L’évaluation de la performance énergétique, entre révolution culturelle et nécessité absolue

Justine PEULLEMEULLE, 2012

Collection Passerelle

L’évaluation de la performance énergétique établit un état des lieux des consommations réelles et les compare avec les consommations d’énergies escomptées.

Son objectif est de tirer les enseignements les plus larges possibles, en acceptant les échecs et en les considérant comme des leçons permettant d’aller plus loin. Pourtant, la plupart des politiques et des mesures d’efficacité énergétique occultent l’évaluation une fois les projets réalisés et le quotidien des habitants et des entreprises bien installé. Et ce alors même que plusieurs expériences d’évaluation démontre l’importance d’assurer un suivi pour pouvoir réorienter, voire réviser certains éléments des politiques et des mesures de l’utilisation rationnelle de l’énergie. En effet, l’évaluation de la performance énergétique permet de déterminer le niveau d’efficacité des mesures mises en place et des installations réalisées afin d’estimer leur pérennité. C’est, aussi, l’occasion d’étudier la gestion financière des politiques pour assurer une meilleure allocation des ressources car le plus souvent les ressources financières dédiées sont rares pour atteindre le but fixé à moindre coût.

L’évaluation apporte une vision plus claire du processus d’efficacité énergétique allant du choix des matériaux, de la qualité environnementale et sanitaire des systèmes de construction à la sensibilisation et la maintenance des bâtiments, etc. D’une certaine façon, l’évaluation de la performance énergétique permet d’identifier les problèmes, les blocages et les manquements ; cette phase est nécessaire à l’apprentissage des mesures d’efficacité énergétique autant pour les porteurs de projets comme les élus, les urbanistes, les architectes que pour les usagers que sont les citoyens, les administrations, les entreprises, etc.

Pour autant, l’évaluation de la performance énergétique est très peu prise en compte dans la gestion de projet alors même qu’elle implique des savoirs–faire et la création de mesures de pointe, qui sont le plus souvent évolutives. Cela s’explique principalement par le fait que, souvent, les résultats de l’évaluation sont peu satisfaisants (dans un premier temps) et remettent alors en cause des métiers comme ceux des promoteurs qui ont une vision beaucoup plus sur le court terme et que cela arrange de clore le projet de construction une fois qu’il est terminé ; également du côté des élus où il y va de leur image selon si l’évaluation est négative ou non.

Généralement, la performance énergétique est sensible aux écarts et aux dépassements des normes d’efficacité énergétique. C’est le cas de la Zac de Bonne1 (éco–quartier de Grenoble) qui est la première expérience d’évaluation en France.

Plus de 1 500 appareils de mesure ont permis de suivre la consommation d’énergie des huit bâtiments de logements construits dans le cadre du projet européen Concerto. Ce suivi a porté sur les logements et les parties communes pour le chauffage, l’eau chaude et l’électricité. Des indicateurs de confort tels que la température et l’humidité ont aussi été relevés. Chaque bâtiment a été minutieusement ausculté, jour après jour, sur une durée totale et record de deux années, avec une mesure prise toutes les dix minutes, soit 52 560 mesures par an par appareil2 ! Cette étude pionnière a été pilotée par le cabinet Enertech3.

Cette évaluation a permis d’impulser des mesures incitatives tant au niveau de la formation, de la sensibilisation des habitants que de la mise en place d’une réglementation thermique plus adaptée à la réalité. Elle prouve la nécessité d’un contrôle en continu pour assurer un entretien des bâtiments et des infrastructures adaptés aux évolutions des installations. En outre, l’évaluation permet d’identifier l’état des savoirs–faire dans les différents métiers autour de l’utilisation rationnelle de l’énergie, que ce soit dans l’étanchéité des bâtiments, la maintenance des bâtiments, des transports, etc. La formation et la sensibilisation sont les maillons de la réussite des politiques d’efficacité énergétique. Il faut pour cela que les professionnels soient formés au plus haut niveau et dans les plus brefs délais. En effet, d’après Enertech, « Relever le défi du changement climatique passe par une accélération des processus de décision qui conduiront à une transformation des bâtiments, des équipements et des territoires4 ». L’implication des citoyens est un levier indispensable puisque c’est l’utilisation des usagers qui est à évaluer ; la sensibilisation aux gestes éco–responsables est importante pour la pérennité du processus de réduction des consommations et des émissions de GES. Nombre de villes et de quartiers dans le monde ont des ambitions énergétiques et écologiques : quartiers basse consommation d’énergie, ville positive (comme la ville de Vauban), zéro carbone (ville de Växjö)5. L’évaluation des performances énergétiques des bâtiments, des équipements, des infrastructures et des transports prétend répondre de manière intégrée aux défis de l’efficacité énergétique à savoir instaurer un nouveau paradigme pour consommer moins et produire mieux.

1 Lauréat du Grand Prix national Ecoquartier 2009 en France.

2 LaRevueDurable, De Bonne, quartier modèle en termes de performance énergétique, mai 2012.

3 www.enertech.fr, consulté le 13 juillet 2012.

4 Enertech, Évaluation par mesure des performances énergétiques des 8 bâtiments de la Zac de Bonne à Grenoble – grande synthèse – Avril 2012, p.3.

5 Lire l’article, Retour sur le cas exemplaire de la ville Växjö (Suède). Résultats, blocages et leviers d’action. Sylvie Lacassagne, p.109 de la revue.

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