Des formations à l’attention des élus pour la renégociation des contrats de gestion de l’eau
2006
Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC)
Cette fiche présente les dérives des délégations de services publics dans le domaine de l’eau et le combat mené par des élus et des usagers afin de parvenir à une re-municipalisation de la gestion de l’eau, en France.
En ce qui concerne la gestion de l’eau, des élus remettent en question les concessions à de grands opérateurs privés multinationaux et souhaitent revenir au mode de la régie. Nous pouvons illustrer ce mouvement par la tenue de formations en direction des élus afin de leur donner les outils d’une renégociation des contrats.
Présentation
L’association Formation et Citoyenneté organise des formations d’élus sur des sujets allant des conséquences de la décentralisation sur les collectivités locales et les services publics aux politiques culturelles en passant par la prise de parole en public. En 2003, l’association organisait en partenariat avec la Commission « territoire et mondialisation » d’Attac et Eau Secours 31, à Toulouse, une session de formation à l’attention des élus locaux sur la re-municipalisation de la distribution et de l’assainissement de l’eau.
Une formation sur le retour en régie
A l’origine de cette initiative un constat des organisateurs : depuis plusieurs années, les collectivités locales mènent une politique de concession des services de l’eau et de l’assainissement, au profit de grands groupes. Ce « modèle français » fait même figure d’exemple sur le plan mondial pour permettre la libéralisation de ce secteur. Le bilan est édifiant : les élus ont été de fait dépossédés de tout pouvoir, leur capacité de contrôle a été réduite.
Selon les organisateurs de la session, cette politique peut être coûteuse pour les usagers, la facturation étant en moyenne supérieure de plus de 20 % lorsque le service est fourni par le secteur privé. D’autre part, les concessions ont été génératrices de politique d’incitation à la surconsommation, les profits accumulés ont permis à ces groupes de se transformer en multinationales, en achetant des services de l’eau dans le monde entier. Leurs aventures boursières se terminant en fiasco, ces groupes sont aujourd’hui ballottés au gré des spéculations financières, loin de tout contrôle public et citoyen.
L’objectif de la formation dispensée a résidé en la fourniture d’outils et de grilles de lecture aux élus afin qu’ils puissent juger, en connaissance de cause, de la pertinence ou non d’un retour en régie publique de la distribution et de l’assainissement de l’eau. La session a donc répondu aux questions : quels sont les enjeux financiers d’un retour en régie publique ? Quelles en sont les difficultés ? Comment procéder concrètement ?
Les différents modes de gestion (les trois formes de régies : directe, dotée de l’autonomie financière, ou encore dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière et les formes de délégation : la gérance, l’affermage, la concession) et le rôle des élus ont été rappelés.
La session s’est déroulée autour de divers témoignages :
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Celui d’un élu rappelant un retour en régie et permettant de détailler les réalités juridiques et financières. Après avoir accepté l’affermage de la distribution de l’eau puis celui de l’assainissement. En montant un solide dossier juridique, on peut parvenir à revenir sur le contrat qui liait sa collectivité au privé.
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Celui d’une association d’usagers définissant la marche à suivre pour un retour en régie qu’il s’agisse d’une rupture de contrat ou d’un contrat qui arrive à échéance.
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Celui d’un directeur général des services de la communauté d’agglomérations présentant les différentes structures susceptibles de gérer l’eau, évoquant les différentes possibilités de l’intercommunalité (selon qu’il s’agisse d’une communauté de communes, d’une communauté d’agglomérations ou d’une communauté urbaine) et de syndicats mixtes.
Répercussions
27 élus, conseillers municipaux, maires-adjoints, conseiller communautaire, conseillers généraux et régionaux, toute tendance confondue (Motivés, PS, Verts, divers gauche, PC et LCR) ont participé à cette formation.
A la suite de cette formation, quelles ont été les retombées concrètes en matière de gestion de l’eau ?
Une association d’usagers et des usagers en leur nom propre ont obligé le maire de Toulouse à régulariser les tarifs de l’eau. La même démarche a été menée à l’égard du président de l’agglomération toulousaine compétent pour l’assainissement. Ces autorités n’ont pas répondu. Passé un délai de deux mois, le silence équivalent à un refus, il a été attaqué devant le Tribunal administratif (septembre 2003). Compte-tenu des délais de procédure, ce recours ne sera pas jugé avant la fin 2005. Entre temps, la Chambre régionale des Comptes s’est saisie de la question. Dans un rapport rendu public en février 2004, elle pointe les mêmes anomalies que les usagers, ce qui les renforce devant le Tribunal. Des illégalités identiques ont déjà été révélées et sanctionnées par d’autres tribunaux. Les usagers ont pu déposer une plainte pénale pour escroquerie et prise illégale d’intérêts. Une importante action de communication, avec l’aide des médias, a été menée pour informer les citoyens.
Enjeux et perspectives
Cette formation résulte de la recherche de convergences vers une alternative politique. L’exigence d’une pratique démocratique, efficace et responsable dans des cadres institutionnels nécessite une profonde rénovation mais peut remettre en cause les évolutions présupposées tendant à redéfinir les services publics.
Cet exercice de collaboration entre structures associatives, collectivités territoriales, ingénieurs montre qu’il est possible de réfléchir autrement nos services publics au niveau local. Ce genre d’initiatives a le mérite de nous obliger à une réflexion critique sur nos pratiques et remet en perspective à la fois le rôle des politiques et celui des usagers.