L’Université du 21ème siècle sera citoyenne, responsable et solidaire…ou ne sera pas
Pierre Calame, novembre 2004
La réforme de l’université devra reposer sur un nouveau contrat avec la société. Sa construction appelle une stratégie de changement en réseau. Cette fiche présente l’allocution de Pierre Calame lors de la conférence internationale « Université 21 » de Brasília en Novembre 2003.
Le gouvernement brésilien a affiché sa volonté d’engager une profonde transformation de l’université. Pour cela le Ministre brésilien de l’Éducation a organisé en Novembre 2003 à Brasília la conférence internationale « Université 21 ». Le présent texte est l’introduction de P.Calame en plénière à cette conférence.
Après avoir exposé pourquoi il est urgent de définir un nouveau contrat social entre l’Université et la société, l’auteur décrit les grandes lignes de ce nouveau contrat en s’appuyant sur la définition de la responsabilité telle qu’elle ressort de la Charte des responsabilités humaines. Il en découle que l’engagement de cette responsabilité doit se faire à quatre niveaux : les universitaires, les Universités, les États et la communauté mondiale des Universitaires.
Cette responsabilité a deux grandes dimensions : la formation des futures élites à la gestion des relations; l’implication dans les affaires de la cité. Mais il ne suffit pas que les objectifs soient clairs; il faut concevoir une stratégie de changement construite dans la durée et à ces différents niveaux, en constituant des alliances de « partisans de la réforme ».
1. La réforme de l’Université : une nécessité et une urgence pour répondre aux défis du 21ème siècle.
En janvier 2003 j’avais, pour le 5ème anniversaire de la déclaration sur l’enseignement supérieur, souligné ce qui, dans cette déclaration me paraissait sous-estimé :
1.1. L’Université fait partie des causes de crise du monde actuel tout autant que des solutions.
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la nécessité d’un changement radical et d’un nouveau contrat entre Université et société ;
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le caractère central de la réflexion sur la responsabilité de l’Université ;
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le besoin de concevoir pour cela une stratégie de changement en réseau.
Mon exposé à cette occasion avait tracé les grandes lignes d’une stratégie. Ce sont ces réflexions que je souhaite reprendre et approfondir avec vous ce matin.
A la différence de la plupart d’entre vous, je n’appartiens pas à l’Université. Et d’ailleurs, je ne pense pas que l’université puisse se transformer uniquement de l’intérieur par une logique d’évolution qui lui serait propre. Elle est un produit de la société, elle va devoir se transformer en réponse à de nouvelles exigences de la société et c’est à partir de ces exigences que je vais chercher à énoncer la nécessité et les conditions d’une transformation profonde de l’Université.
Ce faisant je vais le faire en « déspécialisant » la réflexion, en traitant l’Université non comme un être institutionnel et social à part « à nul autre pareil » , mais comme le point d’application particulier d’une réflexion plus générale qui s’applique, mutatis mutandis, aux autres institutions et aux autres corps sociaux.
Ma réflexion ici est nourrie de trois expériences personnelles qui constituent les « lieux d’où je parle » .
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Mon passé de haut fonctionnaire de l’État français m’a conduit à réfléchir en profondeur aux fondements historiques de l’action publique, aux raisons de sa crise actuelle, aux difficultés qu’elle éprouve à se réformer, aux principes d’une révolution de la gouvernance. Cela m’a appris en particulier la force des machines institutionnelles qui l’emportent toujours sur les objectifs qu’on leur assigne.
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Depuis bientôt 20 ans à la tête de la FPH, qui s’est donnée maintenant comme priorité, pour des raisons que j’exposerai, l’émergence d’une communauté mondiale j’ai pu mesurer l’importance de la construction collective de perspectives nouvelles, enracinées dans le concret, à travers le travail en réseau et à condition de respecter des méthodologies rigoureuses.
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Enfin, comme initiateur d’une dynamique internationale, l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire, dont est notamment issu l’Observatoire International des Réformes Universitaires, j’ai pu découvrir les fondements communs des crises du monde actuel et les priorités qui en découlent, ce que nous avons appelé à la suite de l’Assemblée Mondiale de Citoyens, l’Agenda pour le 21ème siècle.
L’Université actuelle fait partie des causes de crise autant qu’elle peut faire partie de ses solutions .
1.2. Une urgence : apprendre à gérer les relations
Au delà des mécanismes de domination économique que chacun de nous connaît, la crise du monde contemporain a des fondements conceptuels, idéologies et institutionnels.
C’est, en effet, une crise des relations : des hommes avec les hommes, des sociétés avec les sociétés, de l’humanité avec la biosphère. Crise des hommes entre eux, l’exemple de l’exclusion sociale ; des sociétés entre elles avec l’extraordinaire difficulté à gérer nos interdépendances dans le cadre des régulations politiques actuelles, crise enfin des rapports humanité biosphère car la société consomme des ressources bien plus rapidement que celles-ci se reproduisent et on conçoit bien que ça pourra se poursuivre indéfiniment…
Cette difficulté à mettre en relation on la retrouve dans tous les domaines, comme si le modèle cartésien, décomposer pour comprendre, avait dégénéré en une schizophrénie et un cloisonnement généralisés :
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dans le champ de la production industrielle c’est la juxtaposition des filières ;
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dans l’université c’est le cloisonnement des connaissances ;
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dans l’action publique c’est la juxtaposition des politiques sectorielles ;
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dans la société c’est l’évolution vers un système en « tuyaux d’orgue » où les contacts entre personnes d’un même milieu aux deux bouts de la planète deviennent plus intenses que les contacts avec les voisins ;
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dans l’agriculture c’est l’incapacité à raisonner globalement sur les écosystèmes au profit du couple simpliste symptôme – traitement qui conduit à une déterritorialisation généralisée.
Cette crise des relations est à associer à une crise du modèle occidental de développement, qui se caractérise par l’inversion des fins et des moyens.
Quand on vous dit : “on n’arrête pas la science”, c’est extraordinaire parce que cela veut dire que la science est le nouveau nom du destin ! Quand on débat sur des problèmes aussi sérieux au plan éthique que le clonage des êtres humains ou la manipulation génétique, etc.., on va vous expliquer sans rire : “mais comment voulez-vous qu’on arrête le désir de chercher des laboratoires, de produire des brevets, etc..” ? Pour le marché, c’est pareil. C’est extravagant de présenter l’économie de marché comme une loi de nature. Cela ne résiste ni à l’analyse historique ni à l’analyse politique.
Mais l’Université participe à cette inversion entre fins et moyens en enseignant de plus en plus des manières de faire (la science, le droit, le management, l’économie) coupées des finalités.
1.3. Arrêtons d’essayer de gérer le monde de demain avec les idées d’hier et les institutions d’avant hier.
Une bonne illustration de la confusion actuelle de la pensée est fournie par la confusion sémantique entre mondialisation et globalisation. En anglais, il y a un seul mot pour en parler, c’est “globalisation”. “Globalisation” de tout, depuis les nouvelles technologies d’information et de communication jusqu’à la négociation de la réduction des barrières douanières dans le cadre de l’OMC en passant par la liberté d’investissement des firmes multinationales. En fait, nous avons la chance en français d’avoir deux mots, profitons-en : je distingue d’un côté la mondialisation et, de l’autre, la globalisation économique.
Qu’est ce que la mondialisation ? Pour moi, c’est un fait, une donnée inéluctable. Mondialisation, c’est le fait que les interdépendances entre les sociétés dans le monde entier se sont accrues d’année en année jusqu’à nous faire franchir véritablement un saut qualitatif. Si, dans les années quatre-vingts, le fameux trou d’ozone a eu tant de succès médiatique, c’était moins à cause de la gravité effective des cancers de la peau qu’il était censé provoquer qu’à cause de son extraordinaire valeur symbolique. Le trou d’ozone qui se produisait sur l’Antarctique était lié à l’activité des sociétés industrielles. Il symbolisait donc le fait que les effets macro climatiques, macro atmosphériques des activités industrielles se produisaient au seul endroit où il n’y en avait pas ! Arrivant après les photos satellite et leur image de la planète bleue, une série de symboles a progressivement exprimé une réalité que tout le monde percevait : nous sommes tous sur un même bateau et ce bateau est fragile, ce bateau est menacé. Cette conscience d’être sur le même bateau, c’est cela qu’exprime la mondialisation. C’est cette conscience que l’effet de serre est la somme d’infiniment de choses, qui va du fait de prendre sa voiture pour aller acheter du pain au lieu d’aller en vélo au développement de la riziculture. La conscience que tout cela se combine au niveau de l’atmosphère, la conscience que les pluies acides peuvent se déplacer, que le nuage mortel de Tchernobyl se déplace, mais aussi qu’Internet construit un réseau d’informations mondial en temps réel. Tout cela, depuis la deuxième guerre mondiale, a fait prendre conscience d’une interdépendance croissante. Un simple chiffre. Déjà, au milieu des années 1990, la société mondiale consommait une fois et demi les ressources renouvelables de la planète chaque année. Concrètement, alors qu’il n’y a que 20 % de la société qui a accès, si je puis dire, à une consommation de pays développés, on en est à “bouffer” nos stocks chaque année. La mondialisation est donc un fait. Il n’y a pas de réversibilité de la mondialisation. Il y a réversibilité des comportements, il y a des comportements possibles de repli nationaliste, on en voit beaucoup, il y a des comportements de résistance, d’anxiété, etc., mais la mondialisation est un fait inéluctable.
Tout autre est la question de la globalisation économique. La globalisation économique, c’est une politique et une idéologie. Il faut revenir à l’histoire pour nous rendre compte dans quelles conditions nous nous sommes mis, bon an mal an, à adhérer à la pensée unique. Quand les Américains, comme condition au plan Marshall, nous ont interpellés, nous Européens, au lendemain de la guerre en disant « on veut bien vous aider à reconstruire mais si c’est pour redémolir joyeusement dès que vous avez reconstitué la sidérurgie et l’industrie de l’armement, cela ne nous intéresse pas » la pression à l’unification économique européenne s’est faite dans un but politique. L’enjeu c’était la paix, ce n’était pas la prospérité. La réflexion sur l’abaissement des droits de douane s’est faite par rapport à un enchaînement historique très précis : crise économique, repli, renforcement des droits de douane, nationalisme, guerre. C’est par rapport à cette situation historique que la réflexion sur les rapports entre liberté de commerce et paix s’est subitement trouvée consolidée. Est-ce pour autant dire que partout et toujours la liberté du commerce garantit le développement, l’équilibre entre les hommes et l’atmosphère, l’équilibre entre les nations et la justice sociale ? Non, mille fois non ! On le voit bien depuis une trentaine d’années : le rythme de croissance du commerce international est considérable mais s’est accompagné en même temps d’une croissance des inégalités aboutissant à ce qu’il est couramment convenu d’appeler la courbe en verre de champagne, où une petite minorité contrôle une grande majorité des biens, où une grande majorité se contente de la portion congrue.
Nous allons avoir à gérer un monde mondialisé, irréversiblement mondialisé. Nous allons devoir prendre la mondialisation non pas comme un fardeau mais comme une opportunité et aussi comme une nécessité de changer.
Pour comprendre comment on en est arrivé là il faut revenir à l’histoire longue et à son accélération depuis un siècle et plus particulièrement à partir de la seconde guerre mondiale. On s’aperçoit alors d’une donnée fondamentale : tous les éléments du système n’évoluent pas à la même vitesse. C’est ce que j’appelle la théorie des décalages : l’économie, la science et les techniques ont évolué de jour en jour, les systèmes de pensée et les institutions beaucoup plus lentement.
Je pense que les mutations du 21ème siècle seront comparables par leur ampleur et leur caractère systémique au passage du Moyen Age au monde moderne. Et le parallèle est frappant entre l’émergence, au début du 19ème siècle de l’Université prussienne de Von Humboldt et l’émergence, entre le 16ème et le 19ème siècle de l’État moderne. Dans les deux cas un mouvement de désimbrication, de spécialisation et d’auto-référence. Dans le cas de l’Université : désimbrication de la science et de la religion ; spécialisation avec la création des facultés ; auto référence avec la revendication à l’autonomie universitaire comme condition de l’autonomie de la production libre du savoir.
Dans le cas de l’État : désimbrication avec la séparation de la fortune du prince et des biens publics ; spécialisation avec le développement d’institutions spécialisées ; autoréférence en faisant de la souveraineté une valeur absolue.
Le parallèle entre action publique et université se prolonge précisément dans la crise des relations :
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le cloisonnement des disciplines et domaines ;
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les difficiles relations avec le reste de la société (partenariat) et les freins à l’aller et retour entre réflexion et action.
Nous voyons bien à l’œuvre les inerties, les résistances au changement qui expliquent qu’en ce début de 21ème siècle nos modèles institutionnels et idéologiques ont bientôt 200 ans alors qu’entre temps le monde a radicalement changé.
Ainsi veut-on finalement gérer un monde radicalement interdépendant avec des relations intergouvernementales entre états souverains et des réalités systémiques avec des disciplines universitaires jalouses de leur autonomie.
2. Pour la science et l’Université un même défi : renouveler le contrat avec la société.
2.1. Le contrat social actuel est dépassé
Pour la science et pour l’université il existait bien, au lendemain de la 2ème guerre mondiale, une forme de contrat social.
Pour la science ce contrat est né de la reconversion du formidable effort de mobilisation des cerveaux qu’avait nécessité la guerre.
Pour l’Université, le contact social implicite avait deux dimensions : la construction et la diffusion de la connaissance spécialisée ; les franchises universitaires. Mais ce contrat fait eau de toutes les parts.
D’abord parce que la nature des débouchés de l’Université a changé : c’est de moins en moins la reproduction de l’Université elle-même ou l’encadrement de la société par l’État et de plus en plus la formation de manieurs de savoirs et de savoir faire au sein des entreprises. D’où : a) la perte du monopole dans la délivrance des savoirs et le poids croissant de l’entreprise, avec la dérive du savoir vers une marchandise ; b) l’effacement de l’Université au profit de systèmes répondant directement aux besoins à court terme de l’économie.
Ensuite parce que le scepticisme de la société à l’égard de ce mode de production et de reproduction du savoir va croissant : en un mot la société fait de moins en moins confiance à l’Université : le caractère périmé du contrat retire progressivement le support social de la société à l’Université.
En troisième lieu parce que l’Université, comme l’État, n’a plus le monopole de l’expertise. On le voit avec la montée en puissance de ce que j’appelle l’expertise citoyenne en réseau. Tout ceci veut dire, en clair, que si les universitaires refusaient de descendre de leur piédestal ils se retrouveraient un jour purement et simplement déboulonnés comme une vulgaire statue de dirigeant déchu.
Enfin, parce que, dans la société de l’information, la mutualisation des connaissances s’accommode mal des murs visibles ou invisibles des institutions. Le combat contre la marchandisation du savoir ne peut plus se réduire à la défense de l’enseignement public. Les réseaux de compétence vont rapidement finir par avoir plus de réalité que les pôles pris isolément. Les universités vont passer de toutes façon d’un statut de temple du savoir au statut, à mes yeux plus noble encore, de médiateur des connaissances.
2.2. Les éléments du nouveau contrat social
Avant de préciser les contours du nouveau contrat social et d’en montrer la force et les fondements rappelons par un point d’étape les caractéristiques qui en sont déjà apparues :
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en raison du retard pris par les systèmes de pensée et les institutions sur les réalités du monde il faut non pas une évolution lente et à la marge, de simples ajustements. Comme dans le domaine de la gouvernance l’Université a besoin d’une révolution conceptuelle et institutionnelle ;
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face à la crise du monde actuel, le nouveau système doit être en mesure de répondre aux mutations majeures du 21ème siècle ;
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le nouveau système doit se caractériser par sa capacité à gérer les relations entre connaissances et entre acteurs ;
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le nouveau système « remet à l’endroit » les fins et les moyens ; en ce sens l’Université est un des lieux où doit se réinventer l’humanisme sans se laisser fasciner par la raison instrumentale qui n’est rien d’autre, au bout du compte, que la capacité d’apporter des solutions efficaces à des questions qu’on n’a pas forcément comprises ;
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le système doit reconnaître les autres sources de production de la connaissance et se définir comme médiateur.
Pour construire ce nouveau contrat il faut à nouveau se placer en dehors de l’Université proprement dite et comprendre pourquoi la notion de « contrat social » , plutôt tombée en désuétude, connaît un retour en force. J’y vois deux raisons complémentaires, d’ailleurs inséparables, tenant à la mondialisation et à la croissance des interdépendances.
D’abord la mondialisation. Les sociétés de la planète n’ont pas choisi de vivre ensemble. Elles y sont conduites par le fait que leurs destins se trouvent indissolublement liés. Pour gérer leur avenir commun elles ne peuvent avoir recours , comme les sociétés traditionnelles, à une transcendance commune ou à des mythes communs – le mythe de l’unité nationale par exemple. La gestion de l’avenir commun est donc de l’ordre du contrat.
Ensuite, la croissance des interdépendances entre les milieux. Elle oblige à poser la question des responsabilités des uns vis-à-vis des autres, de l’équilibre des droits et devoirs. De même que la liberté d’entreprendre sera inévitablement subordonnée à la reconnaissance de la responsabilité sociale qui en découle, de même le soutien que revendique l’Université auprès du reste de la société est justifié pour la contribution qu’apporte l’Université à la résolution des défis de la société.
2.3. Le nouveau contrat social repose sur la Charte des responsabilités humaines.
Avant de revenir plus longuement sur la question de la responsabilité des Universités, qui est au cœur même de la notion de contrat, décrivons en précisément les fondements éthiques. Ils ne sont pas, eux non plus, spécifiques à l’Université. Ils régissent, comme un soubassement commun, l’ensemble des contrats.
Un long travail international a été mené dans le cadre de l’Alliance pour dégager ce soubassement . Le détailler nous ferait sortir du cadre de cette conférence, allons tout de suite au résultat qui a pris, à l’issue de l’Assemblée Mondiale de Citoyens, la forme d’une Charte des responsabilités humaines. Cette charte éthique n’est pas un code moral édictant des règles impératives et des interdictions. L’éthique découle au contraire de l’exercice de la liberté. C’est une éthique du choix, une éthique de la tension entre exigences en apparence contradictoires, en un mot une éthique de la relation :
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relation entre unité et diversité, ce qui invite l’université à accueillir, au sein d’une recherche commune, une pluralité de points de vue, de regards, de cultures et de savoirs, à assurer un va et vient permanent entre l’unité de la connaissance et la diversité des modes d’approche ;
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relation entre l’individuel et le collectif ce qui invite d’abord à la tolérance, ensuite à la combinaison d’engagements individuels et d’engagements collectifs ;
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relation entre l’être et l’avoir, ce qui invite l’Université à ne pas s’enfermer dans l’enseignement de la raison instrumentale, à avoir toujours les finalités et le développement humain des personnes et des sociétés en ligne d’horizon ;
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relation entre la continuité et le changement, ce qui invite l’Université à être le dépositaire et le transmetteur de ce qu’Edgar Morin appelle à juste titre la « condition humaine » , à ne pas être fasciné par le changement pour le changement, par l’innovation pour l’innovation ; mais, à rebours, à être capable d’un changement radical car, aujourd’hui, la poursuite à long terme de l’aventure humaine l’exige ;
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relation entre la liberté et la responsabilité enfin.
La Charte des responsabilité humaines précise les trois caractéristiques majeures de la responsabilité dans le monde contemporain et vous allez voir à quel point ces caractéristiques s’appliquent à l’Université et à son contrat avec le reste de la société :
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la responsabilité porte sur l’impact de nos actes, même leur impact à long terme, plus ou moins imprévisible ;
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la responsabilité est proportionnée au savoir et au pouvoir ; cela bien sûr concerne tout particulièrement l’Université comme détentrice des savoirs.
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enfin, la responsabilité est de créer le pouvoir de changer et ce pouvoir de changer ne vient que de la création du lien avec les autres ; nul ne peut donc se défausser de sa responsabilité au nom de sa propre impuissance.
Comment ces trois figures de la responsabilité s’appliquent-elles à l’Université et modèlent-elles son contrat avec la société ? C’est ce que nous allons maintenant examiner.
2.4. Les responsabilités propres de l’Université
Pour l’Université ce qui caractérise d’abord sa responsabilité c’est son impact à très long terme. Cela découle très directement de ce que j’ai appelé la théorie des décalages. Nos systèmes de représentation sont en retard sur les réalités. D’où la responsabilité écrasante des instances de formation où vont se forger les représentations de ceux qui auront à gérer le monde de demain ! C’est le grand défi des enseignants, qui se sont formés avec les idéologies construites du temps de leur jeunesse. Je pense à un philosophe qui disait à propos des hommes politiques : le problème des hommes politiques c’est qu’ils cessent de réfléchir quand ils s’engagent dans la lutte politique. Quand ils arrivent au pouvoir ils arrivent avec le système de pensée correspondant au moment du début de leur entrée en lutte politique. Comme ce sont des pros, ils ont commencé très tôt parce qu’il faut commencer tôt pour faire carrière et en général, comme la concurrence est rude, ils arrivent tard. En gros, il y a un décalage de 40 ans entre leur manière d’aborder les problèmes et la réalité des problèmes. Pour l’université, ce n’est pas 40 ans, c’est 200 ans !
La responsabilité de l’Université est à la fois individuelle et collective. C’est celle de chaque universitaire pris en particulier, de chaque université prise en particulier et de la communauté universitaire prise dans son ensemble. Je voudrais insister sur ces trois niveaux. Les deux premiers peuvent traduire le contrat social par une Charte brésilienne des responsabilités des Universitaires et des Universités. Le troisième niveau, symbolisé par le caractère international de la présente conférence, a trait à la construction d’une communauté mondiale. C’est le premier impératif de l’agenda pour le 21ème siècle : la mondialisation, le caractère mondial de nos interdépendances, n’a pas pour l’instant pour contrepartie des institutions mondiales réelles et une communauté politique. Il faut donc s’attacher à faire émerger d’urgence une communauté mondiale tangible, vivante. Souvenons nous que « l’humanité » n’est un sujet de droit que depuis la 2ème guerre mondiale avec l’introduction de la notion de “crime contre l’humanité” ; L’idée de communauté mondiale est un nouveau saut anthropologique et l’Université a une responsabilité clé à y jouer. Au moment où le mondial est devenu notre espace domestique il faut se souvenir que l’Université a une double racine éthymologique :
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d’abord celle de « communauté humaine d’étudiants » puis, par extension, de professeurs ;
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puis celle « d’universel » . Universalité présumée des savoirs hier, universalité des défis aujourd’hui.
La responsabilité de l’Université prend, me semble-t-il deux figures principales :
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la formation des futurs maîtres, de ceux qui modèleront une jeunesse. Il ne faut pas se poser la question de l’adaptation des jeunes à la société à venir, comme si l’histoire était écrite d’avance, mais plutôt de la capacité des jeunes à faire advenir les mutations nécessaires à appréhender des relations ;
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l’implication dans les affaires de la cité : la capacité à nouer localement les liens qui permettront d’aborder ensemble et d’une nouvelle manière les défis de la cité. C’est là que le nouveau rôle de l’Université, médiatrice des connaissances construites en réseau peut s’avérer essentiel. En effet, la mondialisation, au lieu d’éloigner les acteurs du territoire local les y renvoie. Car le territoire, dans une économie du savoir et quand il s’agit d’apprendre à gérer les relations de différentes natures est appelé à être la brique de base de la gouvernance de demain. Le territoire est certainement l’acteur social dont le rôle va croître le plus dans les prochaines décennies, au détriment de l’entreprise.
Ainsi le contrat social entre l’Université et la société doit il avoir plusieurs dimensions et plusieurs échelles. D’un côté un contrat global, l’engagement de la responsabilité de la communauté universitaire dans son ensemble face aux grands défis du monde contemporain et face à la formation des jeunes ; de l’autre des contrats territorialisés explicitant localement les relations avec les autres acteurs de la société.
En assumant pleinement sa responsabilité face aux défis du monde contemporain l’Université devient pleinement citoyenne. Mais son plus grand défi est de former de futurs citoyens. Il ne s’agit pas bien entendu ici “d’instruction civique” mais de préparation à l’exercice par chacun de ses responsabilités.
Le premier point d’application est ce que j’appelle le devoir de génération. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le devoir des jeunes Français et des jeunes Allemands était de “faire l’Europe” pour éviter d’achever le suicide collectif si bien mis en chantier par les deux guerres mondiales. Le devoir de la génération qui vient est aussi évident. C’est cette fois de construire non plus l’Europe mais le monde et, pour la même raison, pour éviter le suicide collectif.
Le second point d’application c’est de préparer les étudiants à être au monde et à faire le monde. Autrefois, on parlait de “faire ses humanités” pour s’imprégner des grands penseurs du passé. Il s’agit aujourd’hui, ni plus ni moins, de faire Humanité. Pourquoi ne pas rêver par exemple, comme l’a avancé le philosophe Michel Serre, d’une première année d’Université commune à tous les pays et à toutes les disciplines et où l’on apprendrait, par exemple :
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l’éthique du choix et la citoyenneté – du local au monde - ;
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l’interculturel ;
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les défis communs ;
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la mutualisation des connaissances et la construction des liens internationaux ?
Ne peut-on, par exemple, imaginer l’organisation par les universités de panels de citoyens interactifs avec l’Inde, la Chine, l’Afrique pour entrecroiser les questionnements des uns et des autres sur le monde et les confronter à différents experts ? Comment faire tout cela ? Par quelle stratégie de changement ? Et qui a les moyens de la conduire ? A ce stade il faut revenir à la troisième dimension de la responsabilité telle qu’énoncée tout à l’heure : le pouvoir n’est pas donné il se crée. Ou, pour citer Paul Ricoeur, « le pouvoir naît quand les hommes s’assemblent, il s’évanouit quand ils se dispersent » .
A la question “qui a le pouvoir de concevoir et de conduire les mutations nécessaires”, une seule réponse : les citoyens, les universitaires et les étudiants eux-mêmes.
3. Une stratégie d’alliance pour réformer l’Université.
3.1. Appliquer à l’Université les principes classiques de stratégie de changement des grandes organisations.
La responsabilité première de l’université est de conduire sa propre transformation.
Et elle n’en trouvera la force, elle n’en aura le pouvoir qu’en construisant des alliances. Qu’est-ce qu’une alliance ? Une manière nouvelle de s’organiser où l’on ne crée pas de nouvelles institutions (les universités n’en manquent pas ! ) mais où on se donne des objectifs communs, des règles éthiques communes et des dispositifs de travail concrets.
Les grandes institutions, et c’est toute la difficulté de la réforme des États, ne se transforment que s’il y a, conjonction : au sommet, d’une volonté, d’une vision claire et d’une stratégie conduite sur la longue durée ; à la base, d’une profonde aspiration au changement, une recherche individuelle et collective de sens, une capacité d’innovation et une prise de risque. Dans le livre « l’État au cœur » j’ai montré comment, par exemple, les réformes de l’État en France ont toutes avorté car il manquait au sommet une vision et une constance dans l’effort, comme s’il suffisait de changer d’organigramme pour changer de fonctionnement, comme s’il suffisait de changer d’habit pour changer la personne. Mais elles ont échoué plus sûrement encore parce que, au lieu que les fonctionnaires soient considérés, au lieu que leurs idées, leur expérience et leur recherche personnelle de sens de l’action publique soient considérées comme le moteur du changement, les fonctionnaires ont été présentés uniquement comme des freins au changement, des forces de résistance rétives aux impulsions du pouvoir politique.
La dernière erreur en date a été celle de Claude Allègre quand il était Ministre de l’Education. Il a inauguré sa stratégie de réforme en annonçant qu’il allait «dégraisser le mammouth » . Par cette simple phrase, il s’est privé du soutien de ceux-là mêmes qui, au sein de l’éducation nationale, auraient pu être acquis à ses idées !
La question des stratégies de changement est bien connue des grandes entreprises. En effet un État incapable de se réformer ne disparaît pas. Il dépérit petit à petit, perdant sa légitimité aux yeux des autres acteurs, et se vidant de son sens de l’intérieur. Une entreprise, elle, qui ne saurait pas se réformer peut s’effondrer quelle qu’ait été sa puissance !
De l’expérience des entreprises on peut retenir quatre règles, quatre conditions pour la réussite d’une stratégie de changement :
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la conscience collective d’une crise, nécessaire pour justifier les efforts douloureux, les remises en cause, la contestation des situations acquises qu’impliquent toute réforme ;
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une vision claire et partagée des objectifs poursuivis ;
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la continuité de l’action de réforme sur le long terme et selon des étapes précises ;
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enfin et surtout, au sein de l’organisation, la constitution des « alliés de la réforme » , alliance faite de tous ceux qui, plus responsables, plus conscients ou plus innovateurs que les autres, sont prêts à aller au-delà du maintien des positions et droits acquis, au delà des habitudes, prêts à se projeter dans l’avenir, prêts à être les moteurs collectifs de l’aventure.
3.2. Identifier ou construire à différents niveaux des alliances pour la réforme.
Ce n’est donc pas à partir d’institutions représentatives que l’on construit le changement mais à partir d’alliances d’organisations et de personnes – des universités et des universitaires- qui partagent le même sens des responsabilités à l’égard de la société, à l’égard de l’avenir. Les « institutions représentatives » , nous le savons bien, ont pour vocation de représenter une communauté, d’en assurer la continuité et donc d’incarner, peu ou prou, un « ordre éternel » . Elles ne sont pas pour autant nécessairement des freins au changement. Elles gardent une importante fonction de légitimation et elles peuvent de ce fait grandement faciliter une stratégie de réforme en prenant la parole en faveur d’un nouveau contrat social, en endossant, par exemple, une nouvelle Charte de la responsabilité des universités. Mais elles ne peuvent être elles-mêmes le moteur, il faut construire des alliances ; Une institution, c’est sa vocation, est du côté de la permanence ; une alliance, et c’est pourquoi il ne faut pas l’institutionnaliser, est du côté du mouvement.
Comme le contrat social lui-même, l’alliance pour une Université du 21ème siècle, doit s’organiser à différents niveaux :
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à l’échelle mondiale, puisque l’université doit être à l’échelle mondiale l’incarnation même de la communauté et de l’universel ;
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à l’échelle nationale où, dans l’état actuel des choses, il reste le plus facile de faire se rencontrer une aspiration politique de réforme, incarnant l’aspiration d’ensemble de la société, et une aspiration au changement venant du sein de l’université elle-même ;
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à l’échelle de chaque université car c’est à ce niveau que des tentatives multiples d’innovation peuvent cristalliser en une transformation d’ensemble ; à ce niveau aussi que peuvent se nouer les contrats sociaux territoriaux entre les différents acteurs de la société.
Permettez-moi de rêver que l’assistance de ce matin, qui réunit des innovateurs venus du monde entier, qui est réunie à l’appel du Ministre brésilien incarnant une volonté politique nationale de réforme, qui réunit enfin des recteurs et des enseignants venus par leur volonté de participer à cet événement, soit le temps fondateur de ces différents niveaux d’alliances. Si c’était le cas cet événement pourrait être qualifié d’historique.
3.3. Mettre en place les outils, les acteurs et les étapes de la stratégie de changement.
Une alliance se définit par des dispositifs concrets de travail qui visent tous à relier et à construire :
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il faut des outils d’intelligence collective pour transformer l’expérience concrète de chacun en une stratégie d’ensemble, et pour que cette stratégie reste en permanence enracinée, irriguée, vitalisée, inspirée par la réalité concrète. On ne suscite pas, on ne suscite plus l’adhésion par des mots d’ordre venus d’en haut, aussi justes soient-ils. Si l’on veut que s’allient les porteurs de sens, les méthodes doivent être cohérentes avec les objectifs poursuivis et chaque allié individuel doit se sentir en permanence co-auteur et co-acteur de la stratégie commune.
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il faut des moyens de liaison entre les alliés, des espaces de débat collectif, un point de ralliement où s’incarne la communauté des alliés. Internet et le web ont radicalement modifié les conditions de construction des alliances, notamment dans le milieu universitaire, le plus « branché » qui soit.
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Il faut des actes instituants : dans le cas de l’université c’est autour des Chartes des responsabilités de différents niveaux que peuvent se poser les actes instituants des alliances. C’est autour d’espaces communs d’échanges d’expériences et de débats que peut se forger une identité ;
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il faut enfin, dans une alliance visant des transformations à long terme, des outils d’évaluation communs, des moments rituels où mesurer le chemin parcouru. Des étapes concrètes, faute de quoi la stratégie la mieux intentionnée se perd dans les sables et les innovateurs les plus enthousiastes cèdent au découragement. Le sociologue français Michel Crozier disait, en réponse à notre penchant national à prendre les mots pour les choses et le discours sur le changement pour le changement lui-même : « on ne change pas la société par décret » . Le changement n’est pas un acte c’est un processus collectif .
Mais une telle alliance serait incomplète si elle n’associait pas pleinement ce qui est peut être l’acteur essentiel : les étudiants eux-mêmes. Ils ont, en réalité, pour devenir les porteurs de la société de demain, pour être les ferments et les accoucheurs de cette communauté mondiale en gestation, besoin eux-mêmes de construire leur alliance pour redonner sens à ce qu’était l’Universitas du moyen-âge, la communauté des étudiants. La jeune génération, je le vois dans le monde entier, est à la recherche de sens et de repères. Les enseignants n’ont pas à créer cette alliance à leur place mais il est évident que l’orientation des cours, l’organisation des échanges internationaux, la mise à disposition des moyens logistiques peuvent puissamment y aider.
Pour conclure, je dirai enfin dans une stratégie de réforme, on ne part pas, on ne part jamais de zéro. Les germes sont déjà là. Ils sont peut être épars ; chacun d’eux est marginalisé dans son institution ; manque d’une perspective cohérente qui les fédère. Mais ils sont les levains de la pâte. Ces germes sont présents en grand nombre au sein de l’université. Il est donc essentiel, dès le départ, dès le moment où une volonté nationale ou internationale de réforme s’exprime, d’aller à leur rencontre, de les recenser, de les valoriser, de les mettre en réseau.