Tiers-financement et Société d’économie mixte : agir pour la rénovation énergétique du parc immobilier privé
2014
Fonds mondial pour le développement des villes (FMDV)
Lancée par la Région Ile-de-France et mobilisant de nombreux partenaires, la Société d’Economie Mixte Energies (SEM) Energies Posit’if vise à initier une véritable dynamique en faveur de la rénovation énergétique.
La nécessaire transition énergétique en Europe est ralentie par de nombreux freins économiques, financiers, culturels et politiques. Enjeu crucial pour l’avenir soutenable des territoires, la rénovation énergétique du parc immobilier privé constitue également un marché à fort potentiel qu’a choisi d’investir la Région Île-de-France pour favoriser le déclic durable des co-propriétaires.
Région la plus énergivore du pays, l’Île-de-France est dépendante à 70 % de ressources fossiles produites en dehors de son territoire 1. Ce profil a de fortes conséquences pour le territoire en termes économiques (coûts d’importation des énergies, gisement d’emplois inexploité), environnementaux (émissions de GES) et sociétaux (précarité énergétique des ménages en hausse). La Région Île-de-France s’est donc fixé d’ambitieux objectifs où la rénovation énergétique des bâtiments et le soutien aux énergies renouvelables jouent un rôle central. La SEM POSIT’IF, créée ad hoc, est chargée d’amorcer un marché des tiers-financeurs en Île-de-France.
À télécharger : innover_localement_pour_financer_les_territoires6.pdf (1,5 Mio)
Les objectifs de réduction de la consommation d’énergie semblent difficiles à atteindre du fait du nombre important de freins à la rénovation énergétique, à commencer par des défaillances de marché, étroitement liées à un manque de vision à long terme des systèmes politiques, économiques et financiers. Ainsi, l’efficacité énergétique nécessite souvent des investissements initiaux importants avec un retour sur investissement long et un profil de risque élevé, alors que la plupart des acteurs du marché financier proposent des contrats d’amélioration limitée des performances énergétiques mais avec un payback court. Plus généralement, on observe encore un manque de mobilisation des acteurs financiers dans ce domaine. L’autre obstacle majeur est culturel, la transition énergétique étant souvent perçue comme une contrainte et non comme un investissement porteur. C’est dans ce cadre, afin de favoriser la mise en œuvre de projets plus ambitieux et la coopération entre les acteurs de l’efficacité énergétique que la SEM Energies POSIT’IF a été créée.
Réduire la facture énergétique par un protagonisme public local « séminal »
La SEM Energies POSIT’IF (Promouvoir, Organiser, Soutenir et Inventer la transition énergétique en Île-de-France) dispose d’un capital de 5,3 millions d’euros apporté par la Région Île-de-France et ses partenaires. Elle peut investir dans des projets d’énergies renouvelables et proposer une offre financière, technique et logistique aux projets de rénovation énergétique des copropriétés privés, souvent écartées des interventions publiques. La SEM vient donc pallier une carence du marché de la rénovation des bâtiments et soutenir des projets d’énergies renouvelables en appuyant la réalisation de programmes difficiles et complexes à concrétiser dans une logique économique et financière ordinaire. Ainsi, pour inciter les copropriétés à engager une rénovation énergétique de leur bâti, la SEM offre de les décharger d’une partie de l’avance des fonds, via la mise en œuvre d’un instrument original de « tiers-financement ». Le tiers-financement est un montage financier qui permet au propriétaire d’un bâtiment ou un syndicat de copropriétaires qui ne dispose pas de la trésorerie suffisante pour investir, de faire financer une rénovation par un tiers. Ce dernier est rémunéré par la suite au cours d’une période définie contractuellement sous forme de « paiements échelonnés ». Dans la rénovation énergétique immobilière, le principe du tiers investissement repose sur les économies d’énergie obtenues suite aux travaux et dont bénéficie l’occupant du bâtiment pour constituer la principale source des paiements différés qui reviennent aux tiers financeurs (ici, la SEM). En d’autres termes, le tiers investissement décharge le client d’une partie du financement de la rénovation en mobilisant et sécurisant une ressource financière future : les économies d’énergies (voir schéma). La mise en œuvre de ce mécanisme suppose toutefois un engagement contractuel de garantie de performance énergétique, afin de sécuriser le propriétaire du bâtiment (et le tiers-investisseur).
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Le rôle charnière de la SEM
La SEM agit en apportant une offre couplée de financement (tiers investissement, prêts bonifiés) et d’expertise technique qui lui permet de sélectionner les projets pertinents, d’assurer un rôle de coordinateur et de gérer les risques techniques dans la durée 2. Elle établit un contrat avec les propriétaires ou les syndicats de copropriétés et assure la coordination avec les financeurs, les experts techniques et les opérateurs de la rénovation. Elle est également en charge du suivi du chantier et avance le financement initial, lequel sera remboursé sur le long terme (15-25ans). Ce fonctionnement simple limite les démarches à effectuer par le client, qui transforme ses économies de charge en investissement. De son côté, la SEM agrège les opérations unitaires afin d’optimiser les coûts de transaction. Sur le long terme, elle vise à initier une véritable dynamique en faveur de la rénovation énergétique en démontrant la viabilité du système, aussi bien pour les copropriétaires que pour les acteurs du privé.
Un projet prometteur mais encore jeune Dans la mesure où la SEM a été créée en 2013, il est difficile d’évaluer les résultats d’une telle initiative. Cependant, le projet, primé au niveau national, demeure prometteur car il agit à différents niveaux : en corrigeant les imperfections du marché relatives à la rénovation énergétique, il améliore la performance énergétique des bâtiments, tout en générant de nombreuses externalités positives. Ainsi, pour la collectivité locale, ces rénovations ont pour objectifs de réduire la précarité énergétique des ménages, la dépendance énergétique du territoire, tout en étant vecteurs d’emplois dans la filière énergie. Pour les co-propriétaires immobiliers, la réalisation d’une rénovation énergétique ambitieuse est corrélée à une amélioration de confort et de la valeur des logements ainsi qu’à une baisse de leur facture d’énergie. La SEM permet également le renforcement de la coopération entre les acteurs de l’efficacité énergétique et peut faire office d’ « exemple » prouvant la rentabilité des projets ambitieux de rénovation énergétique et incitant ainsi d’autres acteurs à prendre le relai. Cependant, le manque d’engagement des acteurs financiers, des copropriétés et des pouvoirs publics demeure un frein majeur pour pérenniser la structure : mobiliser les investisseurs sur de tels projets est ainsi crucial dans le succès et la pérennité de la SEM. Le financement de la structure sur le long terme reste donc un enjeu central, compte tenu du décalage entre la réalisation des travaux et le retour sur investissement. Le défi demeure alors de structurer des ressources financières dans ce secteur pour les rendre pérennes et attractives. D’autre part, l’offre de la SEM Energies POSIT’If est particulièrement accordée au parc résidentiel francilien, composé à 50 % de logements privés collectifs mais pas nécessairement à d’autres contextes immobiliers. Poursuivre la réflexion sur des outils adaptés selon les situations reste nécessaire. Le portage politique, aussi bien en termes de mobilisation, de communication que de financement, a été crucial dans la mise en œuvre de la SEM. Les pouvoirs publics ont aussi la responsabilité d’instaurer un cadre légal facilitant pour la réalisation de telles initiatives : le tiers investissement en France a ainsi longtemps été freiné par le manque de dispositions légales en sa faveur et la loi ALUR 3, inscrivant le tiers investissement dans la loi française en février 2014, a grandement facilité la mise en œuvre des opérations de rénovation énergétique. Enfin, le format même de la SEM, permettant un actionnariat public/privé semble particulièrement adéquat, en ce qu’il permet de sécuriser les copropriétés contractantes, de faciliter la gouvernance et de mobiliser des sommes importantes.
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1 DRIEE (2013)
2 La SEM, en tant que maître d’ouvrage, garantie la fiabilité et s’engage sur un niveau d’économie d’énergie minimal (de l’ordre de 40% a minima).
3 La loi ALUR (Loi pour l’Accès au Logement et à un Urbanisme Rénové), votée en février 2014, a pour objectif de réduire le coût du logement pour les locataires et de réformer la gestion des copropriétés.