Agenda 21 local de Guédiawaye

Anne-Laure WITTMANN, April 2010

Association 4D Dossiers et Débats pour le Développement Durable

Cette fiche est une synthèse d’un document d’analyse basé sur plusieurs enquêtes de terrain, La petite fabrique locale du développement urbain durable. Elle présente une analyse critique de la mise en place de l’agenda 21 local de la ville de Guédiawaye.

Guédiawaye, ou la face cachée de Dakar

Une zone urbaine en expansion et au maillage administratif complexe

Contrairement à ce que l’on croit de prime d’abord, Dakar n’est pas que la capitale du Sénégal. Suite aux différentes lois sur le découpage administratif et la décentralisation, Dakar est aujourd’hui une région divisée en 3 départements (Dakar, Pikine et Rufisque), 4 villes (Dakar, Pikine, Guédiawaye et Rufisque), 43 communes d’arrondissement et 2 communautés rurales.

La région de Dakar occupe 0,3% du territoire national mais héberge 22% de la population totale du pays, soit 2,2 millions d’habitants. Des 4 villes, c’est Guédiawaye qui a la plus forte densité de population avec 20.029 habitants par km². Depuis les années 1970, Guédiawaye a été le point de chute des populations pauvres évincées du centre ville de Dakar.

Un terrain d’expérimentation pour des programmes de développement

Le Sénégal, et plus particulièrement Dakar, sont très prisés des bailleurs de fonds et des divers acteurs du développement. Ainsi, ONU-Habitat, le programme des Nations Unies spécialisé sur les établissements humains, a choisi le Sénégal et six autres pays comme pilotes pour son action de promotion des Agendas 21 locaux. Guédiawaye a été choisie car le programme s’adressait à des villes moyennes, délaissées à la fois par les investissements nationaux et internationaux.

Une vitalité associative à vocation développementaliste hors du commun

Pas moins de 180 associations étaient répertoriées dans le Bottin social de Guédiawaye en 2005 (60 groupements féminins, 51 associations de développement, 58 groupements d’intérêt économique, 8 associations socio-culturelles, 3 associations d’handicapés) pour 280.000 habitants, soit une association pour 1.500 habitants. A titre comparatif, la France compte 1,1 million d’associations pour 60 millions habitants, soit une association pour 45 habitants, mais principalement dans le secteur des loisirs.

Deux années de concertation…

Voici, en quelques dates, le déroulement de l’agenda 21 de Guédiawaye :

Les résultats

L’Agenda 21 local, un plan d’action suivi d’actions ?

Il est essentiel de rappeler ici le sens du terme anglophone « agenda » qui signifie plan d’action. L’Agenda 21 local de Guédiawaye a débouché sur la formulation de deux projets dits de démonstration (dans le langage de ONU-Habitat pour qui la priorité n’est pas l’action mais l’aide à l’émergence de politiques publiques innovantes dans le développement urbain) :

L’agenda 21 local, enfin de la cohérence ou bien un cadre programmatique de plus ?

L’agenda 21 local est supposé être un dispositif global permettant un dialogue pluri-acteurs autour des enjeux de long terme et, surtout, un outil de mise en cohérence des dispositifs existants. Est-ce que cela a été le cas à Guédiawaye ? Il est permis d’en douter, la commune comptant, au moment du lancement de l’Agenda 21, pas moins de trois dispositifs de planification :

En outre, l’Agenda 21 se superpose avec des dispositifs de planification répondant aux doux noms de PTIP, PRDI, SRAT, SDAU, PDU, PUR, PUD, PIC et autres PLD, sans parler des programmes sectoriels comme le PPIS, PEDEF, PEDIS, PNAE, PAQPUD, PEPAM, PELT…

Toutefois, on peut noter comme acquis du programme qu’un poste de responsable d’Agenda 21 local a été institutionnalisé au niveau de la commune.

L’Agenda 21 local, enfin de la participation ?

La principale valeur ajoutée de l’Agenda 21 local par rapport aux autres dispositifs de planification locale serait sa démarche participative. A Guédiawaye, cette démarche a été assez réussie du point de vue de la mobilisation : près de 300 personnes lors de la consultation de ville qui a duré trois jours, une trentaine de participants au Comité 21 ville, une cinquantaine par mini-forum et une quinzaine par groupe de travail. La représentation des différentes catégories (élus locaux, associations, services publics, individus) a été assez équilibrée. En revanche, les femmes ont été très minoritaires dans les instances « réduites » de participation que sont les groupes de travail où se dessinent pourtant les stratégies et plans d’actions.

Par ailleurs, la population dans son ensemble a été peu informée du processus, dont les résultats n’ont pas non plus été restitués en fin de programme. Elle n’en a pas non plus constaté d’effets visibles, les projets de « démonstration » ayant eu une portée très limitée.

L’Agenda 21 local, la clé vers les financements internationaux ?

Il est bien connu que cela rassure les bailleurs de fonds d’être en présence d’acteurs locaux disposant de plans de développement locaux cohérents. Mais il n’y a pas pour autant une relation directe de cause à effet entre la conception d’un Agenda 21 local et l’obtention de financements internationaux.

En outre, la capacité de planification est tout à fait distincte de celle de mise en œuvre des actions, avec tout ce qu’implique le recours à des financements externes : obligation de rendre compte selon des canevas et un mode de comptabilité contraignants, procédures, etc.

Ainsi, des besoins en renforcement de capacités et en accompagnement existent encore dans ce domaine.

Quelles leçons pour l’avenir ?

Les processus participatifs du type Agenda 21 sont indispensables pour maintenir un dialogue constant avec la population et rappeler aux décideurs quels sont les enjeux locaux. L’agenda 21 de Guédiawaye a ainsi fait ressortir, lors de débats très animés, l’action des « charretiers » qui viennent prélever du sable sur le littoral, zone écologiquement fragile. Cela montre que l’économie populaire ne peut être comprise du point de vue des stratégies décidées dans les enceintes internationales, que ce soit de la part des chantres de l’économie libérale ou de la part des militants du développement durable et de la participation. Chercher à placer tous ces acteurs dans le cadre formel (déclaration des petits commerces, imposition, respect des normes…) ou les convertir en défenseurs de l’environnement et de la démocratie locale sont, l’un comme l’autre, deux objectifs utopiques si l’on ne prend pas suffisamment le temps de comprendre les mécanismes et les contraintes locales dans lesquels s’insèrent ces acteurs de l’économie populaire.

Sources

La petite fabrique locale du développement urbain durable. De la construction programmatique à la mise en œuvre de projets labellisés, une comparaison Nord-Sud des enjeux de la mobilisation dans quatre métropoles : Berlin, Dakar, Marrakech et Toulouse, RAPPORT FINAL, Monographie Guediawaye (Dakar) dans le cadre du programme D2RT, 2005.

Politiques territoriales et développement durable sous la direction de Jean-Jacques GUIBBERT, géographe LISST/CIEU, Université Toulouse Le Mirail, Toulouse, et de Mohamadou ABDOUL, historien, ENDA Diapol, Dakar, 2008, 137 pages.

To go further

Enda Europe est une association française représentant l’ONG internationale Enda Tiers Monde (environnement, développement, action) basée au Sénégal et qui agit depuis 1972 en Afrique, en Asie et en Amérique Latine pour « Un monde solidaire et en paix, respectueux des droits et de la dignité humaine, de la justice sociale et de la diversité culturelle, où les différentes ressources sont réparties équitablement et gérées dans l’intérêt des générations actuelles et futures ».

Sénégal National Local agenda 21 programme

Appui à la formulation des Agendas 21 Locaux au Sénégal, Initiating Brief, Mai 2004

Site de la ville de Guédiawaye