Les enseignantes illettrées de Guédiawaye
Des parents d’élèves deviennent des éducateurs et des assistants sociaux
Sidiki Abdoul Daff, Penda NDIAYE, April 2000
Dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale (DPH)
Cette fiche décrit la mobilisation de parents d’élèves au Sénégal pour que les élèves de leur ville aient accès à l’école dans les meilleures conditions possibles, favorisant ainsi tant la scolarisation des jeunes filles que la lutte contre l’échec scolaire.
Au Sénégal, l’école est confrontée à des difficultés énormes avec le désengagement partiel de l’État qui ne prend en charge que le recrutement du personnel. La municipalité, chargée de l’entretien des infrastructures et du paiement des factures d’eau et d’électricité, intervient peu ou insuffisamment. Pour pallier ces manques, les parents d’élèves ont créé des associations de Parents d’élèves (APE).
L’école 20 A, située dans la commune de Guédiawaye, est sans nul doute un cas extrême d’abandon par les pouvoirs publics. Cette école, qui compte 12 classes pour 1200 élèves, n’a ni eau courante ni électricité ni sanitaires. Ces conditions matérielles désastreuses ont comme conséquences un échec scolaire massif (environ 90% d’échec) et un taux d’abandon très élevé.
Par un système de cotisation, les parents d’élèves essaient de faire face au manque criard d’infrastructures mais surtout ils tentent de juguler l’échec scolaire en essayant d’en maîtriser les causes. Les mères des enfants fréquentant cette école ont créé un comité appelé « Comité Accueil Maman ». Dès l’ouverture des classes, un calendrier est établi pour permettre aux mamans de se relayer comme sentinelles au niveau de l’école pour déceler les élèves ayant des problèmes sociaux, les conflits éventuels entre enseignants et élèves ou l’absentéisme des élèves. Ainsi, si cela s’avère nécessaire, le comité rend visite à la famille de l’élève pour discuter avec les parents afin de trouver des solutions.
Dans sa démarche d’encadrement le Comité Accueil maman privilégie les filles, qui connaissent le taux de déscolarisation le plus important. En effet, dans les couches défavorisées, il se dit souvent que la scolarisation des filles n’a pas de sens car elles sont plus utiles à la maison. Pour permettre aux filles de continuer à fréquenter l’école mais aussi d’être utiles immédiatement à leur famille, certains membres du comité (couturières, teinturières etc.) encadrent les filles en dehors des heures de classe pour leur donner une certaine qualification professionnelle. De fait, il y a un enseignement extra-muros qui est livré par des « mamans-enseignantes » illettrées qui ainsi se sentent valorisées.
Sources
CERPAC (Centre d’Études et de Recherches Populaires pour l’Action Citoyenne)
Fiche du dossier préparatoire au forum des habitants qui s’est tenu à Windhoek, Namibie (12-18 mai 2000) dans le cadre du sommet Africités
To go further
Livret jaune du CERPAC
Site de la ville de Guédiawaye