Une politique interventionniste de densification forte à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis, France)

Anastasia Touati, octobre 2015

Cette fiche décrit la politique de densification mise en place par la ville de Noisy-le-Grand, politique fortement liée au développement de l’attractivité économique de la ville.

Noisy-le-Grand est une commune française de 63 000 habitants située dans le département de la Seine-Saint-Denis, à environ 17 km à l’Est de Paris. Elle est desservie par deux lignes du système régional express de transport (RER A et RER E) en trois stations qui permettent aux noiséens de rejoindre le centre de Paris en moins de trente minutes. La ville est traversée par l’autoroute A4 dont l’accès est assuré par trois échangeurs desservant différents quartiers de la commune. C’est la création par l’Etat en 1965 de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, dont Noisy-le-Grand fait partie, qui a largement contribué au développement de la commune. L’Etat y a mis en place des projets dans le cadre de la politique globale d’aménagement des villes nouvelles. Aujourd’hui, la commune de Noisy-le-Grand souhaite s’émanciper de l’action de l’Etat en matière d’aménagement.

Avec un parc construit dominé par le logement collectif, la mairie a mis en place une politique volontariste de construction de logements depuis 2004. Cette volonté d’accélérer le rythme de construction témoigne du caractère volontariste de la politique de construction engagée par le maire de Noisy-le-Grand. La ville possède de plus en son sein un quartier d’affaires en pleine expansion et constitue un pôle d’emploi majeur en Ile de France. On y dénombre plus de 2000 entreprises pour un total de 26 000 emplois. Qualifié de maire bâtisseur autant par ses partisans que par ses détracteurs, le maire de Noisy-le-Grand (réélu pour son quatrième mandat en 2014) entend ainsi faire de la commune la capitale économique de l’est parisien.

Noisy-le-Grand présente un tissu économique diversifié, assez bien réparti sur le territoire. Suite à une politique volontariste en matière de développement économique (au départ impulsée par la création de la Ville Nouvelle et poursuivie par le maire actuel de la commune), la ville de Noisy-le-Grand est aujourd’hui le premier centre d’affaires de l’est parisien. De plus, l’existence d’un pôle d’enseignement supérieur, situé à la fois sur les communes de Noisy-le-Grand et de Champs-sur-Marne, comprenant entre autres universités et écoles d’ingénieurs, renforce l’attractivité de la commune.

L’attractivité économique constitue justement un objectif politique clairement exprimé par le maire de Noisy-le-Grand qui entend également permettre à ce pôle économique de jouer un rôle résidentiel déterminant dans une dynamique d’échelle régionale. C’est précisément à ce titre qu’elle mène une politique de densification forte, caractérisée par la mise en place de plusieurs projets de développements résidentiels et mixtes de grande hauteur, sur une partie de ses quartiers pavillonnaires.

Une vocation de pôle d’habitation régional

Selon les acteurs locaux, la densification forte est un moyen de mettre en application la politique volontariste de construction de logements dans laquelle la ville s’est engagée. En effet, l’une des premières raisons évoquées par les différents acteurs de la commune pour justifier la politique de densification est le besoin accru de logements pour les noiséens mais aussi au niveau régional. La commune s’inscrit ainsi pleinement dans la lignée du projet de SDRIF (Schéma Directeur de la Région Ile-de-France) adopté par le CRIF en 2008 qui met l’accent sur la densification des espaces urbains existants et la mutation des friches, en donnant la priorité aux espaces les mieux desservis. Dans sa version de 2008, le SDRIF avait situé, sur sa carte dite de « destination générale des différentes parties du territoire », des secteurs de densification préférentielle visant à répondre au double enjeu de construction de logements et de limitation de la consommation d’espace. Noisy-le-Grand y était justement ciblée comme ayant des zones de densification préférentielle autour de ses stations de RER, comme on le devine sur la figure ci-dessous. Plus précisément, on distingue deux zones de densification préférentielle, autour des stations de RER situées au nord et au sud de la commune. C’est donc en partie en s’appuyant sur le SDRIF que Noisy-le-Grand justifie sa politique de densification des tissus pavillonnaires.

IAU-IDF, Référentiel du projet de SDRIF
Schéma directeur de la Région Ile-de-France, 2008

Plus précisément, compte tenu des objectifs que la ville s’est fixés en termes de production de logements et d’activités, il existe un enjeu fort de libération de foncier à Noisy-le-Grand. Or, d’après les acteurs municipaux, le territoire communal est quasiment totalement urbanisé : il resterait très peu d’emprises foncières libres. C’est dans ce contexte que la commune justifie son intervention sur du foncier « faiblement bâti » comme les tissus pavillonnaires. Cette politique est ainsi explicitement articulée à la nécessité de faire de Noisy-le-Grand un pôle économique et d’habitation majeur.

Une densification par projet

Sur les secteurs dits de projet, on a affaire à une politique interventionniste, dans la mesure où ces secteurs sont soumis à une intervention directe de la municipalité qui met en œuvre, avec différents acteurs, un projet d’aménagement venant densifier fortement certains quartiers pavillonnaires. A ce titre, la commune de Noisy-le-Grand fait appel à toute une panoplie d’instruments (droit de préemption urbain (DPU), secteur de projet, sursis à statuer, établissement public foncier etc.) lui permettant de mener à bien ses projets d’aménagement. Ces instruments caractérisent le mode d’action interventionniste de la puissance publique municipale.

Selon les déclarations des acteurs municipaux, ces outils sont indispensables pour que la puissance publique puisse être le maître d’ouvrage de la fabrication de la ville, plutôt que « laisser faire les forces du marché ». Dès lors, pour mettre en œuvre ses projets d’aménagement, la commune utilise toute la palette des outils de l’aménagement public, selon la typologie des filières de l’aménagement dressée par Thierry Vilmin. Selon l’auteur, dans cette filière, « la collectivité devient elle-même aménageur, directement en régie ou par concession à une société d’économie mixte, ou un établissement public (…) lorsqu’elle estime que l’enjeu (…) est tel qu’il ne peut pas être laissé à la libre initiative privée » (Vilmin 2008 : 128).

En France, la filière de l’aménagement public fait intervenir une multitude d’outils du code de l’urbanisme. L’instrument le plus fréquemment utilisé est la ZAC1. Il en va de même pour la Déclaration d’Utilité Publique2 (DUP). La DUP est une procédure administrative qui permet de réaliser une opération d’aménagement sur des terrains privés par le biais de l’expropriation, précisément pour cause d’utilité publique. Elle est obtenue à l’issue d’une enquête d’utilité publique. La DUP est un des outils choisis par la commune de Noisy-le-Grand pour mettre en œuvre certains de ses projets d’aménagement. Elle utilise également le DPU ou encore l’intervention des établissements publics fonciers qui sont des outils d’action foncière. Le DPU est réservé aux communes dotées d’un POS ou d’un PLU. Il permet à la commune d’acquérir de manière prioritaire un bien foncier ou immobilier qui est sur le point d’être vendu mais aussi d’acquérir des biens à des prix inférieurs à ceux demandés par le vendeur du bien ce qui permet parfois, in fine, de réaliser une véritable contrôle d d es prix du marché (Napoleone 2001; Renard 2003). C’est le DPU qui permet aujourd’hui à la commune d’acquérir les terrains nécessaires à l’accomplissement de son projet d’aménagement. La ville de Noisy-le-Grand a ainsi usé de ce droit pour acquérir de manière systématique toute parcelle mise à la vente dans différents secteurs de projet.

Un mode de densification permettant une redistribution des plus-values

Mener une politique interventionniste de densification forte est donc l’option qui a été choisie sur les secteurs pavillonnaires dits de projets de Noisy-le-Grand. Il s’agit bien d’une politique interventionniste dans la mesure où la commune (élus et services techniques municipaux) intervient en amont et pendant la conception du projet pour définir avec les opérateurs (promoteurs, bailleurs) la forme de l’aménagement nouvellement mis en place. La politique pratiquée à Noisy-le-Grand peut enfin être qualifiée de forte car elle a pour conséquence de changer de manière radicale la forme du tissu urbain, en remplaçant par exemple les pavillons par des immeubles d’habitation collectifs. Ce type de politique peut être mobilisé à des fins de financement des équipements publics et des infrastructures locales (grâce aux gains engendrés par la vente des terrains publics résultant, entre autres, de l’augmentation de la valeur des terrains au cours du processus). Elle permet aussi et surtout aux acteurs publics de mieux contrôler les formes urbaines produites, justement parce que la puissance publique est présente avant et pendant la conception du projet, ce qui lui permet de peser sur les choix en matière de contenu et de forme du projet de densification ainsi mené.

1 « Les zones d’aménagement concerté sont les zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés. Le périmètre et le programme de la zone d’aménagement concerté sont approuvés par délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (…). Une même zone d’aménagement concerté peut être créée sur plusieurs emplacements territorialement distincts ». Extrait de l’article L311-1 du Code de l’urbanisme.

2 La déclaration d’utilité publique (DUP) est l’acte par lequel la collectivité affirme son intention de recourir à l’expropriation. « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. » (art. 545 Code Civil) L’expropriation permet à l’Administration d’obtenir à son profit, sous forme d’une cession forcée, le transfert d’un bien immobilier, en vue de la réalisation d’un objectif d’utilité publique et moyennant le paiement d’une indemnité qui doit être « juste et préalable ». Cette procédure n’est possible que dans un but d’utilité publique. Elle peut être mise en œuvre notamment en vue de : la construction de routes et d’espaces publics ; la construction d’ensembles immobiliers à usage d’habitation ; la création de lotissements ; la création d’opérations dans les ZAC (art. L21-1)(CERTU/ DGUHC 2006).

Références

  • CERTU/ DGUHC. 2006. Les Outils de L’action Foncière Au Service Des Politiques Publiques. La Défense: [DGUHC].

  • Napoleone, C. 2001. “De La Maîtrise Foncière Au Contrôle Social de L’accès À La Ressource.” In Terres Méditerranéennes : Le Morcellement, Richesse Ou Danger ?: 25–39. Paris: Karthala.

  • Renard, V. 2003. “Les Enjeux Urbains Des Prix Fonciers et Immobiliers.”, In Villes et Économie, Sous La Direction de Jean Claude Prager, Paris: La documentation française: 95–108.

  • Vilmin T. 2008. L’aménagement urbain en France. Une approche systémique., Collection Débats, Lyon : CERTU