Centre de rénovation et service d’aide à la rénovation pour des propriétaires à faibles revenus

La Maison de quartier Bonnevie

Pascale Thys, September 2001

Habitat et Participation ASBL

Cette fiche présente le travail d’une maison de quartier pour accompagner les propriétaires à faibles revenus dans la rénovation de leur habitation. Cela se traduit, entre autre, par l’aide au montage de dossiers de subventions, un accompagnement technique et sociale des propriétaires…

Cette fiche a été réalisée avec le concours de la maison de quartier, à partir de l’interview de sept propriétaires/bénéficiaires, d’une architecte et d’un assistant social.

Contexte et origines du projet

La Maison de Quartier Bonnevie naquit en décembre 1976 en réaction aux travaux d’aménagement du métro. A partir de cette asbl, d’autres associations virent le jour dont « notre Coin de Quartier », axé sur le travail avec les enfants du quartier ; le « Centre de Formation Bonnevie » qui propose une formation à des jeunes peu scolarisés; et la coopérative « Polybonnevie » qui est une entreprise d’économie sociale.

En 1997, les activités du Centre de Rénovation de la Maison de quartier Bonnevie ont commencé.

Objectifs et enjeux du projet

Pour l’architecte, à travers les services offerts par le Centre de Rénovation, il s’agit de « redonner courage, de donner les éléments pour y arriver étapes par étapes ».

L’équipe est en quête de solutions pour financer les travaux de rénovation entrepris par les propriétaires du quartier.

Au-delà de ces objectifs liés directement à la rénovation d’habitations, le service tente de sensibiliser et de mobiliser les participants pour revaloriser leur quartier et pour qu’ils interpellent le politique par rapport à des revendications collectives.

Population concernée et groupes cibles

Le territoire d’action théorique est limité au Vieux Molenbeek, un quartier situé entre le Boulevard Léopold II, le canal, la chaussée de Gand et la rue Piers qui compte 10.000 habitants.

Le public visé se compose de propriétaires à faibles revenus. Les personnes qui se rendent aux permanences et viennent aux réunions sont (quasi) exclusivement des femmes. L’une d’entre elles dit : « je vis 24 heures sur 24 dans ma maison, il faut arranger mon cadre de vie de tous les jours ».

Si l’association et le personnel sont néerlandophones, les bénéficiaires sont principalement francophones.

Montage financier

La Maison de quartier Bonnevie est une asbl subsidiée par la Communauté Flamande pour le travail communautaire et par la Région Bruxelloise dans le cadre de l’intégration par le logement et du Réseau Habitat.

Le Centre de rénovation est subsidié à 100% par la Communauté Flamande via le SIF (Fonds d’Impulsion Social). Il couvre deux temps pleins à hauteur de 1,5 millions de FB par temps plein, frais de fonctionnement inclus. Il y a en plus un mi-temps pour un homme à tout faire.

Partenaires du projet

L’asbl n’a pas de partenaires directs. Outre des collaborations structurelles avec les autres services émanant de l’association-mère, la maison de Quartier Bonnevie collabore occasionnellement avec d’autres services dans le cadre de projets concrets en matière de droit au logement et plus largement en matière de revalorisation du quartier.

Déroulement du projet

Les bénéficiaires ont eu connaissance de l’action menée par différents biais. L’une a appris l’existence du service via une radio arabe bruxelloise qui expliquait que l’on pouvait demander conseil gratuitement concernant les primes à la rénovation. Une autre personne a connu l’existence du projet via le bimensuel de la Maison de Quartier Bonnevie. Une femme, propriétaire depuis 1992, explique qu’elle a rencontré quelques problèmes pour rénover l’intérieur de sa maison et qu’elle a eu connaissance du service via le bouche à oreille.

Outre les heures de permanences logement, à raison de deux demi-journées par semaine, durant lesquelles les personnes ont le loisir de venir parler avec les professionnels pour chercher une solution à leurs problèmes de logement, des personnes poussent régulièrement la porte pour demander à rencontrer un travailleur concernant des difficultés de logement.

Les réunions sont organisées avec les propriétaires une fois par mois. Elles sont l’occasion de donner une dimension collective aux démarches menées individuellement et de faire profiter chacune des expériences des autres. Ces réunions sont l’occasion de se mobiliser autour de différentes actions et de tenir informées les participantes des démarches menées auprès des instances de décisions. Au moment de notre rencontre, le fil conducteur des réunions était l’organisation d’un événement présentant le travail et l’expérience de rénovation de l’habitat par les femmes du groupe. Les thématiques des réunions sont définies collectivement à partir de l’intérêt des femmes participantes. Parmi les thèmes qu’elles voudraient aborder, il y a par exemple l’utilisation des énergies alternatives.

Au niveau des demandes d’accompagnement en matière de rénovation, l’architecte explique que « tous les dossiers sont traités sous leurs différents aspects : juridique, administratif, technique, financier. Il y a beaucoup d’aspects à travailler quand il s’agit de rénovation ». Une bénéficiaire ajoute qu’ « ils font aussi office de « psy » : ils déblaient le terrain. On a tellement de choses à faire qu’il faut nous remonter le moral ».

Une personne est venue à Molenbeek « car la vie est moins chère et qu’il y a beaucoup de magasins, explique t-elle ». Elle a fait un emprunt deux ans auparavant, mais n’avait pas pris en compte le coût de la rénovation. « Je suis venue à Bonnevie et Lorella (l’architecte) m’a indiquée les primes du Fonds du logement et s’y est rendue avec moi. On peut dire que Lorella m’a sauvée ». Par la suite, l’architecte a également suivi l’évolution du chantier.

Une autre dame explique qu’elle est venue dans ce service en 1997 et qu’on l’y a aidée pour l’obtention des primes de la Région bruxelloise. Elle ajoute « On vient ici pour notre commune, pour notre rue, pour qu’elles deviennent bien, propres ».

Une troisième, propriétaire depuis 1994, explique que son mari est décédé. Aujourd’hui, elle a besoin d’argent pour rénover son installation de chauffage central et des fuites dans le toit. « Avec l’aide de Bonnevie, on a demandé un prêt au Fonds du logement ».

Une quatrième dame explique qu’elle est propriétaire depuis 4 ans. « J’ai déjà beaucoup rénové ma maison, mais il y a toujours quelque chose à faire. Je crois que quand on a fini, on décède », dit-elle en rigolant. La première fois, elle est venue à Bonnevie pour demander une aide pour remplir des papiers.

L’architecte explique « qu’à Bonnevie, on est confronté aux problèmes directs, il y a des décisions urgentes à prendre ». Le centre insiste auprès des propriétaires sur l’intérêt d’une bonne exécution technique des travaux, sur une bonne gestion budgétaire, sur un bon planning ainsi que sur un bon contrat avec les entrepreneurs. Il offre un soutien et aide dans les démarches administratives.

Une dame explique « quand je dormais, je rêvais aux travaux dans ma maison, je me demandais par où commencer pour arriver à ce que j’avais dans la tête ».

Perception du projet par les acteurs

Résultats quantitatifs

Depuis 1997, 147 propriétaires ont fait appel aux services du Centre de Rénovation dont 50 nouveaux en 2000.

Les réunions mensuelles rassemblent en moyenne un groupe plus ou moins changeant d’une dizaine de participantes.

Résultats qualitatifs

Au niveau individuel et de la rénovation du logement, l’accompagnement des propriétaires par le service a permis de rationaliser et d’améliorer la qualité des rénovations réalisées.

Parlant de l’architecte, les propriétaires disent : « elle nous fait voir les choses d’une autre manière car nous on veut beaucoup ». Le service joue un rôle dans le processus de rénovation dans un quartier dont le parc immobilier est en mauvais état. « Depuis sa création, la qualité des rénovations réalisées dans le quartier s’est nettement améliorée », explique les responsables.

A un niveau plus collectif, les bénéficiaires ont pris conscience qu’elles agissent pour leur commune (vision globale et solidaire). « On vient ici pour notre commune » déclare une participante. Une autre explique que « quand un propriétaire effectue des travaux, on demande aux voisins s’ils auraient aussi besoin de louer un container et, si oui, on peut en louer un à plusieurs pour limiter les frais ».

Pour certains propriétaires, cette collaboration avec la Maison de quartier a fait naître une conscience politique au niveau communal : « j’irais volontiers voter », déclare une propriétaire et les rencontres leur ont permis de développer leur capacité à revendiquer des choses claires et concrètes.

Efficacité du projet

Suite à la rencontre menée, entre objectifs et résultats, l’efficacité du projet paraît élevée. Concernant l’accompagnement à la rénovation, à titre d’exemple, une personne exprimait : « Sans eux je n’aurais jamais eu ma maison comme je l’ai maintenant ».

La participation

Outre un traitement individualisé des demandes, des réunions collectives sont organisées régulièrement. Elles rassemblent des bénéficiaires afin échanger des idées concernant les rénovations des logements et les démarches à accomplir. L’équipe veille également à susciter une implication dans la vie de la commune et une mobilisation des habitants. « Avec les participantes, explique l’architecte, on établit des pistes pour améliorer le système d’accès aux subsides et à la rénovation ».

Avancées au niveau du droit

En terme de droit, le projet permet de rendre plus accessibles des aides régionales à la rénovation qui, sans l’aide de spécialistes et sans un soutien mutuel du groupe, resteraient inaccessibles à une part importante de personnes qui pourraient en bénéficier sur base des critères établis.

Le projet comme processus

L’aide porte sur le long terme. Une relation se tisse entre les travailleurs et les bénéficiaires. Cette relation démarre sur un problème concret auquel il faut trouver une solution. Toutefois, les questions de rénovation et de primes demandent un certain temps. A l’occasion de ces démarches, une relation de confiance peut se nouer et ouvrir à un travail sur d’autres problèmes rencontrés par les bénéficiaires.

Par ailleurs, au-delà du suivi du dossier de rénovation, il y a aussi une pédagogie par rapport à la rénovation d’un bâtiment. Mais encore, il y a également le développement de la capacité à formuler des revendications auprès de la commune et des autorités ainsi que la stimulation, au cours de réunions mensuelles, de réflexions collectives sur des solutions possibles.

Difficultés rencontrées, blocages, handicaps

Dans le cadre de la rénovation de leur maison, la principale difficulté rencontrée par les propriétaires est celle des moyens financiers pour mener à bien les travaux nécessaires. « Ceux qui n’ont pas d’argent n’arrivent pas à bien se loger », affirme une participante.

Pour les bénéficiaires, la durée des procédures de demande de subvention est très longue. Ce temps est toutefois mis à profit par les travailleurs sociaux pour développer d’autres axes de travail avec les participants (développement d’un lien, mobilisation collective).

Au niveau des primes à la rénovation, les participants relèvent des problèmes d’accès à la bonne information relative au montant de la prime. Les pourcentages annoncés ne sont pas calculés sur la totalité des travaux mais bien sur la part subsidiée. De plus, il n’y a pas d’explication quant au montant indiqué dans la lettre de promesse, et donc les personnes ne savent pas ce qui est pris en compte et ce qu’elles vont pouvoir retoucher sur le coût des travaux.

Une dame explique : « A la lecture des brochures présentant les primes, on croit que l’on va être remboursé, mais ce n’est pas le cas. On devrait dire « vous allez recevoir autant et pas faire croire aux 70% ».

La complexité de la procédure pour obtenir la prime est aussi pointée du doigt. Un inspecteur de la Région doit venir constater les travaux à réaliser, puis le propriétaire peut attendre jusqu’à 40 jours avant d’avoir la réponse. De plus, les possibilités de recours ne sont pas clairement expliquées et il ne semble pas y avoir de procédure officielle.

En résumé, une participante disait que l’obtention de primes à la rénovation est « comme un obstacle infranchissable, il y a beaucoup de papiers à remplir ». Une fois la prime accordée, le délai de réception de celle-ci est assez long. Pour certains, ce délai nécessite de contracter un prêt pour avancer l’argent de la prime à la rénovation.

Certains craignent l’augmentation du cadastre si la maison est rénovée. « Il faut rester dans un taudis pour payer moins ».

Pour certaines propriétaire, la méconnaissance de la langue est aussi un obstacle difficile à franchir.

Les participantes expliquent aussi que le fait d’habiter Molenbeek Saint-Jean n’est pas bien vu et que c’est une difficulté car ce n’est pas agréable d’habiter dans un quartier connoté négativement. L’une d’entre-elles explique : « Quand on me demande où j’habite, je dis vite Saint-Jean. »

La rénovation d’une maison relève de choix financiers importants qui impliquent parfois par exemple de ne pas partir en vacances. Certaines vont jusqu’à penser qu’« on vit pour la maison et pas dans la maison. »

Atouts du projet, causes de réussite

Au niveau des primes, la prime à l’achat est claire et le montant de celle-ci est défini : elle est de 10%. « C’est honnête et ce n’est pas long », affirme une participante.

Au niveau de l’équipe, un point fort est le duo formé par une architecte motivée par l’aspect social du travail et aimant le contact avec les gens et un assistant social méticuleux dans le suivi des dossiers. Les deux travailleurs sont rigoureux et prennent le temps de mettre en place un planning avec les propriétaires, une gestion rigoureuse, etc. Leur action mène à des réalisations concrètes et visibles, et lors de débats avec le groupe, les travailleurs ne concluent les débats qu’avec des décisions précises.

Le temps consacré pour finaliser un dossier est mis à profit pour créer des liens de confiance avec les participantes et pour les amener progressivement à se mobiliser pour formuler des revendications collectives en matière d’habitat.

La Maison de quartier est bien implantée dans le quartier. Le fait qu’elle ait un périmètre d’action défini peut constituer un atout en terme d’intensité de l’action pour les habitants.

Le service est connu entre autre via des médias locaux : une radio arabe locale et le journal de la Maison de quartier.

Perspective de développements futurs du projet

Le service compte organiser un événement intitulé « Femmes qui rénovent » dont l’idée est de faire passer le message que, s’il y a des problèmes, il existe des solutions, et qu’il faut aussi montrer où cela va bien. Les thèmes retenus sont les primes à la rénovation, le problème des voitures qui se garent n’importe comment, le mauvais état des trottoirs, les déchets, les maisons qui bougent lors du passage des camions le jour du marché.

Le Centre de Rénovation compte mettre en place un service de prêt de matériel pour la rénovation des habitations. Pour ce projet, une demande a été introduite dans le cadre d’un projet de mise sur pied d’une Régie de Quartier sur la commune de Molenbeek dans le cadre de l’Objectif II européen. Le dossier est officieusement abouti.

Le Centre recherche aussi des solutions pour mettre en place une aide en matière d’avance de fonds aux propriétaires ayant obtenu l’octroi de primes à la rénovation. Il recherche des pistes de financements de prêts sociaux (qui existent en Wallonie et en Flandre). La Maison de Quartier Bonnevie a demandé, avec d’autres associations, à la Région bruxelloise de mettre en place des prêts non hypothécaires à la rénovation. Le Fonds du logement bruxellois, à qui une proposition concrète a été soumise, se dit dans l’impossibilité de gérer ce type de prêt et n’est pas disposé à se lancer dans cette initiative. Le service introduit le dossier à la commune comme projet pilote dans le cadre du Contrat de Quartier. La commune de Molenbeek n’est pas opposée au projet mais elle attend une clarification sur sa responsabilité financière et sur les aspects juridiques en matière de prêts sociaux.

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