en matière de développement durable ? N’auraient-elles pas intérêt également à capitaliser davantage ?
Sources
Agenda 21 Local de Ouagadougou, Burkina Faso
Profil Urbain National du Burkina Faso 2004-2005 – ONU Habitat Programme des Nations Unies pour les Etablissements Humains
CORMIER A. 2009. « Rehausser la qualité de vie et offrir des services urbains de base dans un pays en développement : le projet de développement durable et viable de la commune de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) ».
DROUIN, D. 2007. L’Agenda 21e siècle local et le plan d’urbanisme, deux démarches à articuler, Dans GAGNON, C. (Éd) et E., ARTH (en collab. avec). Guide québécois pour des Agendas 21e siècle locaux : applications territoriales de développement durable viable.
To go further
Présentation de la Maitrise d’œuvre sociale de Ouagadougou
Programme d’Amélioration des Services Urbains de Base (PASUB), ville de Bobo Dioulasso