Diversité et créativité populaire dans les Andes : l’exemple des quartiers populaires d’El Alto.
El Alto (Bolivie)
Varinia TABOADA, 2014
Centre Sud - Situations Urbaines de Développement
Cette fiche présente l’auto-construction de quartiers en Bolivie.
La Bolivie connaît des productions vernaculaires très variées, comme sa propre géographie. Le vaste territoire de l’Altiplano comprend La Paz, ville capitale la plus haute du monde, mais aussi la ville populaire d’El Alto. Cette dernière est un dédoublement de La Paz. Aujourd’hui différents quartiers populaires apparaissent dans cette ville informelle à la manière d’une extension faubourienne. Cependant, l’occupation de l’espace permet de dire qu’il s’agit d’une croissance planifiée ordonnée selon un plan orthogonal qui la distingue de certaines autres villes informelles.
Au milieu du XXe siècle, les premières constructions en adobe (terre cuite) apparaissent (Villa Dolores, Villa 16 de julio). Aujourd’hui ces quartiers sont consolidés. Le peuplement résulte d’abord d’une migration urbaine des habitants des quartiers marginaux de La Paz, ensuite d’une forte migration rurale. El Alto fonctionnant au début comme un lieu d’accueil soulageant non seulement la capitale de sa trop forte pression démographique mais aussi la campagne de son désespoir et de sa lutte pour la survie. Construire à El Alto est synonyme de construire avec la tradition et en dialogue permanent avec le contexte culturel, socio-économique et politique. L’entraide en Bolivie est un héritage du passé et aujourd’hui elle subsiste encore dans différentes filières, celle de l’auto-construction notamment
Le processus d’établissement dans la ville
La plupart des gens qui arrivent à El Alto sont des paysans des alentours du lac Titicaca. Ils arrivent en ville avec le rêve d’améliorer leur cadre de vie (emploi, éducation, santé). Cinq étapes importantes sont à considérer.
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L’installation en ville : l’habitant cherche à être logé par un parent ou un ami, le temps de la recherche d’un terrain. Les liens entre les habitants se font à partir des structures sociales d’origine rurale aymara.
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Acquérir un terrain : en général, l’achat de ce terrain se fera en groupe. Cette étape est celle de la prise de contact avec le loteador (parcellisateur) et de l’accumulation d’une épargne. Le capital dont ils disposent est le résultat de la vente de leurs terrains agricoles et de leur bétail. L’achat du terrain a toujours une vision familiale, car ils préfèrent acheter une grande parcelle (en moyenne 300/400 m2). Les acteurs « informels », lotisseurs ou loteadores interviennent dans le passage entre la ville et la campagne. C’est l’étape de l’appropriation du territoire. Ensuite ce sont les géomètres ou acteurs professionnels qui réalisent la division parcellaire.
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Construire sa maison : cette étape commence par la clôture de la parcelle, avec la construction d’un mur en adobe. Une sorte d’enceinte qui permet de protéger les limites de sa parcelle. Ensuite un noyau initial, de 3 m X 6 m environ, sera construit en suivant les principes de la tradition locale. Les différentes phases de construction sont soumises à des rituels. La recréation des comportements de l’habitant rural dans la ville influence ses attitudes et ses modes de vie. Ainsi, la maison sera auto-construite avec la participation active de la famille. Cette solidarité familiale s’explique par la permanence des traditions incas comme l’ayni (l’entraide) et le pasanaku (système d’épargne collectif).
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L’occupation immédiate : cette phase est celle du propriétaire « occupant » qui décide de s’installer dans la maison en chantier, sans les installations de base. Afin d’améliorer ses revenus, l’habitant installe un petit commerce dans le noyau initial de sa maison.
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L’extension de la maison : elle est étroitement liée aux différents besoins familiaux et à la contrainte financière. L’agrandissement de la famille entraîne la construction d’un autre noyau d’habitation dans la même parcelle. Ensuite la famille décide de faire une autre pièce à côté du noyau. C’est la phase de la différenciation fonctionnelle, par exemple la cuisine fait son apparition. D’autres exemples aussi courants sont la sous-division du terrain et l’agrandissement de la maison avec l’intention de la louer. La réussite sociale se montre via la modification des matériaux de construction et le ravalement, avec des couleurs vives.
Ces quartiers populaires d’El Alto font preuve de créativité à partir de modes de production basés sur l’auto-construction. Ils sont liés à des dispositifs de passage de la structure agraire à la structure urbaine. Aujourd’hui, les logiques d’appropriation de l’espace et la multiplication du modèle constructif adobe-brique-tôle sont à l’origine d’un problème de reconnaissance de statut social, car construire en terre adobe est synonyme d’image sociale de pauvreté. Et ces dernières années, depuis 1995, apparaissent d’autres modèles « occidentaux » qui se situent en complète rupture avec ces modèles vernaculaires. Une nouvelle architecture de création populaire émerge, c’est la voix poétique actuelle de la création populaire bolivienne.
Sources
Varinia TABOADA (Architecte, responsable de l’atelier El Alto et Enseignante ENSAPLV) Contribution pour l’exposition « Diversité et créativité populaire dans les Andes. L’exemple des quartiers populaires d’El Alto en Bolivie. Continuité, permanence et devenir. »