Un dispositif d’éducation populaire : la formation de l’association Droit Au Logement
Avec pour objectif de renouveler les cadres militants des mouvements de base
2003
Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC)
Cette fiche décrit les actions de formation, inspirées de l’éducation populaire, mises en place par le DAL pour les familles de mal-logées, depuis les années 1990.
Passer le relais, former des militants… : un dispositif autonome et dynamique
A partir de 1995, le nombre de comités Droit Au Logement (DAL) en Province n’a cessé d’augmenter, marquant la montée des exclusions par le logement. Très vite, les membres des comités notent un manque de renouvellement des responsables et cherchent à faire participer les adhérents aux prises de décision. La professionnalisation des comités risque d’éloigner le DAL de sa mission première : constituer un mouvement de base dont les responsabilités reviennent aux mal-logés eux-mêmes.
Dès lors, et à la demande des comités de province, la mise en place d’une formation populaire a permis, pour un certain nombre d’adhérents, de revenir sur leurs expériences et d’engager une réflexion constructive sur les pratiques du militantisme. « Les mal-logés ont un savoir à faire partager et une connaissance empirique de leurs droits mais restent bien souvent « objets d’études » ou victimes des politiques sociales ». La formation devrait leur permettre de redevenir « sujets de leur propre existence », notamment en acquérant un mode d’être basé sur la solidarité.
Parmi les participants, certains deviennent des cadres militants du DAL capables de développer de renouveler activités et pratiques et d’assurer la prise en charge de la formation elle-même. L’idée est de faire de cette formation un dispositif autonome, relayé par les familles elles-mêmes, grâce à un système de tutorat.
Une session de formation adressée aux familles : 15 jours ancrés dans la vie quotidienne
Cette formation s’est, d’emblée, adressée aux familles : 80 adhérents assistent annuellement à la session de formation, une quarantaine d’adultes pour la plupart des femmes et le même nombre d’enfants. La prise en charge des enfants allant de soi, le projet pédagogique est pensé en fonction de la formation offerte aux parents. Il permet de sensibiliser les enfants à ce que font les parents et de rétablir une image souvent dégradée de la famille et du milieu dans lequel ils évoluent. De plus en plus, à travers la focale « éducation », la formation se consacre aux enfants et aux rapports parents-enfants. Pour faire en sorte que le système ne s’appauvrisse pas mais reste ouvert, dynamique et décloisonné, l’équipe d’animation est constituée de membres permanents du DAL et d’intervenants extérieurs.
La formation se déroule autour de 3 axes :
la pratique militante :
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valorisation de l’expression écrite et orale par l’écriture d’un journal et des ateliers de théâtre
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préparation et pratique d’une action militante (manifestation, occupation, etc.)
un outillage juridique et technique sur le droit au logement :
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interventions d’une heure sur des thématiques liées au problème du logement (histoire des luttes pour le logement, les droits à faire valoir, etc.)
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reprise de l’intervention par groupe de 5-6 personnes
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débat questions-réponses avec l’intervenant
un atelier « questions de société » :
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interventions sur des thèmes d’actualité (altermondialisation/religion et société/guerre/maltraitance institutionnelle de l’enfance)
Pour beaucoup, la formation donne « le goût d’apprendre », permet de regagner une estime de soi, « de se défendre mieux dans la vie de tous les jours » et de reprendre prise à travers un engagement plus ferme. Une seule année ne suffit pas ni ne rassasie : le plus souvent les membres de la formation reviennent 2 à 3 fois.
Immersion et réactions : 15 jours ensemble
Les participants à la formation, venant d’horizons différents, se retrouvent en collectivité pour vivre 15 jours ensemble au quotidien. Cette session permet de dépasser les clivages sociaux et idéologiques. Au-delà des tensions et des discordances qui peuvent survenir, c’est un temps pour s’ouvrir à la discussion, réajuster des points de vue, parfois même revoir des positions politiques. Ce retour sur soi questionne et amène donc un repositionnement de la part des participants qui, pour la majorité, affirment, après deux ou trois passages, avoir un engagement associatif plus marqué. Pour les familles, ces 15 jours sont aussi l’occasion de prendre des vacances.
Perspectives
Le phénomène d’entraînement est maintenant lisible et visible. S’est constitué un noyau dur, très investi dans les comités DAL de province et dans la formation.
La formation est reconnue par les membres permanents de certains comités qui émettaient des réticences. Ce type de formation renverse les rapports de pouvoir et élargit la base du mouvement, obligeant certains cadres à redéfinir leurs rôles.
Elle permet de développer un espace d’initiatives nouvelles au sein des comités, investi par les familles.
Le risque d’internalisation de la formation et donc d’appauvrissement du dispositif oblige les « concepteurs » à repenser la formation et à lier le problème du logement à des enjeux plus globaux. Dynamiser le dispositif passe par la mutualisation d’expériences et de savoir faire avec d’autres associations, comme la Confédération Paysanne, et par l’ouverture à l’étranger.
Mettre en place des formations communes « pluri-associatives » afin de constituer un réseau d’expériences alternatives demeure un projet porteur pour le DAL.
Para ir más allá
Historique
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1990 : DAL Paris
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1998 : création de la fédération
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1998 : 1ère formation conçue par l’institut Reclus dans le cadre de l’UPSI (Université populaire solidarités initiatives…)
Agrément « éducation populaire » obtenu.
Subventions Ministère de l’Education/FNDUA (fonds de développement de la vie associative).
Possibilité de faire valoir la formation comme un stage professionnel (Pôle emploi)
Depuis 2000, la formation est prise en charge par le comité du Nord Pas de Calais. Participation symbolique : 80 euros pour 15 jours par adulte. Un tiers de familles du Nord, un tiers de familles de Paris et un tiers de familles du reste de la France.