Infrastructures de transport et territoire, quelle articulation ?

Stéphanie Leheis, novembre 2012

Lorsque l’on s’intéresse aux infrastructures de transport, qu’il s’agisse de ponts, d’autoroutes, de lignes ferroviaires ou encore d’aéroports, on évoque généralement des objets lourds et coûteux, qui ont mis souvent plusieurs dizaines d’années à se réaliser. Nous sommes face à des objets qui ont un impact fort sur le territoire, principalement en organisant les flux de voyageurs et de marchandises, et en même temps face à des objets qui peuvent transformer l’image d’un lieu et qui jouent sur nos représentations. Ainsi, l’infrastructure crée du lien. Elle connecte des lieux et des hommes. Elle peut aussi jouer un rôle symbolique fort en transformant un paysage. Elle est d’ailleurs souvent associée au territoire dans lequel elle s’inscrit, jusqu’à parfois participer à la construction de son identité (comme Venise et ses canaux, Los Angeles et ses autoroutes urbaines, Londres et son Tower bridge, etc.).

L’objet de ce dossier est de questionner l’articulation entre infrastructures de transport et territoires. Nous nous intéresserons à tous les types d’infrastructures : routes, rails, ponts, aéroports, gares, etc., qu’elles concernent des flux de voyageurs ou de marchandises.

Deux évolutions récentes nous semblent justifier l’objet de ce dossier.

La première tient à la dimension métropolitaine de plus en plus forte des infrastructures. Dans le cas du Grand Paris par exemple, les infrastructures de transport (et en premier lieu la future grande rocade de métro automatique) sont une variable clé pour penser le développement urbain et le fonctionnement métropolitain. En cela, il n’y a pas vraiment de nouveauté car les infrastructures ont toujours été au fondement du fait urbain. La plupart des villes ont été fondées sur un lieu d’échanges : à la jonction de plusieurs routes, dans un site portuaire, ou plus largement sur un lieu de rupture de charge. Mais au-delà de cette continuité historique, le lien entre infrastructure et développement urbain a pris aujourd’hui une toute autre dimension. La massification des déplacements liée à l’amélioration des moyens de transport a conduit à concevoir des infrastructures de plus en plus grandes, transportant les biens, les individus, et les informations, toujours plus loin et plus vite, en repoussant les limites techniques à chaque inauguration. En parallèle, le développement urbain a suivi ces évolutions. De sorte que la mondialisation des échanges a accéléré l’urbanisation du territoire, favorisant l’émergence de métropoles gigantesques et de véritables corridors métropolitains structurés par leurs grandes infrastructures de transport (aéroports, métro, etc.). Et dans une économie de marché comme la nôtre, fondée par dessus tout sur l’échange, les infrastructures sont vitales pour le développement économique et pour la survie d’un territoire. Chaque ville, chaque région, entend donc être raccordée à l’économie-monde, par un réseau de transport efficace et performant.

La seconde évolution, qui fait du lien entre infrastructure et territoire un sujet d’actualité, tient à la très forte contestation autour des projets d’infrastructures. Si les infrastructures de transport sont vues comme un atout, elles sont aussi critiquées et contestées. Cette critique relève le plus souvent d’un argumentaire porté par le développement durable, qui oppose la construction de nouvelles infrastructures à la préservation des ressources naturelles (réduction des émissions polluantes, lutte contre l’étalement urbain,…). Les infrastructures, par le trafic qu’elles supportent et qu’elles induisent, sont mises en accusation, objet de tous les maux. Ce qui est en jeu le plus souvent, c’est la contradiction des échelles entre une infrastructure qui fonctionne à l’échelon métropolitain, voire national ou international, et un territoire local qui ne bénéficie pas toujours des retombées positives de l’équipement. Cela tient à l’infrastructure en elle-même, de par son rôle, puisque d’emblée elle introduit une distinction entre des usagers (qui utilisent l’infrastructure) et des riverains (qui la côtoient sans pour autant l’utiliser). Cela tient aussi à ses caractéristiques, l’infrastructure se décomposant en deux éléments fondamentaux : l’axe ou la ligne qui traverse le territoire, et le point d’entrée ou le lieu d’échanges et d’interconnexion. L’infrastructure introduit donc une distinction entre des territoires qui supportent un axe de transport, comme une ligne à grande vitesse ou une autoroute qui traversent souvent en aveugle des espaces par un effet tunnel bien connu des géographes, et des territoires qui bénéficient d’une gare ou d’un échangeur et qui deviennent des lieux attractifs.

Dans ce dossier, nous souhaitons mettre en avant deux idées :

Ce dossier a été construit à partir de trois sources :

Trois bases de données documentaires ont été consultées et réunissent l’ensemble des travaux de recherche cités dans ce dossier.

Ce dossier a été réalisé avec l’aide de Patrice Aubertel (DGALN/STRUCT/PUCA), Gérard Brun (CGDD/DRI/SR4), Elisabeth Campagnac (Ecole des Ponts ParisTech), Régis Rioufol (Fondation pour le Progrès de l’Homme) et Bertrand Theys (CGDD/DRI/SDI2- PREDIT).

8 analyses

10 études de cas

2 propositions