Analyses des différences et inégalités dans l’agglomération et aire urbaine de Lyon
February 2002
Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA)
Une analyse spécifique a été réalisée du point de vue des faits constatés et analysés depuis longtemps localement puis des analyses apportées par les documents de planification.
On propose d’abord une photographie des différences sociales et spatiales au sein de l’aire urbaine : socio-démographiques, mais aussi en termes de logements, de migrations résidentielles, d’équipement des communes. Cette photographie comprend en même temps une analyses des différences en termes économiques (activités et chômage) comme en termes de déplacements et de mobilité.
Cette photographie a permis de conclure que, dans certains domaines, l’aire urbaine est un territoire qui produit des inégalités fortes, voire de la ségrégation. En effet, comme au plan national, l’agglomération lyonnaise et son aire urbaine ont connu depuis de nombreuses années des déséquilibres sociaux et économiques qui se traduisent fortement sur le plan spatial, et qui sont en lien avec le problème de la ségrégation sociale et territoriale. Le renforcement des tendances ségrégatives entre les communes qui accueillent les populations les plus riches et celles qui accueillent les populations les plus pauvres est effectif. Du point de vue du développement territorial, l’aire urbaine est composée aujourd’hui de quartiers, pôles et territoires urbains et périurbains qui sont en situation de stabilité, en déprise ou en développement démographique et économique (activités et emplois).
Ces phénomènes se réalisent dans une dynamique de métropolisation, qui par un phénomène parallèle de concentration, diffusion et spécialisation spatiale, induit des diversités entre les territoires. Si ces diversités peuvent être considérées comme tout à fait « normales » ou « naturelles » dans les logiques actuelles de métropolisation et de développement économique et social, leur somme et leur concentration sur des territoires spécifiques permet de constater des spécialisations et des processus de ségrégation sociale et spatiale.
La plus forte différenciation sociale et économique existante est celle entre l’ouest et l’est au sein de l’agglomération lyonnaise et dans l’aire urbaine. Et la notion d’inégalité est souvent associée aux quartiers de la politique de la ville, du fait de la concentration en leur sein de certaines variables négatives. Mais ces différences spatiales ne sont que les plus visibles, car au sein de micro et de macro-territoires, des inégalités existent. L’observation de la distribution spatiale des catégories 6 socioprofessionnelles, des revenus, etc. a montré que certains macro-territoires se spécialisent dans l’accueil de certaines strates de population.
Cette « spécialisation sociale » s’est convertie en ségrégation socio-spatiale et économique par la conjonction des handicaps cumulatifs touchant les revenus des ménages, les coûts du logement (y compris les niveaux de remboursement des prêts), l’accès aux équipements de services et aux infrastructures, les niveaux de desserte et de captivité par rapport à la voiture et à l’habitat, les dépenses en transports, la localisation par rapport aux bassins d’emploi, la proximité ou non des centres administratifs et d’emplois, etc.
Cette situation décrite et analysée a permis aux élus locaux d’exprimer récemment un constat politique fort : l’existence d’une situation de relégation urbaine et sociale dans l’agglomération lyonnaise. Si ce constat est très fort, il est dans la continuité d’une série des constats de ségrégations (tendance ou processus selon les périodes) sociale et urbaine. En effet, la lecture et analyse du traitement des inégalités dans une série de documents de planification et d’orientation des politiques publiques (depuis les années 60 à nos jours), affirme souvent très clairement – contrairement à ce qu’on avait imaginé - cette forme très dure des inégalités : la ségrégation, mais aussi l’exclusion (par la non mixité, etc.).
Ainsi dans les années 60-70, les principaux objectifs étaient de protéger et sauvegarder les équilibres existants et de porter une attention particulière aux disparités ou tendances ségrégatives observables.
On évoque ainsi les risques de la ségrégation, mais dans un cadre de développement et équipement du territoire. Dans les années 80-90, il s’agit de lutter contre les déséquilibres réels et possibles, contre l’installation effective du phénomène de ségrégation et de fracture sociale et urbaine. Il faut équilibrer, diversifier, « égaliser », tant dans l’agglomération que dans des territoires plus vastes.
La lecture de ces documents laisse un sentiment d’échec relatif (et parfois absolu) par rapport aux inégalités et à la ségrégation. On se questionne aussi sur la prospective urbaine absente très fortement, malgré des sonnettes d’alarme constantes depuis les années 60. Les années 90-2000 permettent de lire la montée d’un problème qu’on ne peut plus ne pas voir en face, car il s’exprime de manière plus forte et ne semble pouvoir être résolu ni absorbé tant sa complexité et son lien à l’économie et aux choix de société sont forts. Il y a un constat flagrant de mise à l’écart de certaines populations et la réponse ne relève pas de la planification. Par contre, s’il y aura émergence de démarches de mise en cohérence de la planification urbaine pour une meilleure territorialisation des politiques d’aménagement et de lutte contre la spéculation foncière, des démarches très « terre à terre » comme le POS, actent la nécessité de la mixité et du maintien du lien social, mais n’évoquent pas la ségrégation social et urbaine. Ceci est important car conditionne le type de politique publique et de mise en œuvre de celle-ci.
Plus de 30 ans de planification convergent vers des points communs : l’éternelle différence entre l’Ouest et l’Est lyonnais, avec une émergence des inégalités induites par la périurbanisation, une complexe opposition entre « centre » et « périphérie » qui perdure, différentes catégorisations des populations fragilisées, des inégalités constatées surtout en terme de logement, absence d’analyse économique (base du problème) tant politique qu’en terme d’activités, une lecture de la répartition des équipements tant comme source de rayonnement que comme source d’inégalité, et une analyse des inégalités face aux transports et à la mobilité, centrée sur l’inégale desserte des « quartiers » des banlieues.
Dans cette partie, on a démontré que l’évolution du langage, mais aussi la cohabitation des termes dans le temps, rendent compte de la difficulté locale d’affirmer des dysfonctionnements graves, au-delà de leur énonciation politique. Il a fallu plus de trente ans pour regarder en face des processus inégalitaires non absorbables par l’économie, par la société urbaine.
Mais cette évolution du langage a révélé aussi la complexification de la réalité et la difficulté de l’aborder de manière concrète. Cette difficulté ne permet pas de rendre clairs les objectifs réels et réalistes, transversaux. Donc, ne permet pas une construction claire des politiques publiques .
Dans le temps, on est passé ainsi de la recherche d’un équilibre territorial de la croissance à un rééquilibrage social. En parallèle, se faisait la transition d’une planification et d’un aménagement de villes en extension à des villes et territoires en recomposition sociale et économique.
Ainsi, malgré le constat d’une aggravation des inégalités et d’une forte présence de ce terme dans les discours, on peut se demander parfois et encore : mais de quelles inégalités parle-t-on ? Ou encore : quelles sont celles qui sont en train de se produire ? En effet, les constats actuels ne sont pas la garantie d’une objectivation de la situation et des défis de demain. Quel public, au-delà du public des quartiers de la politique de la ville, sera en vue ? Comment s’emparer des inégalités nouvelles dans des espaces périurbains, dans l’aire urbaine ? Inégalités nouvelles, qui étaient malgré tout appréhendées depuis les années 70 plutôt de façon vaste et informe, avec des problématiques de mobilité, de péri-urbanisation « sans principe », d’éloignement des pauvres en périphérie lointaine, de délaissement de l’agriculture… La construction des politiques publiques en terme de lutte contre les inégalités, la ségrégation, l’exclusion , voire la relégation ne paraît pas claire. Comment aller vers une gestion plus sociale du développement économique local malgré un objectif principal de développement technopolitain et international ? Comment la politique du logement et de l’habitat peut-elle se reconstruire pour une efficacité sociale et spatiale ? Quelle politique publique par rapport aux transports et à la ségrégation ? Cette dernière question est importante, car elle est la base du questionnement de la recherche : quel lien entre inégalités et mobilité ? Il existe en effet dans l’agglomération lyonnaise des inégalités face aux transports liées au revenu des ménages et à la localisation résidentielle. La question du coût des transports est essentielle, surtout pour ceux qui n’ont pas véritablement choisi leur localisation résidentielle, les éloignant souvent des espaces fortement desservis par les transports et les infrastructures. En effet, le regard sur l’aire urbaine et les politiques publiques montre que bien au delà d’une opposition centre / périphérie, il y a modèle de développement urbain qui produit des inégalités par rapport aux transports et aux déplacements (ex. le périurbain).
Mais ces constats d’inégalités en termes de transports, ne va pas jusqu’au diagnostic mettant en relation les logiques d’agglomération et les pratiques micro-spatiales.
Quels sont les territoires sur lesquels portent les enjeux de transport, hier et aujourd’hui ? Globalement les mêmes … et ceci peut être assez inquiétant. Mais une chose est certaine, mais difficilement applicable tant les contradictions entre acteurs et entre politiques sont parfois fortes : la mise en relief du rôle social et de valorisation spatiale des transports en commun
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Tiré de la synthèse de recherche du PUCA : « Différences et inégalités territoriales, quel lien avec la mobilité ? Réalités et perceptions vues à travers la planification et les discours d’acteurs dans l’aire urbaine de Lyon », Février 2002