Conflits d’usages et cohabitation des modes en sécurité
2005
Conseil National des Transports (CNT)
Cette fiche aborde les questions de sécurité et de prévention des conflits d’usages sur la voie publique. Malgré la complexification des usages et des modes de vie, l’enjeu est de mettre en place des politiques de sécurité routière et d’aménagement des espaces publics permettant la cohabitation des différents publics et usagers. Des solutions sont proposées pour assurer l’accessibilité à tous telles que la qualité des espaces, la mise en place des allures homogènes, l’apaisement des pointes de vitesse et la maitrise du temps de déplacement des usagers.
Toujours mieux assurer la sécurité et la prévention des conflits…
Assurer la sécurité sur la voie publique a toujours été une priorité indiscutable. Les politiques de sécurité routière ont donc accompagné l’expansion considérable de la voiture. Mais dans les années 60, ces politiques étaient principalement orientées vers la sécurité des automobilistes plutôt que vers l’ensemble des usagers.
Depuis les années 70, la prévention des conflits entre les différents usagers a fait d’importants progrès, avec des succès avérés et durables, notamment par les programmes suivants :
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Petits aménagements de sécurité,
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Approches globales aménagement – sécurité – environnement humain,
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« Villes plus sûres, quartiers sans accidents », suivis des programmes sur les entrées de ville,
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« Vivre et circuler en ville »,
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Plans de Déplacements Urbain,
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L’ergonomie urbaine, développée par le Laboratoire Mobilités – Réseaux – Territoires – Environnement de l’Université de Cergy-Pontoise1. Le concept d’ergonomie, utilisé dans l’analyse des postes de travail, est une démarche essentielle pour rendre la ville accessible à tous les publics.
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« Ville Accessible à Tous », initiée dans le prolongement de l’ergonomie urbaine par le CERTU en 2003, ce programme part du principe que la ville est le lieu où doivent se tisser des liens sociaux, où se développent différents usages ; elle doit donc permettre un usage de ses structures et activités, tourné vers la satisfaction de tous les usagers citoyens.
Le thème de l’accessibilité de la ville est au cœur des réflexions des élus qui souhaitent mieux prendre en considération le public, les usagers et les citoyens. Ce thème complexe nécessite de privilégier une approche globale plutôt que des approches sectorielles.
…malgré la complexification des usages et des modes de vie…
Toutes ces démarches donnent d’excellents résultats et aident les villes à dépasser les conflits d’usage de l’espace public et à faire cohabiter les différents publics et usagers en toute sécurité et sûreté sur la voie publique. Différentes évolutions sont constatées :
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Les modes de vie se complexifient, notamment par la multiplicité des buts pour une même chaîne de déplacements. La logique fonctionnelle des déplacements domicile – travail aux heures de pointe ne correspond plus vraiment aux modes de vie de ce nouveau siècle.
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De nouveaux comportements, de nouveaux modes de déplacement, de nouveaux services amènent de nouveaux usages de l’espace public et donc de nouveaux conflits.
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La modification des rythmes urbains2 entraîne des usages différents de l’espace public selon les moments de la journée, de la semaine, du mois ou de l’année.
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Des conflits d’usage évidents se développent et se multiplient. La presse urbaine évoque en permanence les problèmes des motards en colère, des scooters sur les trottoirs, des livreurs de pizzas kamikazes, de l’agressivité, l’incivilité des 4x4 en ville, de l’insécurité permanente subie par les cyclistes, des poubelles encombrant les trottoirs, de l’inaccessibilité de la voirie et des services aux personnes handicapées, des personnes âgées qui n’osent même plus sortir de chez elles…
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Des dysfonctionnements importants doivent être aujourd’hui résolus en profondeur et non pas par les habituels mauvais compromis qui ne servent qu’à aggraver les problèmes en les repoussant dans le temps. Parmi eux se pose particulièrement celui du stationnement, avec les enjeux du stationnement hors voirie (comme ont réussi à le mettre en œuvre d’autres villes d’Europe), le problème de blocage des emplacements de livraisons, les chargements et dépose-minute … L’encombrement de l’espace public piétonnier par divers objets immobiles, tels les échafaudages, les dépôts de matériaux, les déchets, les motos, etc., sans aucune préoccupation pour le passage des piétons, des cyclistes et des personnes à mobilité réduite s’additionne aux camions de livraisons pour arriver à un blocage complet des cheminements.
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Les incivilités, les contournements et les transgressions des règles, l’absence de « code de la rue » demeurent des problèmes importants en suspens.
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Entre l’espace public ouvert à tous et l’espace privé se pose toute la question des espaces riverains, assurant une transition de l’espace public pour tous vers un espace plus local concernant plus particulièrement les riverains et les habitants d’un quartier, d’un lotissement, d’une rue, d’un ensemble de logements…
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L’approche fonctionnelle par les usages avec repérage systématique des conflits conduit à l’échec face à un espace public fonctionnant aujourd’hui comme un véritable système complexe.
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La France est globalement en retard vis-à-vis de nombreux autres pays d’Europe qui ont mis en œuvre des politiques et des dispositifs innovants pour rendre la ville accessible à tous. Et ce retard se creuse de plus en plus avec nos voisins immédiats du Benelux, d’Allemagne, de Suisse, d’Italie et d’Espagne.
… pour assurer l’accessibilité à tous.
Le thème de l’utilisation de la voirie par tous, touche de très près la réalité concrète de la vie urbaine et la façon dont les familles vivent au jour le jour l’étalement urbain. Il génère donc un besoin permanent de dialogue avec le public, les usagers et les habitants.
La sécurité, la sûreté et la fiabilité sont les éléments fondamentaux permettant la cohabitation sur la voie publique. La sécurité doit être comprise ici au sens de l’ensemble des situations, des règles, des moyens et des services visant à protéger les publics et les usagers contre les risques d’accidents et à prévenir les conflits d’usages de l’espace public, par extension de la notion de sécurité routière.
La sûreté doit être comprise ici au sens de l’ensemble des situations, des règles, des moyens et des services visant à assurer des protections et à offrir des garanties contre les risques d’agressions, de vol et de détérioration des biens.
Au cœur des problèmes de sécurité et de sûreté se trouve la question de la vulnérabilité des individus, ce qui conduit à orienter tout particulièrement les politiques de sécurité en faveur des « publics et usagers vulnérables » (enfants, groupes d’enfants, femmes, personnes âgées, personnes à mobilité réduite, handicapés, piétons, patineurs, cyclistes, vélomotoristes, scootéristes, motards, etc.).
La sécurité est dépendante des différences de vitesses. Si la sécurité d’un mode de déplacement n’est pas assurée3, le report se fait sur d’autres modes où la sécurité est assurée. La sûreté est dépendante de l’ambiance générale, de l’absence de recoins isolés favorisant les risques d’agression, de la fiabilité. Si la sûreté d’un mode de transport n’est pas assurée, il y a report sur d’autres modes où la sûreté est mieux assurée.
La qualité des espaces doit être au cœur des préoccupations du Maître d’Ouvrage, tant au plan de la conception qu’au plan de l’exploitation spatiale et temporelle et qu’au plan de l’entretien.
Les deux orientations majeures du Maître d’Ouvrage doivent donc être axées sur :
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La prise en compte de tout le monde (tous les publics, tous les usagers souhaités et tous les usages acceptables), à la fois dans l’espace et dans le temps. Il est à noter à ce sujet que la dévolution de l’espace en fonction du temps nécessite une banalisation des espaces et la mise en place de dispositifs et matériels de partage mobiles.
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L’accessibilité à des espaces de qualité pour le public (en termes de conception, d’exploitation, d’entretien, de gestion quotidienne).
Le slogan « Plus de services et moins d’aménagements » donne l’impression que l’espace public ne serait plus en enjeu. Il faut plus d’aménagements, mais conçus de façon plus intelligente. En Espagne ou au Portugal, les places sont très simples et fonctionnent très bien. En France, les places publiques sont pensées comme la « Foire du Trône » : il y a beaucoup trop de choses.
Une des grandes questions de l’aménagement urbain, dans les années à venir, consistera à cesser de vouloir à tout prix faire des aménagements spécialisés pour chaque catégorie d’individus4 (cyclistes, personnes handicapées, personnes âgées…). Il faut banaliser l’aménagement. Mais il ne doit pas être la béquille du manque de civilité, de l’incivisme et de l’incorrection des individus ».
Assurer des « allures homogènes »
Faire cohabiter des usagers multiples utilisant différents modes de déplacement met rapidement en évidence la nécessité de parvenir à assurer des « allures homogènes »5. Par exemple, dans une rue comportant uniquement des trottoirs et une chaussée, les trottoirs doivent être utilisés à l’allure du piéton, quel que soit l’utilisateur y circulant : un patineur empruntant un trottoir doit aller à l’allure du piéton, un motard qui l’utilise pour rejoindre un garage va doucement. Réciproquement, la chaussée doit être réservée à des modes de déplacements plus rapides, mais ne devant jamais excéder les 30 km/h pour les voies de desserte de la ville ou des quartiers résidentiels, « L’homogénéité d’allure favorisant entre utilisateurs disparates une communauté d’usage6 ».
Dans certaines villes, la voie publique pourrait se réduire à deux espaces d’allure homogène, celui où l’on se déplace au pas, correspondant au rythme du trottoir, et celui où on se déplace un peu plus rapidement, correspondant au rythme de la chaussée. Empêcher les pointes de vitesses d’excéder les 30 km/h7 permet aux usagers se déplaçant à vitesse intermédiaire, tels les cyclistes, d’opter selon le cas où la situation, pour une allure de piéton ou pour une allure correspondant à celle d’une « zone 30 » (où il serait matériellement impossible d’aller vite).
La réglementation existante permet de décliner « la règle des allures homogènes » sur chaussée en agglomération selon trois catégories de voies publiques :
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Moins de 30 km/h pour la voirie ordinaire des villes desservant les quartiers.
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30 – 50 km/h pour les boulevards et avenues irriguant la ville.
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50 – 70 km/h pour les voies structurantes des agglomérations.
Concernant cette même « règle des allures homogènes », les documents de l’AIPCR (Association Mondiale de la Route) sur les Transports Non Motorisés8 avaient identifié quant à eux 5 plages de vitesses où la cohabitation de moyens de déplacement divers ne posait pas de problèmes. La différence avec les analyses précédentes est due à l’identification d’une vitesse intermédiaire ne correspondant ni à celle des trottoirs, ni à celle des chaussées, mais à la plage 6 –15 km/h, en pleine expansion dans la plupart des villes du monde, car correspondant à un besoin de déplacement des gens sur des distances de quelques kilomètres. Les plages identifiées sont :
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0 – 6 km/h, vitesses pratiquées majoritairement par les piétons et autres utilisateurs des trottoirs.
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6 – 15 km/h, vitesses pratiquées fréquemment par les cyclistes, les patineurs (patinettes, planches à roulettes, rollers), les joggers, les deux-roues à assistance électrique (vélos électriques, patinettes et planches électriques), les grands fauteuils roulants électriques (avec éventuelle remorque pour les « courses »), les tricycles ou quadricycles électriques.
Cette plage de vitesses est en forte croissance, car elle correspond à un réel besoin des gens, mais elle génère de nombreux conflits d’usage sur les voies publiques classiques disposant uniquement de chaussées et de trottoirs. Il est en effet à noter à ce sujet qu’actuellement en France, tout ce qui de déplace à plus de 6 km/h ne peut légalement pas circuler sur les trottoirs, mais que la classification se fait selon le moyen de déplacement ou de transport.
Cette plage de vitesse de déplacement entre donc directement en conflit avec la précédente sur les trottoirs en générant beaucoup « d’incivilités d’usage » et « d’accidents légers » dont les premières victimes sont les piétons les plus vulnérables (personnes âgées et à mobilité réduite), et en générant un sentiment d’insécurité. Sur chaussée, elle rentre aussi directement en conflit avec la plage de vitesses suivante en raison des trop fortes différences de vitesse et de vulnérabilité. La création de pistes cyclables dédiées aux vélos ne permet pas de résoudre le problème, car les pistes cyclables sont dédiées à un mode et non à une vitesse de déplacement, entraînant de ce fait des conflits au sein même de différentes catégories de cyclistes (par exemple, des familles se promenant à vélo à moins de 10 km/h par rapport aux groupes de cyclistes sportifs pédalant à plus de 30 km/h).
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30 – 50 km/h, vitesses pratiquées sur les grandes artères urbaines.
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50 – 70 km/h, vitesses correspondant aux voies structurantes des agglomérations, mais aussi aux pratiques urbaines usuelles des scooters et motos ainsi que des véhicules d’urgence ou d’intervention.
Quelle que soit l’approche, le problème de la vitesse achoppe bien sur ces usagers circulant à une vitesse supérieure à celle du piéton et inférieure à celle des autres modes de déplacement. Faut-il leur réserver un espace adapté sur le principe de la « piste cyclable » ouverte aux autres modes et réduisant l’amplitude de ces allures ? Faut-il réduire plus drastiquement la vitesse des plus rapides pour qu’elle rejoigne leur allure ? Faut-il « apaiser les pointes de vitesses » pour empêcher physiquement les excès ?
La réponse à ces questions dépend évidemment de la voie et les recommandations des différents organismes spécialisés sont convergentes pour proposer :
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La généralisation de vastes zones 30 sur toutes les voies de desserte avec des dispositifs de conduite apaisée obligeant physiquement9 l’ensemble des véhicules à circuler à moins de 20 km/h, sur des espaces publics relativement banalisés permettant la mixité des circulations et des usagers.
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La constitution d’espaces de circulation séparés pour les différentes vitesses (Piétons, cyclistes et véhicules semi-lents roulant à l’allure des cyclistes, véhicules circulant à plus de 30 km/h) pour les rues principales et les voies de distribution.
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La mise en place d’itinéraires « lents » se superposant à ces réseaux et empruntant les voies de desserte banalisées lorsque cela ne conduit pas à des allongements de parcours.
Apaiser les pointes de vitesse
Les pointes de vitesses pratiquées en ville par certains usagers, essentiellement les voitures et les deux roues motorisés, sont à la fois dangereuses et totalement dénuées de fondement dès lors que les vitesses moyennes de circulation en ville sont généralement inférieures à 20 km/h.
Pouvoir ramener toutes les vitesses pratiquées par les véhicules en ville, hors des grands axes, à celles pratiquées par les cyclistes n’entraînerait donc pas d’augmentation de la congestion et permettrait d’éviter une grande partie des conflits d’usage et des accidents dus aux différences de vitesse et de vulnérabilité.
Les recommandations de l’Association Mondiale de la Route pour la cohabitation des usagers et l’apaisement des vitesses peuvent se résumer ainsi :
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Partager les usages en ville en fonction de priorités préalablement définies.
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Traiter les voies résidentielles en conduite apaisée avec priorité aux piétons et aux cyclistes.
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Apporter une attention particulière aux usagers vulnérables, notamment au droit des carrefours.
Les approches les plus couramment combinées dans le monde pour « apaiser les pointes de vitesse » agissent à la fois sur l’institution de règles et la création de contraintes visant à modifier les comportements. Elles peuvent consister à :
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Faire cohabiter tous les usagers sur le même espace sans séparer les modes comme illustré par les cours urbaines d’Europe à voirie banalisée conçues pour favoriser les faibles vitesses,
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Ralentir les véhicules les plus rapides par des aménagements physiques, comme illustré dans divers pays d’Europe par les réductions de largeur de chaussées10, les trottoirs traversants, les mini ronds-points, les sinuosités, les obstacles latéraux, etc.
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Ne pas prédéfinir de règles afin de favoriser « l’efficacité civique », comme illustré par les carrefours aux États-Unis dont les voies, toutes équipées de stops, obligent chaque usager à laisser passer l’autre dans l’ordre d’arrivée, les mini-giratoires en France, qui responsabilisent l’usager tout en écoulant plus de trafic qu’un carrefour à feux, ou par les « priorités non définies » en Chine qui font s’écouler les flux au mieux des capacités spatio-temporelles
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Réserver l’accès aux seuls véhicules à motorisation ne permettant que les faibles vitesses, comme illustré par des villes touristiques dans de nombreux pays ou par l’accessibilité à des sites sensibles ou protégés.
Maîtriser les temps de déplacement (au lieu des vitesses)
La question de la vitesse est actuellement traitée selon deux orientations stratégiques majeures dans la politique de la Direction de la Sécurité et de la Circulation Routière (DSCR) :
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Le respect des règles de vitesse par une politique renforcée de contrôle.
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La maîtrise des temps de déplacement, afin de modifier les comportements des gens.
Ce qui importe le plus pour les gens qui se déplacent, et donc pour les usagers de la voie publique, c’est de maîtriser leurs temps de déplacement11. Lorsque les usagers peuvent maîtriser leurs temps de déplacement ou qu’ils disposent d’une information continue sur les temps de parcours, la conduite devient apaisée, la vitesse est réduite et la sécurité est améliorée, tant pour les voitures qui circulent que pour les usagers vulnérables que sont les piétons, les personnes âgées, les handicapés et les utilisateurs de deux roues.
C’est la maîtrise du temps de déplacement total qui s’avère efficace, et non pas la seule maîtrise du temps de transport. Le dialogue avec les usagers a montré que les gens préfèrent maîtriser leur temps et se déplacer ainsi en toute sérénité que de gagner du temps et d’aller plus vite.
L’annonce du temps de parcours sur le Boulevard Périphérique de Paris a par exemple engendré des comportements plus sereins, a réduit les vitesses pratiquées ainsi que le nombre de changements de file. A Berlin, les taxis sont informés en permanence des temps de parcours grâce à un système de GPS embarqué.
Grenoble a expérimenté sur ce même thème un système d’information multimodal (affichage en un lieu du temps mis pour atteindre un autre lieu selon le mode de déplacement, par exemple « Mairie : voiture 30 min. train 10 min.").
Pour les bus, la mention aux points d’arrêts du temps d’attente pour l’arrivée du bus est une alternative intéressante pour modifier le comportement des usagers et pour déterminer le mode de déplacement le plus approprié pour eux à un moment donné.
La maîtrise des temps peut s’obtenir de multiples façons, sans grands travaux d’aménagement de l’espace public, par la réglementation ou la tarification des accès, par une gestion capillaire des flux ou par une gestion du réseau des voies urbaines en dessous de sa capacité nominale, ce qui a en outre l’avantage de permettre de dégager de la capacité en cas d’accident et de garantir ainsi un temps de parcours constant favorisant des comportements plus sereins.
Les Plans de Déplacements d’Entreprise (PDE) et les Plans de Déplacement d’Administration (PDA) sont également d’excellents outils pour la maîtrise des temps de déplacement. Encore faudrait-il avant tout que l’État, qui a institué ces dispositifs, se montre exemplaire en instaurant lui-même ses propres PDA.
1 G. IGNAZI, « Ergonomie de la mobilité quotidienne », mars 2000
2 Jean-Paul BAILLY, Edith HEURGON, Conseil National des Transports, « Nouveaux rythmes urbains : quels transports ? », décembre 2001 – Conseil Economique et Social, « Le temps des villes : pour une concordance dans la cité », juillet 2002.
3 Par exemple la sécurité des cyclistes ou des piétons.
4 Francis CUILLER, directeur, Agence d’urbanisme de Bordeaux Métropole Aquitaine, lors du séminaire « Mobilités des seniors, accessibilité de l’espace public » au GART le 5 mai 2004
5 Il n’a pas été précisé ici « allures homogènes à vitesse réduite », car nous nous plaçons ici au-delà du seul milieu urbain.
6 Jean-Loup GOURDON, « « La rue, on partage », il dépend comment… »
7 ou 20 km/h comme dans d’autres pays d’Europe, tels l’Allemagne.
8 Notamment par Jean-Charles POUTCHY-TIXIER : « Taking into account Non-Motorised Transport in road network planning », International seminar on sustainable development in road transport, New Delhi, novembre 2001 et « Transport Non Motorisé », janvier 2002
9 Il ne s’agit pas ici d’instituer des zones 30 par l’apposition d’un simple panneau, comme le font encore trop fréquemment de nombreuses villes en France (où 45 % des zones 30 ne sont pas conformes aux spécifications), mais de généraliser le concept de « villes 30 » bien connu en Suisse, en Autriche, en Belgique ou en Allemagne. L’aménagement de villes 30, comme par exemple à Zürich en Suisse avec des mesures très peu coûteuses ou comme l’effectue en France Lorient au titre d’une politique globale, permet de réduire fortement les comportements indésirables.
10 Incluant la suppression des 2 x 2 voies en ville
11 A l’exception des déplacements de proximité effectués à pied ou en transport non motorisé, pour lesquels la distance demeure un paramètre fondamental.
Références
Ce texte est extrait d’Une Voirie pour Tous – Sécurité et cohabitation sur la voie publique au-delà des conflits d’usage – Tome 1 : Rapport du groupe de réflexion, Conseil National des Transports (CNT), 2004, publié par le CNT et La Documentation Française en juin 2005