Quand les villes respirent, la société progresse

Pierre Calame, juin 2012

Cette fiche présente les principaux thèmes abordés lors de la rencontre organisée par le Comité des régions européennes le 21 juin 2012 à Rio, intitulée « Des villes d’Europe construisent des partenariats pour mettre en œuvre l’agenda vert ».

Introduction 

La négociation officielle et la déclaration finale montrent l’extrême difficulté des États à coopérer entre eux, à reconnaître leurs interdépendances entre eux et avec la planète, à prendre des engagements mutuels, à partager une vision commune future qu’ils souhaitent, à identifier les leviers de cette transition. L’invitation faite.

L’invitation faite de page en page à ce que les collectivités territoriales prennent le relais des États, sonne ainsi comme un aveu de faillite. Mais cet appel est néanmoins plein de sens. Les États et les grandes entreprises ont été les acteurs pivot du XXIe siècle. C’est eux qui ont structuré l’ensemble du système économique, les grandes entreprises multinationales structurant les filières verticales de production, les États organisant les cohérences horizontales.

Ni les uns ni les autres ne garderont ce rôle éminent au XXIe siècle car l’enjeu majeur sera d’assurer la cohérence entre les dimensions écologiques, sociales et économiques de nos sociétés. Or, il y a deux niveaux fondamentaux de cohérence : les territoires (qui remplaceront en partie les États dans cette fonction de cohérence horizontale) ; les filières globales de production qui devront assurer la cohérence verticale.

Mais reconnaître aux territoires ce rôle d’acteurs pivot du XXIe siècle ne signifie pas qu’ils sont prêts aujourd’hui à l’assumer. Au contraire, pour réaliser ce potentiel, les territoires devront conduire de profonds changements des systèmes de pensée, des institutions et des outils de régulation.

Je bornerais à donner quatre exemples de ces changements, que l’on retrouve dans de nombreuses études de cas sur la portée des limites des agendas locaux :

La présente séance ne vise donc pas à célébrer cette importance nouvelle des territoires, mais à mieux à assumer cette importance par un dialogue sur les défis difficiles qui les attendent.

Mercedes Bresso

« L’Union Européenne compte 270 régions. C’est à ce niveau que se créée la nouvelle richesse. Les politiques nationales sont à la traîne. On voit bien avec la présente déclaration des États à Rio + 20 que les accords multilatéraux ne suffisent pas. Encore faut-il que les institutions internationales fassent une place plus grande aux autorités locales. Celles-ci, par leurs réseaux, sont en mesure d’assumer certains défis mondiaux.

C’est ainsi que le Sommet européen des villes et régions réuni à Copenhague en mars 2012 a souligné que les villes ont de très nombreuses bonnes pratiques à partager, telles que le Pact de Maires (Covenant of mayors) qui incite les villes d’aller au-delà des objectifs énergétiques que s’est fixée l’Union Européenne pour 2020. Elles peuvent se fixer des objectifs communs de développement durable. Mais cela suppose d’un côté un renforcement de partenariat entre les institutions européennes et les autorités locales et la création de réseaux mondiaux d’échange d’expériences pour relier les expériences européennes à celles des autres continents. »

Staffan Nilsson

« Le Sommet officiel est très décevant. Certes le concept d’économie verte a été reconnu mais il faudra maintenant renforcer toutes les dimensions de la déclaration finale dans les pays où les collectivités territoriales disposent d’agenda 21. Ces transformations ne pourront se faire qu’en mobilisant tous les secteurs de la société. »

Karl Falkenberg

« Les États sont néanmoins parvenus à un consensus sur un texte commun. Vingt an après 1992, ils parlent un langage commun sur les trois piliers économique, social et environnemental du développement durable. Ils reconnaissent aussi que seul un développement durable permettra de vaincre la grande pauvreté.

La population mondiale est de plus en plus urbaine. Ces villes consomment trop d’énergie et de ressources naturelles. Leurs problèmes sont très nombreux. Pour les surmonter, nous faisons adopter de nouvelles approches inclusives, intégrées. On ne peut simplement juxtaposer une politique de l’eau, de l’assainissement, de la gestion des déchets, de la biodiversité, etc.. Tous ces problèmes sont liés entre eux. Dans tous ces domaines, la gouvernance locale est décisive.

Les États sont en concurrence pour la puissance. Les villes, elles doivent se livrer à une concurrence internationale des bonnes idées. Il ne s’agit pas de promouvoir de « meilleures pratiques » qu’il suffirait de copier. Les contextes sont trop divers et il faut plutôt montrer que dans ces diverses situations on a su inventer des solutions.

C’est dans cette optique que nous avons créé le concours de la « Capitale verte européenne ». Les douze étoiles de notre drapeau européen sont les douze défis à relever. Pourquoi ne pas étendre cette mise de concurrence stimulante à la planète en faisant le concours des capitales vertes de la planète ? »

Amina Mohamed (Programme des Nations-Unies de l’Environnement)

« Selon le PNUE, le résultat de la conférence est globalement positif. Le concept d’économie verte a été introduit et donnera naissance à des activités de conseil pour la promouvoir. La conférence a été aussi l’occasion de renforcer sur la scène internationale la parole des ministres terre de l’environnement et des différentes parties prenantes. Ceci dit, nous n’en sommes qu’au début.

C’est tout l’intérêt du mémorandum de coopération entre le Comité des régions européennes et le PNUE. Il définit plusieurs axes stratégiques du progrès à accomplir en commun : la gouvernance à multi-niveaux, les processus d’innovation, le changement climatique, la biodiversité, les approches décentralisées. Merci au Comité des régions de vérifier cette liste que j’ai prise au vol.

Le programme des Nations-Unies estime que le livre Blanc du Comité des régions sur la gouvernance à multi-niveaux constitue un progrès décisif. L’évolution de la gouvernance urbaine est essentielle et nous devons créer une alliance globale des villes à forte efficacité énergétique. »

Bruno Covas – Ministre de l’environnement de l’Etat de Sao Paulo

« L’État de Sao Paulo est confronté à un vaste mouvement d’étalement urbain. Il représente à lui seul 22 % de la population du Brésil et 11 % de la population totale d’Amérique latine. C’est la plus haute concentration urbaine de tous les continents avec tout ce que cela induit de défis environnementaux.

Les collectivités territoriales sont organisées en cinq niveaux, d’où le défi de la gouvernance à multi-niveaux.

« Contrairement à ce que l’on dit, les villes ne sont pas le problème mais la solution potentielle pour le XXIe siècle. Par contre la crise actuelle ne saura pas se résoudre avec une vision à court terme ». »

Javier Maroto Aranzabal, Maire de Vitoria-Gasteiz

« Plutôt que de présenter ma ville, je vais souligner les principes qui guidaient notre action et les clés de notre succès.

Il y a là-bas l’idée simple qu’il faut apporter plus de services à la population en consommant moins d’argent, d’énergie et de ressources naturelles. Selon nous, économie et durabilité, loin de s’opposer, se renforcent mutuellement.

Chaque année, une ville européenne est élue la ville la plus durable. Jusqu’alors ça avait été des grandes villes. C’est, avec la ville de Vitoria, la première fois qu’une ville moyenne devient capitale verte de l’Europe. Or 70 % de la population européenne vit dans les villes.

Voici quelles ont été les quatre clés de notre succès.

  1. La mutation vers des villes durables prend du temps ; c’est au moins une stratégie décennale ;

  2. l’objectif a mobilisé tous les partis politiques qui ont travaillé ensemble, qui ont poursuivi ce même objectif. Ainsi je ne suis maire que depuis un an. La transition vers les sociétés durables, ce n’est pas une affaire de gauche ou de droite, toutes doivent travailler ensemble ;

  3. ce n’est pas avant tout l’affaire des responsables politiques. Il faut une forte équipe technique capable de proposer une stratégie technique d’ensemble avant son adoption politique : la transition vers des sociétés durables, ce n’est pas issue du cerveau d’un maire ;

  4. le résultat obtenu n’est pas celui d’un « gouvernement vert » : il a reposé sur les efforts de tous les citoyens.

Plus largement, obtenir le titre de capitale verte de l’Europe n’est pas le fruit d’une compétition avec les autres candidats mais plutôt d’une coopération. Nous devons à nous tous constituer un véritable lobby. Ainsi les villes de Bristol, de Copenhague, de Hambourg, les différents candidats travaillent ensemble à un document commun. La caractéristique des autorités locales, par opposition aux Etats est d’être capable de travailler vite.

Nous devons en particulier encourager à l’engagement sur les chemins de la transition vers les sociétés durables des quarante plus grandes villes du monde. »

Ilmar Reepalu, Maire de Malmö (Suède) et président de la Commission Environement, énerie et changement climatique (ENVE) du Comité des régions

« Un mot d’abord du Pact des maires. C’est parti de l’initiative d’une poignée de collectivités territoriales, décidant d’aller au-delà des objectifs que s’est fixée l’Europe en matière d’énergie à l’horizon 2020 : nous avons décidé de parvenir à 30 % de réduction des consommations énergétiques là où l’Union Européenne se fixait un objectif de 20 %. Le mouvement a fait boule de neige. Ce sont maintenant plus que 4000 autorités locales qui se retrouvent dans cette convention, illustration magnifique de l’impact des engagements volontaires.

Quelques leçons tirées de notre approche. Malmë était une cité industrielle.

  1. Nous avons pris le temps qu’il fallait pour bâtir une vision à long terme de ce que serait notre ville, vision partagée par tous les acteurs.

  2. Nous avons mené une analyse systématique des flux matériels et énergétiques au sein du territoire et entre lui et l’extérieur. A partir de là nous avons défini une stratégie d’ensemble, mobilisant toutes les potentialités, dans le domaine de l’énergie par exemple depuis la récupération de la chaleur industrielle jusqu’à une pompe à chaleur puisant dans la nappe aquifère. De même, en matière de déchet, nous avons fait une analyse détaillée de la situation de départ, très négative et posé trois principes : d’abord réduire la quantité de déchets ; ensuite recycler ceux qui pouvaient l’être ; enfin produire de la chaleur, soit à partir du biogaz soit à partir des déchets solides.

  3. Nous avons intégré l’Hinterland de la ville dans notre analyse, notamment à propos des transports avec toute une stratégie de réduction de ceux-ci.

  4. Tout s’est fait avec les citoyens, avec un énorme impact sur la cohésion de la société locale, fondé sur une définition de la co-responsabilité des acteurs, notamment des consommateurs.

  5. Ce fut un magnifique processus d’apprentissage mutuel. »

Evelyne Huytebroeck, Ministre de l’environnement de la Région Bruxelles, Capitale et vice-présidente de Energie Cités

« Energy Cités est un vaste lieu d’échange des bonnes pratiques. Une idée importante est que tout cela semble très facile à énoncer mais que c’est au contraire très exigeant par les transformations que cela implique. Il faut en particulier une gouvernance à multi-niveaux. L’aller et retour doit être constant entre action et réflexion, entre la présentation d’études de cas et l’identification des principes généraux qui se dégagent de ces études de cas.

De ces échanges, nous avons tiré trente propositions, susceptibles d’être mises en oeuvre dans tous les pays, pour aboutir à des villes à faible consommation énergétique. J’en retiendrais trois idées générales :

Débat

Nous avons établi des partenariats avec les collectivités territoriales non américaines.

Ilmar Reepalu

La démarche de la convention des maires intéresse les maires sud africains et les maires chinois.

Mercedes Bresso

Nous devrions aller vers un réseau mondial des autorités locales.

Communauté urbaine de Nantes

Nantes est la prochaine capitale verte de l’Europe. Nous avons fait beaucoup, mais il faut aller plus loin, mobiliser d’avantage tous les acteurs du territoire.

Le concours pour la capitale verte de l’Europe est une bonne initiative car il stimule l’échange d’expériences. Ainsi la circulation des expositions de Hambourg et Bruxelles crée un processus interactif : nous confrontons l’expérience des villes d’Europe avec la nôtre.

Ilmar Reepalu

La Suède était confrontée à de grosses difficultés économiques. Nous en sommes tirés par un investissement à long terme privilégiant d’autres indicateurs de richesse que le PNB.

Gerben-Jan Gerbrandy – Membre du Parlement Européen

J’ai été frappée de la luxuriance de la nature à Rio. L’enjeu de la pénétration de la nature dans la ville est essentielle partout. Nous devons concevoir des «infrastructures vertes » à cet effet.

La transition vers des sociétés durables implique la co-responsabilité de toutes les catégories de citoyens.

L’échange d’expériences est essentiel pour diffuser les innovations. Ainsi, il y a plus de vingt ans que nous disposons de techniques nécessaires pour créer un habitat non consommateur d’énergie mais la réalisation de cet habitat continue à faire la première page des journaux, façon de dire qu’elle reste encore rare. Même chose pour l’économie circulaire (écologie territoriale).

A la conférence Rio + 20, le dialogue entre les Etats est stérile. Ce sont des démarches « bottom up » qui rendent optimistes.

Michel Lebrun – Comité des Régions

La bataille pour une Europe durable sera gagnée ou perdue dans les villes. Et pour cela, le partenariat mondial en faveur de villes durables est essentiel.

La gouvernance des villes et territoires doit changer et se fonder sur une gouvernance à multi-niveaux. Enfin, nous devons impérativement nous appuyer sur la jeunesse et c’est tout l’intérêt de la présentation qui va suivre de la démarche des enfants et des jeunes européens.

Ivan – représentant du mouvement mondial européen « Prenons soin de la planète »

Ivan présente la dynamique des jeunes européens issus de 14 pays et de plus de 500 écoles.

Les jeunes de 12 à 16 ans, réunis à Bruxelles du 14 au 16 mai 2012 ont rédigé une lettre ouverte. Après avoir affirmé leur volonté d’assumer leur part de responsabilité (« si ce n’est pas nous qui ? si ce n’est pas maintenant comment ? »), ils demandent simplement aux autres acteurs, comme les journalistes, les dirigeants d’entreprises, les maires des villes de prendre leur part de responsabilité. C’est un appel à la co-responsabilité des différents acteurs.

Il faut passer d’une planète grise à une planète verte.

Mercedes Bresso

Je peux vous assurer de notre pleine disponibilité à oeuvrer avec vous dans la direction de cette co-responsabilité. Le Comité des régions sera pour vous un bon partenaire.