Démocratie participative à Aubervilliers
Les comités consultatifs de quartier : Améliorer l’action municipale en consultant les habitants
Cécile Fleureau, avril 2002
Cette fiche fait suite à un entretien avec JARRY Pascal et Halima MEKARBECH, deux coordonnateurs de la démarche « Quartier » de la ville. Elle s’intéresse à la relation entre les habitants, les élus et les coordonnateurs, à la mise en place de conseils consultatifs dans les quartiers, et à l’installation de boutiques de quartier, lieu de création de lien social. Cette fiche attache une attention particulière au rôle et au métier des coordonnateurs.
A Aubervilliers, ville de 63 000 habitants, la participation des habitants a été le fruit d’une volonté politique municipale qui a décidé de créer, le 28 avril 1997, les comités consultatifs de quartier. Cette instance fait écho à la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, titre II, chapitre II, article 22, qui envisage l’organisation de « comités consultatifs ». Ces comités s’inscrivent dans la philosophie générale de la « Démarche quartier » lancée en septembre 1997 sous la responsabilité du service Vie des quartiers composé d’un chef de service, de deux secrétaires et de onze coordonnateurs. L’objectif de cette démarche est de favoriser le lien social en instaurant un lien de proximité entre élus, services municipaux et habitants et d’améliorer l’action municipale par un travail décloisonné et collectif des élus et des services municipaux sur les quartiers. Malgré ses missions, le service Vie des quartiers est un service différent du contrat de ville. Il est cependant rattaché à la direction de la politique de la ville, de la sécurité et de l’insertion sous la responsabilité d’une directrice générale adjointe.
Plusieurs « outils » et acteurs s’articulent pour mettre en œuvre cette démarche : les coordonnateurs et les élus, les boutiques de quartier et les comités consultatifs de quartiers (CCQ).
Les coordonnateurs et les élus du quartier sont chargés d’animer la démarche sur les onze quartiers. Les missions générales du coordonnateur sont :
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Assurer le secrétariat des comités consultatifs ;
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Favoriser l’information, la concertation et la participation des habitants ;
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Améliorer le règlement des problèmes de la vie quotidienne ;
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Retisser le lien social ;
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Élaborer des projets de quartier avec les habitants
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Contribuer à transformer et moderniser l’administration.
Chaque coordonnateur est implanté dans un quartier de la ville grâce aux boutiques de quartier. Dans ce local, il y effectue des permanences, écoute, informe et échange avec les habitants sur les problèmes ou projets du quartier. Ce lieu est quelquefois le seul équipement public du territoire. C’est un espace de parole où les habitants expriment leurs problèmes quotidiens, s’informent sur l’action municipale. Les remarques sont recensées par le coordonnateur qui est chargé de les faire connaître aux services municipaux concernés. A la boutique, les habitants participent aussi à des projets collectifs : groupes de travail, rédaction d’un journal de quartier, sorties culturelles. La boutique est aussi ouverte pour des cours d’alphabétisation, l’aide aux devoirs ou la tenue des réunions de locataires.
En plus de ce dispositif au plus près des habitants, des comités consultatifs de quartier ont été créés. L’objectif de ces comités énoncé par le conseil municipal est le suivant : « créer dans tous les quartiers, un lieu d’échanges et d’informations, de large concertation entre les élus et la population qui permettent un débat libre et ouvert sur tous les problèmes liés à la vie des habitants ». Les onze comités consultatifs de quartier implantés dans chacun des quartiers de la ville se réunissent en moyenne tous les deux mois. Un maire-adjoint ou un conseiller municipal préside et anime les réunions avec un autre élu (vice-président) et un directeur général adjoint présents à chaque comité pour dialoguer avec la population, évoquer les problèmes du quartier, mais aussi informer et consulter la population sur les projets concernant la ville. L’ordre du jour est décidé par le président et le vice-président du CCQ, mais la moitié du temps est réservée à la prise de parole des habitants. La population est contactée par courrier pour les personnes qui ont donné leur adresse, ou avertie par le journal « Infos quartier » distribué dans toutes les boîtes aux lettres.
Le coordonnateur est chargé de la gestion administrative du comité, rédige le compte-rendu des réunions. Ce compte-rendu est ensuite envoyé au fichier des participants des comités et à tous les services communaux. Le coordonnateur ou le responsable administratif du comité interpelle les services en fonction des remarques des habitants par téléphone ou par fax dans certains cas. Une réponse du chef de service est obligatoire. Ces réponses de l’administration aux habitants sont publiées dans " Infos quartier " avant chaque CCQ ou font l’objet d’une information particulière au CCQ suivant, afin que les habitants sachent quels sont les problèmes réglés.
La fréquentation des comités est variable selon les quartiers et l’ordre du jour. Trente personnes environ participent à ces réunions. Bien que les comités soient ouverts à tous, les participants ont en moyenne 50/60 ans, les jeunes et les immigrés sont très peu présents, les femmes viennent plus que les hommes. Depuis 1997, la fréquentation a diminué car les habitants s’adressent directement à la boutique de quartier pour les problèmes du quotidien. Les comités ont évolué : au début ils étaient un exutoire pour la population, les élus étaient assis face aux habitants. Depuis, élus et habitants forment un cercle. Cette nouvelle disposition est symbolique de l’évolution.
Cet organe consultatif impulsé par la municipalité reste un espace en construction. La moindre mobilisation actuelle des habitants et la faible lisibilité des objectifs de la démarche participative interrogent aujourd’hui les motivations originelles. Les services municipaux ne se sont pas encore appropriés la philosophie de la démarche Quartier pour changer leur pratique et faire de la gestion urbaine de proximité. Certains élus se sont même emparés de la démarche et organisent leur permanence dans les boutiques au plus près des habitants. Bien que parfois désarçonnantes pour les élus, ces rencontres élus/population sont cependant bien ancrées dans les pratiques locales.
En savoir plus
Mairie d’Aubervilliers, Service Vie des quartiers
Serisier W., La démocratie participative et la fabrique locale des territoires
Blog du quartier Firmin Gémier – Sadi Carnot – République à Aubervilliers
Bacqué M-H., Sintomer Y. 2001. « Gestion de proximité et démocratie participative », In Les annales de la recherche urbaine, n°90. septembre 2001. p 148-155