Intégration des enjeux environnementaux dans l’organisation des villes : Entre tension et nouveau modèle de développement pour les agglomérations ?
Synthèse des échanges de la 8° Plateforme Internationale sur les Agglomérations urbaines de la session 2010 à Lausanne
2010
La huitième plateforme s’est interrogée sur les modalités de réponse des agglomérations urbaines à des questions qui sont progressivement apparues sur les scènes de débat public, et qui concernent le climat, l’énergie, l’épuisement de ressources non renouvelables, et plus largement la question du développement durable (DD).
Plusieurs axes d’interrogations ont émergé.
Les enjeux environnementaux tiennent une place croissante dans les réflexions stratégiques de la planification spatiale et les projets de développement engagés par les agglomérations. Dans le cas de la France par exemple, divers instruments se sont développés comme l’Agenda 21, le plan climat, le plan énergie dans les SCOT, et maintenant la loi Grenelle 2. Comment sont posées et traitées ces questions environnementales dans la planification urbaine ?
La problématique du développement durable pour les agglomérations peut-elle remettre en cause les stratégies de développement urbain antérieures ? Sans se limiter aux questions environnementales, les objectifs de développement durable visent à articuler dans les projets des villes des objectifs d’efficacité économique, de justice sociale et de protection de l’environnement.
Il est donc apparu opportun de retenir cette thématique du DD qui interpelle fortement aujourd’hui les agglomérations urbaines, surtout dans le contexte actuel de crise économique et financière qui oblige à une révision drastique du fonctionnement des collectivités locales.
La plateforme de Lausanne a regroupé des participants issus de France, de Suisse et de Belgique ; malheureusement aucun représentant du Québec n’a pu se joindre à cette session. La formule de travail a consisté en trois ateliers d’une demi-journée en plénière, alternant présentations de cas et débats Elle fut agrémentée d’une visite de terrain dans l’agglomération lausannoise sur des projets en cours et d’une rencontre avec des responsables locaux. L’accent à été mis sur des agglomérations de taille moyenne ou intermédiaire. Les présentations des 4 cas sont accessibles sur le site internet de la CEAT.
Atelier 1 : Agenda de l’environnement dans la planification urbaine
Quatre cas d’agglomérations (Besançon, Namur, Lausanne et Mulhouse) ont été présentés afin de montrer comment les questions environnementales sont apparues et se sont développées pour devenir un thème majeur des débats concernant la planification spatiale du développement urbain. Ces cas ont servi de matériau pour alimenter les discussions des divers ateliers.
La prise en compte des questions environnementales s’est faite progressivement dans les différentes agglomérations à partir des différentes priorités de planification urbaine : l’attractivité résidentielle et l’habitat à Mulhouse, la réduction de la consommation d’énergie dans le Grand Besançon, l’organisation des transports à Namur et l’aménagement de l’Ouest lausannois (suite à un moratoire sur les grands générateurs de trafic, responsables de la pollution de l’air, que sont les centres commerciaux périphériques).
Dans tous les cas, on retrouve des propos convergents en réponse à l’intégration des enjeux environnementaux : les mobilités douces, la densité, la mixité fonctionnelle. Le point de départ de la réflexion est une interrogation sur la contribution locale à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en agissant sur les transports (en commun), les bâtiments (à basse consommation, voire à énergie positive).
Mais d’autres thématiques ont été moins évoquées : celle de l’articulation entre espace urbain et espace rural ou agricole et celle de la biodiversité. Or il est important de resituer l’intégration, dans la planification urbaine, des enjeux environnementaux dans une perspective longue. En effet, en Suisse la protection du paysage et de l’espace naturel est ancienne (loi fédérale du 1er juillet 1966) et la réflexion sur le paysage a été un élément fondateur du schéma de développement de l’ouest lausannois. Les analyses sur la biodiversité nécessitent la mobilisation de nouvelles compétences pour les planificateurs du développement urbain.
Atelier 2 : Intégration du développement durable dans l’urbanisme
Cet atelier a discuté des modalités d’application sur le terrain des nouvelles normes environnementales et de la gouvernance locale du DD. En effet le DD est une notion floue qui recouvre des tensions entre des objectifs différents et une complexité des échelles spatiales et temporelles. L’intégration du DD dans l’urbanisme passe par l’élaboration de normes. Ces normes sont-elles présentées comme une accumulation d’indicateurs imposés par des autorités européennes ou nationales ou sont-elles plutôt des référentiels (comme le référentiel européen de la ville durable) sous forme d’outils de questionnement plutôt que d’indicateurs chiffrés ? Les indicateurs ne sont que des révélateurs de modèles urbains ; ces modèles sont-ils remis en cause par le DD (quelle conception du périurbain) et adaptés selon les contextes territoriaux ?
Le retour de politiques normatives nationales ou européennes, dû aux objectifs de DD pose divers problèmes aux agglomérations. Qui sera le régulateur de l’application des normes au niveau local ? Et surtout comment permettre un débat démocratique local sur ces questions complexes en évitant les dérives scientistes et en favorisant une diffusion progressive de ces normes ?
Atelier 3 : Quelles relations entre l’échelle spatiale des agglomérations et les échelles spatiales nationale, européenne et mondiale ?
Les normes environnementales se déclinent à toutes les échelles spatiales, des chartes mondiales aux normes d’Etat et aux chartes des maires pour l’environnement. L’évolution concernant la prise en compte des questions environnementales est accélérée par des évènements dramatiques, naturels ou industriels, tant au niveau international que national. Ces normes, souvent diffusées sous l’impulsion de l’Union européenne, ne font guère l’objet de débat scientifique (de fortes lacunes dans les connaissances scientifiques et un déficit méthodologique) et démocratique.
Les enjeux de DD contribuent à la structuration des agglomérations en confortant la légitimité des actions au niveau intercommunal : grandes régions (entre le canton et les communes pour la loi suisse sur le développement territorial actuellement en révision), communautés d’agglomération (Plan climat et SCOT du Grand Besançon, Schéma directeur d’aménagement durable du sud-est de l’agglomération de Namur…).
Mais quelle est la place des urbanistes et aménageurs face à ce catalogue de normes qui cadrent les exercices de planification spatiale ? Ils ont en fait à identifier les tensions entre les échelles spatiales (bâtiment, quartier, agglomération), les milieux (ville, nature) et les échelles temporelles.
Les planificateurs, qui travaillent sur le long terme et dans une optique de durabilité, se doivent d’introduire ces nouvelles normes environnementales dans leurs outils, contribuant ainsi à leur donner du sens et une chance de produire les effets souhaités. Ce défi à relever permettra de resituer, dans une approche plus globale de planification et de structuration du territoire, des normes techniques et environnementales d’origine sectorielles (énergie, bâtiment, transport, écologie, biodiversité,…).
Une fois de plus, ce huitième exercice de la plateforme des agglomérations a montré que les préoccupations, les problèmes, les interrogations sur le DD des agglomérations sont très comparables entre les pays participants et cela malgré des contextes institutionnels différents. L’échange d’expériences a illustré la richesse des réponses possibles et la variété des voies empruntées pour s’inscrire dans cette logique du développement durable.
Suite – La 9e plateforme
A la fin de la rencontre de Lausanne, les participants belges ont proposé d’organiser la prochaine plateforme à Mons en Belgique. La thématique retenue serait la contribution de la culture à la dynamique des agglomérations, sous la responsabilité d’Helen Barthe-Batsalle, Yves Hanin et Alain Malherbe.