Développer des formations dans les métiers en tension : l’Iron Academy à Stains

Carnet pratique n°16 : (Re) développer les activités productives dans les régions métropolitaines

Thierry Petit, novembre 2024

Institut Paris Région (IAU)

Le renouveau des savoir-faire industriels territoriaux passe par des initiatives fortes, telles que les écoles de production. Ce sont des établissements d’enseignement technique privés hors contrat reconnus par l’État, qui proposent à des jeunes de 15 à 18 ans un modèle pédagogique adapté privilégiant une cohérence entre exercices pratiques et cours théoriques, sur un même site. Chaque établissement résulte des besoins exprimés par les entreprises d’un bassin d’emploi rayonnant dans une cinquantaine de kilomètres. Fédérées et motivées, ces entreprises, industrielles ou non, donnent l’impulsion, co-financent certains aspects des projets et sont membres des conseils d’administration des écoles de production. l’Iron Academy de Stains représente un cas particulier parmi les écoles de production puisqu’elle est issue d’une action initiale conjointe de la Fondation TotalEnergies et de la Fédération des écoles de production.

À télécharger : cp16_ok_bat_web.pdf (7,3 Mio)

Les écoles de production, lointaines héritières des ateliers d’apprentissage de l’industrie Boisart fondés à Lyon en 1882, comptent 44 établissements en France, dont trois en Île-de-France (l’Iron Academy à Stains, l’Icam Paris-Sénart, la ferme-école Graines d’Avenir à Magny-les- Hameaux). Par ailleurs, en régions, 17 projets sont en cours de développement.

Qu’est-ce qu’une école de production ?

Rassemblés au sein de la Fédération nationale des écoles de production, créée en 2000, ces établissements proposent une formation gratuite destinée à un public d’élèves en décrochage scolaire pour lequel les formations traditionnelles ne sont pas adaptées. Ces structures répondent aussi aux besoins des entreprises locales sur des profils de métiers industriels en tension. Écoles privées hors contrat, gérées par des organismes à but non lucratif20, elles se distinguent des formations traditionnelles des filières professionnelles par les contenus de leurs formations (répondre aux besoins spécifiques en recrutement des entreprises au plus près du bassin d’emploi) et par leur caractère très pratique, axé sur le « faire », avec un accent sur la transmission des savoir-faire. Cela se traduit par deux tiers du temps en atelier (25 h) pour un tiers du temps en cours au lycée. Ces structures ont aussi pour but de former des jeunes immédiatement opérationnels grâce à l’intégration de la culture d’entreprise pendant la formation (35 h/semaine, travail sur commandes réelles, relation avec la clientèle, travail sur le savoir-être…).

Comment naît un projet ?

Les écoles de production représentent une solution pour des territoires marqués à la fois par la présence de populations en décrochage scolaire et des entreprises industrielles ayant des besoins de recrutement non satisfaits dans un rayon n’excédant pas 50 kilomètres. Elles naissent sous l’impulsion de porteurs de projet, que ce soit un groupement d’entreprises ou leurs représentants (CCI, syndicat professionnel), un territoire qui souhaite mettre en place des formations appropriées à des populations en échec scolaire ou encore une association qui cherche à financer un projet scolaire. Le porteur de projet est accompagné par la fédération dans la maturation de son projet et l’identification de partenaires potentiels. Une étude d’opportunité préalable permet de vérifier l’intérêt du projet pour le territoire et sa compatibilité avec l’offre existante avant son lancement. La pérennité de ces formations est cependant dépendante de celle du tissu industriel alentour.

Un financement privé et public

Les écoles de production de statut privé hors contrat ne reçoivent aucune subvention de l’Éducation nationale : c’est l’établissement qui recrute et rémunère ses enseignants. La nécessité de disposer d’un parc de machines et d’outils spécifiques confère au mécénat un rôle essentiel, en particulier pendant la phase d’investissement. Selon la Banque des territoires, qui apporte son soutien en ingénierie, ce budget s’élève entre 0,5 et 1,2 million d’euros. Les dépenses de fonctionnement sont en moyenne couvertes à 50 % par les recettes tirées des commandes réelles et pour partie par l’appui de la Région et de l’État.

L’école de production de Stains : l’Iron Academy

Inaugurée en septembre 2021 à Stains (Seine-Saint-Denis), l’Iron Academy représente un cas particulier parmi les écoles de production puisqu’elle est issue d’une action initiale conjointe de la Fondation TotalEnergies et de la Fédération des écoles de production. Des acteurs privés et des collectivités ont rejoint le projet dans un second temps. L’Iron Academy propose un CAP métallier en deux ans, pour des élèves de 15 à 18 ans, en réponse aux besoins des entreprises du quart Nord- Ouest francilien. Installée au sein du campus des métiers de demain de la Fondation TotalEnergies Industreet, l’école occupe un local de type industriel de 1 000 mètres carrés, loué à la fondation pour un bail de dix ans (les deux premières années sont gratuites et les huit suivantes à un prix inférieur au marché). L’école est dotée de dix machines avec un investissement d’un million d’euros. Pour sa première promotion, elle a formé neuf jeunes qui ont appris à répondre à des commandes réelles données en sous-traitance par les entreprises partenaires (Enzyme Design, Metal System, Turpin Longueville, Sekatol, Sepelco…), des particuliers et des collectivités (Le Bourget). Les élèves ont ainsi pu travailler sur des projets de prototypage ou des petites séries, comme une marquise, un escalier, plusieurs portails ou portes, du mobilier urbain, une oeuvre d’art en métal en conditions réelles. Ces commandes permettent de financer un tiers des coûts de fonctionnement de l’école.

Un fort développement attendu en Île-de-France

Les écoles de production ont connu une forte progression depuis 2018 avec la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » du 5 septembre 2018 et l’appui du ministère de l’Industrie. Et leur expansion est appelée à se poursuivre en Île-de- France, notamment grâce au partenariat signé avec la Région (aide financière à l’investissement et au fonctionnement), avec l’ambition d’ouvrir 17 nouvelles écoles. À ce titre, les porteurs de projet franciliens, qui souhaitent être accompagnés, peuvent s’adresser directement à la fédération.

Les partenaires La Fondation

TotalEnergies (location des locaux à bail inférieur au prix du marché, financement à 50 % du coût des machines). L’État par le biais des aides du plan France Relance (50 % du coût des machines, un tiers du coût de fonctionnement, y compris la location des locaux). La Région Île-de-France (un tiers du coût de fonctionnement, y compris la location des locaux). L’EPT Plaine Commune, les Villes de Stains et Pierrefitte (membres du conseil d’administration, soutien à travers leur service jeunesse, mission locale et lien avec les associations). Points de vigilance La question de l’identification puis de l’accès à des locaux adaptés et financièrement accessibles à ces structures est souvent centrale dans les projets, avec pour triple contrainte un local adapté à l’accueil du public, accessible en transports en commun pour un public jeune et peu mobile et un local adapté à l’accueil de machines. Les collectivités jouent souvent un rôle central sur ce point.

Références

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