Production d’habitat adapté pour des gens du voyage à St-Bonnet de Mûre
Rhône, France
Pascale Thys, September 2001
Cette fiche présente le travail mené par différentes structures et collectivités territoriales françaises pour proposer un site et des logements adaptés aux gens du voyage peu ou non itinérant.
Cette fiche a été rédigée par Bertrand Lapostolet, avec le concours de l’ALPIL (Action pour l’insertion sociale par le logement).
Contexte du projet d’habitat adapté1
La Loi a prévu depuis 1990 (art.28 de la Loi Besson) la mise en place de capacité de réponses pour l’accueil des gens du voyage. Cette politique prend corps dans les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage. Si le bilan de l’application de cette loi est pour le moins mitigé au niveau national et a donné lieu à l’adoption d’une nouvelle loi, plus volontariste en juillet 2000, des démarches ont néanmoins été entreprises dans certains départements.
Dans le Rhône, un schéma a été signé par le préfet en 1995 sur base d’une étude d’évaluation. Devant le peu d’effet immédiat de ce schéma et grâce au soutien de la Commission des communautés européennes, une mission de MOUS (maîtrise d’œuvre urbaine et sociale) a démarré en 1997, portée par l’Alpil (Action pour l’insertion sociale par le logement) et soutenue en complément de la CCE (commission européenne), par la Direction départementale de l’équipement et la Communauté urbaine de Lyon et d’autres collectivités locales (communes ou groupements de communes).
L’objet de cette MOUS est d’apporter un soutien aux communes et groupements de communes qui le souhaitent pour évaluer les besoins et mettre en œuvre des solutions d’accueil et d’habitat pour les gens du voyage.
Aujourd’hui, ce programme d’actions commence à produire des résultats tangibles (livraison d’équipements) et le schéma départemental est en cours d’évaluation avant sa reconduction. Le renforcement législatif (obligations et moyens accrus) et la mobilisation locale (implication du Conseil général du département du Rhône, compétence « gens du voyage » prise par des groupements de communes, poste de chef de projet créé au niveau de la communauté urbaine de Lyon, …) laissent augurer une meilleure couverture des besoins dans les temps à venir.
Origines du projet
La Communauté de communes de l’Est lyonnais (CCEL), regroupant six communes du secteur, s’est impliquée dans la mise en œuvre du schéma d’accueil à partir d’une ré-évaluation des besoins menée en 1997 par l’Alpil.
Ce travail a amené à identifier des besoins de réponses pour les gens du voyage itinérants ne faisant que s’arrêter ponctuellement dans ces communes (printemps-été surtout) et des besoins d’habitat plus permanent pour des familles du voyage résidant de manière durable sur le secteur.
Pour ces dernières a été recherchée une solution qui concilie besoins particuliers et montage de droit commun. En effet il ne s’agissait pas de créer une « aire » ou un « terrain » de passage, mais bien un habitat permanent intégrant les spécificités du mode de vie (habitat caravane et construction légères).
C’est pourquoi, et à partir de l’analyse du mode d’installation des familles, le choix s’est arrêté sur la construction de logements individuels réduits au minimum et conservant les caravanes comme habitat complémentaire.
Dans un premier temps, un terrain a été recherché à proximité de l’implantation actuelle du groupe familial principal concerné par le projet. Un peu éloigné du bourg, il reste néanmoins accessible (3km du centre du village).
Après vérification de la possibilité d’utiliser le financement classique de l’habitat social, un maître d’ouvrage HLM2 (OPAC3 du Rhône) a été recherché pour porter l’opération pour le compte de la CCEL4, devenue propriétaire du terrain.
Après quelques péripéties dues à la complexité du caractère innovant du projet, les travaux ont démarré à l’automne 2000 pour se terminer en juillet 2001.
Ce projet doit constituer la première réalisation de ce type dans le département (et une des premières en France).
Objectifs du projet
L’objectif est de produire une solution permanente d’habitat pour des familles du voyage résidant à St-Bonnet-de-Mûre ou aux alentours. Ces familles sont fixées sur place depuis des années, ayant arrêté de circuler principalement pour des raisons économiques. Elles ont en effet très peu de moyens, vivant toutes au moins partiellement du Revenu minimum d’insertion (RMI) et pratiquant des activités de ferraillage peu rémunératrices.
Les enjeux principaux sont :
De fournir un habitat permanent le plus proche possible du droit commun (éviter un effet ghetto)
Ce n’est pas un « terrain », mais un lotissement banalisé avec les mêmes droits (adresse, boîte au lettres, ramassage ordures ménagères,…) et les mêmes devoirs (entretien, taxes locales,…) que les autres habitants de la commune.
Les familles ont un statut de locataire HLM banal, c’est à dire un contrat durable et un loyer adapté ouvrant droit à l’APL (aide personnalisée au logement) soit un coût restant à charge des familles de l’ordre de 10 à 20 % par mois (hors assurance).
Pas de prise en charge spécifique sur le plan social mais un lien fort avec les partenaires de proximité (social, scolaire, municipal,…).
D’offrir néanmoins une solution d’habitat adaptée au choix et modes de vie des familles
L’habitat construit est très réduit (35 à 50m2 par bâtiment pour des parcelles de 500 à 1000m2) et prévoit l’habitat caravane en complément : l’habitat en dur est la pièce de vie, la cuisine et le sanitaires ; la caravane devient une chambre.
L’activité économique (surtout ferraillage) est prise en compte (espace commun prévu dans le lotissement) et encadrée de manière à respecter l’environnement et la réglementation.
Population concernée
8 ménages (16 adultes et 4 enfants) au total sur 3 unités d’habitation. Les deux petites unités accueillent chacune 1 ménage locataire ; la plus grande accueille un groupe familial : les parents y sont locataires et hébergent leurs grands enfants dont certains sont « en ménage ».
Ces familles (gitans espagnols et manouches) résident sur la commune ou à proximité depuis des années. Il n’est pas exclu que la disposition d’un lieu de référence permanent et l’amélioration des conditions d’existence amènent certains jeunes adultes à reprendre le voyage (avec « hivernage » à St-Bonnet pendant les mois froids).
Les familles-locataires ont été associées en amont à la conception du projet et sont associées à sa gestion dans le cadre d’une commission paritaire prévue au règlement intérieur du lotissement les réunissant avec la commune, la CCEL, et l’organisme gestionnaire. D’autres partenaires du projet (DDE5, intervenants sociaux, Alpil) y seront aussi associés dans la phase de démarrage.
Montage financier
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Communauté de communes de l’Est lyonnais : acquisition et aménagement du terrain.
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OPAC 69 : bâtiments d’habitation, montage PLA6 d’intégration.
Montage légal
Le projet est porté par la CCEL (maîtrise d’ouvrage) avec la réalisation de l’aménagement du terrain par la DDE et de la partie habitat par un office d’HLM, l’OPAC du Rhône.
Le projet est réalisé dans le cadre d’une opération de logement HLM adapté : le Prêt Locatif Aidé d’intégration.
Partenaires du projet
Maîtrise d’ouvrage :
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Communauté de Communes de l’Est Lyonnais et Commune de St-Bonnet,
Maîtrise d’ouvrage déléguée et maîtrise d’œuvre:
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OPAC du Rhône (partie habitat) : partie habitat
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Architectes : cabinet Tempo
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Direction Départementale de l’Équipement : aménagement du terrain
Intervenants sociaux :
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Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales,
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Association Rhodanienne des Tziganes et de leurs Amis Gadgé,
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Services municipaux et départementaux de secteur.
Maîtrise d’Œuvre Urbaine et Sociale :
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Alpil : en lien avec les instances du Schéma départemental pour l’accueil des gens du voyage et du Plan départemental pour le logement des personnes défavorisées.
Déroulement du projet
La livraison définitive des maisons et de l’aménagement extérieur est faite depuis juillet 2001. Les mises en location sont en cours.
1 Combinant habitat sédentaire (logement social) et habitat mobile (caravane)
2 Habitation à Loyer Modéré
3 Office Public d’Aménagement et de Construction
4 Communauté de Communes de l’Est Lyonnais
5 Direction Départementale de l’Equipement
6 Prêt Locatif Aidé
Sources
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Lagrave, R-M. 1993. « L’étranger de l’étranger : les gens du voyage », In Civilisations, Vol. XLII, n°2, décembre, Bruxelles, pp.151-160 (analyse des stéréotypes à l’égard des Tziganes)
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Chanal M. et Uhry M. 2000. « Gens du voyage : le nécessaire renouvellement de l’intervention publique », In Hommes & Migrations, n°127, septembre-octobre
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Nous les Tsiganes, dépliant réalisé à l’initiative du groupe d’intérêt Roma-Manusa, CECLR-MRAX-VCW, sd.
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Loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage – France
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Revue Etudes Tsiganes : Centre de documentation des études tsiganes. Ses objectifs sont de rassembler et diffuser des informations concernant les Tsiganes et de favoriser l’expression d’une minorité et faire valoir ses droits.
To go further
Site Internet de l’ALPIL
Dossier « Suivi des gens du voyage en errance, en attente d’un lieu de séjour ou de résidence », bilan de 2007
Site Internet de la Communauté de Communes de l’Est Lyonnais
Architectes : Laurent Poulet-Georges et Franck Chazallon
Direction Départementale de l’Équipement 69
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, issue du Comité des nations Unies pour l’élimination et la discrimination raciale. Son rôle est d’examiner les mesures prises par les Etats pour s’acquitter des obligations contractées par eux en vertu d’un accord particulier relatif aux droits de l’homme.
Centre européen pour les droits des roms
Le réseau des gens du voyage : Réseau national des collectivités d’accueil des gens du voyage