Assurer les continuités écologiques

Limiter l’engrillagement dans les espaces naturels

janvier 2025

Au fil des années, de nombreux propriétaires ont édifié des grillages sur tout ou partie de leurs terrains pour en interdire l’accès aux promeneurs mais surtout pour y pratiquer la chasse : la chasse dans les enclos était en effet permise toute l’année et le gibier pouvait y être retenu captif. Promulguée le 2 février 2023, la loi visant à limiter l’engrillagement dans les espaces naturels et à protéger la propriété privée prévoit de rétablir les continuités écologiques pour que les espèces animales se déplacent sans contraintes dans les espaces naturels. Le texte prévoit, d’ici au 1er janvier 2027, la mise en conformité de l’ensemble des clôtures existantes depuis moins de 30 ans. Pour les nouvelles clôtures, ces conditions s’appliquent dès à présent.

À télécharger : ofb_plaquette_engrillagement_bd.pdf (770 Kio)

Pourquoi une loi sur l’engrillagement ?

Cerfs, chevreuils, hérissons ou crapauds : les animaux sauvages ont besoin d’un vaste territoire pour accéder aux zones de reproduction, d’alimentation ou de repos nécessaires à l’accomplissement de leur cycle biologique. En fragmentant les habitats, déjà éprouvés par l’urbanisation, l’engrillagement des espaces naturels met en péril la survie de la faune sauvage et entraîne de surcroit des blessures et mortalités directes aux animaux qui tentent de franchir ces obstacles. Si le code civil reconnaît depuis 1804 le droit de clore sa propriété et d’y pratiquer la chasse, le développement de ces grillages nuit aujourd’hui à la préservation de la biodiversité et à l’état sanitaire des populations d’animaux sauvages. À l’origine d’un piétinement important du milieu forestier, la concentration d’espèces dans les enclos de chasse et les propriétés grillagées fragilise certaines forêts qui ne parviennent plus à se régénérer. Enfin, lorsque des incendies forestiers surviennent, la multiplication des clôtures entrave l’accès des secours et freine le contrôle de la propagation du feu. Or, à l’heure du dérèglement climatique, les périodes de sécheresse s’intensifient et augmentent la vulnérabilité de la forêt face aux feux sur l’ensemble du territoire national.

Compte-tenu de ces enjeux, la loi n° 2023-54 du 2 février 2023 vise à limiter l’engrillagement des espaces naturels. Saisi par des parlementaires, le Conseil constitutionnel a validé le contenu de la loi le 18 octobre 2024, conciliant le droit de propriété et la protection de l’environnement. Les agents de l’Office français de la biodiversité, de la Direction départementale des territoires et de la Gendarmerie nationale sont habilités à contrôler le respect des règles édictées par cette loi et relever toute infraction, sous l’autorité du préfet du département et du procureur de la République.

Ce que dit la loi

La loi du 2 février 2023 pose le principe suivant : les clôtures implantées dans les espaces naturels et à plus de 150 mètres d’une habitation doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages.

Les clôtures doivent respecter cumulativement les caractéristiques suivantes :

Le champ d’application La loi s’applique sur l’ensemble du territoire national, à l’exception des collectivités ultra-marines compétentes en matière d’environnement. Elle concerne les clôtures implantées dans les zones classées comme naturelles ou forestières par le règlement du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune. En l’absence de PLU, seules les clôtures qui se trouvent « dans les espaces naturels » sont concernées, et non les clôtures que l’on peut trouver dans les zones urbaines ou péri-urbaines.

Les enclos cynégétiques et parcs de chasse, concernés par la loi dite «Engrillagement», sont par ailleurs soumis à de nouvelles règles : obligation de plan de gestion, respect des dates d’ouverture et de fermeture de la chasse et interdiction de l’agrainage, sauf lorsque le schéma départemental de gestion cynégétique le prévoit.

Quelles obligations administratives ?

Les sanctions encourues

La loi dite «Engrillagement» peut donner lieu à des poursuites administratives et/ou judiciaires, selon la politique déterminée dans chaque département par le préfet et le procureur de la République. Dans le premier cas, le propriétaire recevra un courrier de mise en demeure de se mettre en conformité. Dans le second, il sera convoqué pour audition puis le Parquet décidera de la sanction (voir tableau). Au plan judiciaire, la loi du 2 février 2023 a créé une infraction nouvelle qui sanctionne le non-respect des règles citées ci-dessus, précisées par l’article L.372-1 du code de l’environnement.

Les dérogations prévues par la loi

Les prescriptions fixées par la loi pour permettre la libre circulation de la faune sauvage à travers les espaces naturels ont été aménagées par le législateur qui a prévu des dérogations dans les 9 cas énumérés ci-dessous. Pour garantir la lisibilité du dispositif, sa compréhension par les propriétaires concernés et l’égalité des citoyens devant la loi, le ministère chargé de l’Environnement et l’Office français de la biodiversité ont arrêté les orientations suivantes à la lumière des débats parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi.

1. Les clôtures des parcs d’entraînement, de concours ou d’épreuves de chiens de chasse Ces activités sont régies en droit par un arrêté ministériel du 21 janvier 2005, modifié, à la suite de la loi dite « Engrillagement », par un arrêté daté du 8 avril 2024. Les conditions suivantes doivent être réunies pour exercer légalement ces activités et pouvoir prétendre à une dérogation : solliciter auprès du préfet de département une autorisation avant l’organisation de tout entraînement, concours ou épreuve de chiens de chasse ; avoir organisé de telles manifestations au moins 20 jours par an au cours de l’année écoulée ; organiser maximum 5 jours de chasse collective au grand gibier dans ces espaces.

2. Les clôtures des élevages équins. Les activités d’élevages d’équidés sont considérées comme des activités agricoles.

3. Les clôtures érigées dans un cadre scientifique Sera retenue toute activité encadrée par le code de la recherche (ex : programme agronomique) et le code du patrimoine (ex : fouilles archéologiques).

4. Les clôtures revêtant un caractère historique et patrimonial Seront considérées comme telles : Les clôtures classées ou inscrites au titre des monuments historiques ; Les clôtures constituant un élément distinctif d’un monument naturel ou d’un site classé par la commission des sites.

5. Les domaines nationaux La liste et le périmètre de ces domaines sont définis par le code du patrimoine (à l’article R. 621-98). Ils incluent le domaine de Chambord (Loir-et-Cher), le château de Pierrefonds (Oise) ou encore les domaines des châteaux de Villers-Cotterêts (Aisne), de Compiègne (Oise), de Fontainebleau (Seine-et-Marne) ou de Rambouillet (Yvelines).

6. Les clôtures posées autour de parcelles où s’exerce une activité agricole. Entrent dans cette dérogation les seules activités agricoles définies à l’article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime, réalisées à titre d’activité professionnelle principale. En sont exclues les activités réalisées pour le loisir ou à titre accessoire d’une activité professionnelle principale qui ne présente pas un caractère agricole.

7. Les clôtures nécessaires au déclenchement et à la protection des régénérations forestières. Cette dérogation repose sur des critères de déclenchement et de protection qui sont cumulatifs et non alternatifs. La nécessité de recourir un l’engrillagement doit être temporaire et justifiée par un déséquilibre sylvo-cynégétique : Toute régénération forestière peut prétendre bénéficier de cette exception si l’absence de clôture est susceptible de mettre péril la régénération forestière. Cette exception n’est plus recevable dès lors que la parcelle forestière concernée atteint un stade où l’absence de clôture n’est plus susceptible de mettre la régénération en péril. Le seul fait d’exploiter une parcelle forestière ne permet pas de bénéficier de cette exception.

8. Les clôtures posées autour de jardins ouverts au public. Un faisceau d’indices sera pris en compte tel que l’ouverture des lieux au public et l’existence d’une réglementation municipale prise au titre des parcs et jardins.

9. Les clôtures nécessaires à la défense nationale et sécurité publique, ou à tout autre intérêt public. Seront retenues : les zones militaires, de défense, de sûreté ; les infrastructures de transport de personnes ou de marchandises (aérodromes, ports maritimes, voies ferroviaires, autoroutes, routes à grande circulation ou particulièrement accidentogènes) ; les installations de production d’électricité, les sites de recherche et d’exploitation de gîtes de gaz naturel et de pétrole, les installations pétrolières.

Références

En savoir plus