VOLUBILIS ou le « paysage augmenté »
Les réseaux et internet transforment– ils notre conception du paysage ?
Sébastien Giorgis, 2013
Le Forum de Volubilis, créé en 1998, réunit des paysagistes, architectes ou urbanistes, des chercheurs, des enseignants, des agents de collectivités et des services de l’État, des artistes, des entrepreneurs, des responsables associatifs, etc. Les informations y traitent de nouvelles pratiques professionnelles, de projets remarquables, d’innovations techniques, de colloques, séminaires, publications nouvelles. On peut y poser des questions pour profiter de l’expertise du réseau ou lancer un débat sur un sujet d’actualité concernant, autour de la question du paysage, des problématiques d’urbanisme, d’aménagement du territoire, d’environnement ou de pratique artistique.
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Les « gens du paysage » sont sensibles au temps long. Ils savent le rythme des saisons, ils connaissent la dormance d’une graine ou les millénaires qu’il faut à l’eau pour sculpter un paysage. Suivant les époques ou les cultures, ils prennent le temps de se poser devant un paysage pour le représenter ou pour en nourrir un poème.La solitude leur est précieuse. Le silence est souvent leur musique préférée. Ils pourraient rêver l’existence d’un slow paysage comme les piémontais ont su inventer le slow food, ou comme les toscans inventèrent les slow city. Et pourtant! En entrant dans « l’ère de la connexion permanente1» où s’ouvre ce nouvel espace social qu’est devenu internet, quel plaisir de surfer pour connaître les dernières publications de « l’observatori del paisatge2 » de Catalogne, pour être informé des actions de « Paysages de France3 » contre ce qu’ils ont nommé la « pollution paysagère » par la publicité, pour découvrir le travail de Maltae4 sur les paysages de la côte varoise ou participer aux randonnées, réelles ou virtuelles, du philosophe Baptiste Lanaspèze sur le GR 20135 dans le cadre de Marseille, capitale européenne de la culture.
Les sites web, les newsletters numériques, les listes de diffusion ou autres réseaux sociaux, en offrant une information riche, abondante, rapide, génèrent une forme d’excitation des sens, un énervement créé par ces plaisirs du (des) paysage(s) offerts à profusion à notre âme d’enfant insatiable. Volubilis est de ces excitateurs de l’âmepaysagère qu’elle met en tension entre l’aspiration au calme, à la contemplation, au plaisir du temps qui s’égrène lentement, à la plénitude du ressenti d’un « ici et maintenant » du paysage et cette volonté de créer des liens, de se poser en lieu de rencontre, virtuel autant que réel, entre les hommes et les paysages d’Europe et de Méditerranée.
Parmi ses actions, les Rencontres, les Entretiens restent inscrits dans la manière classique de l’échange et du partage. Les Ateliers prennent le temps d’un travail collectif sur un territoire. Mais qu’en est–il du Forum internet, lieu de débat virtuel où plus de cinq cent curieux des choses du paysage informent et s’informent, interpellent ou nous invitent à participer à un séminaire ou à découvrir une publication nouvelle.
De cent à plus de deux cent messages par mois (trois à sept par jour !) investissent ainsi les boîtes aux lettres dans une diversité d’importance et d’intérêt qui peut agacer parfois mais qui, sondage fait, semble satisfaire nombre de ces victimes volontaires (on peut se désinscrire d’un clic). Cependant, une question nous taraude : la facilité d’accès à l’information, sa profusion, la rapidité avec laquelle elle nous parvient, l’accélération de la rotation des idées que ces conditions provoquent changent–elles notre perception du paysage réel, nous rendent–elles plus compétents, plus sensibles, plus cultivés lorsque nous sommes amenés à transformer un paysage, à en produire un nouveau ? La réponse à une question de ce type offrirait encore un beau sujet d’échange sur le forum de Volubilis et ajouterait encore à l’excitation messagère. Pourtant, la question du paysage, toujours, a su être de son temps. Elle a toujours su mobiliser les idées et les techniques les plus novatrices dans l’art et la science. S’intéresser aux choses du paysage et travailler à sa construction perpétuelle, c’est certainement aussi, aujourd’hui, savoir vivre ce temps accéléré et ces rencontres virtuelles qui nourrissent notre imaginaire avant de prendre racine dans le réel.
1 J.F. Fogel et B. Patino, La condition numérique, Ed. Grasset, 2013.
4 Mémoire à Lire, Territoire à l’écoute: www.maltae.org/Memoire–a–lire–territoire–a–l.html
Referencias
Le remarquable travail de « Paysage et Urbanisme rural » de Mairie Conseils
Les ateliers participatifs de « La manufacture du paysage »
L’investissement en faveur des paysages de bocage de la Compagnie du paysage
Le travail de diffusion de l’association française arbres et haies champêtres