Le marché de la location informelle dans les favelas

Rio de Janeiro, BRÉSIL

Rafael Soares Gonçalves, 2014

Centre Sud - Situations Urbaines de Développement

Cette fiche présente la problématique du marché du logement informel dans les favelas brésiliennes : oscillant entre régularisation et invisibilisation, les favelas sont le signe d’une situation temporaire qui a déjà trop duré.

Le marché immobilier informel est une réalité très ancienne dans les favelas de Rio de Janeiro : depuis la fin du XIXe siècle, plusieurs favelas se sont constituées à l’initiative des propriétaires de terrains eux-mêmes, notamment ceux qui exploraient des taudis contigus aux collines.

Afin d’échapper au contrôle hygiéniste, ces propriétaires poursuivirent leurs activités sur les pans des collines en louant le sol ou de petites maisons. Cette activité a pris une telle ampleur que le Code de Construction de 1937 a interdit toute exploitation commerciale par la location des baraques ou du sol. Ce texte ne fut pourtant jamais pleinement appliqué, mais il a renforcé l’idée que les favelas étaient une réalité précaire et provisoire. Dans le contexte de la loi sur le blocage des loyers qui a perduré de 1942 à 1964, il était avantageux pour les locataires de pouvoir signer un bail officiel protégé par la loi, ce qui a suscité plusieurs conflits sur la légalité de la perception des loyers dans les favelas. Si, d’une part, certains juges acceptaient de juger les demandes ayant pour objet des baraques dans les favelas, les municipalités cherchaient, de leur côté, à condamner cette activité afin de rendre impossible une reconnaissance de fait des favelas.

L’ouverture politique à la fin des années 1970 a mis fin aux relogements massifs des favelas des années 1960-70 et a installé les premiers programmes de réhabilitation. Les principes juridiques évoqués par la Constitution de 1988 visent à combattre la concentration foncière suite aux projets de régularisation foncière, ne reconnaissant des droits fonciers qu’aux occupants des immeubles non-propriétaires d’autres immeubles. Cette restriction cherche à atténuer le processus de gentrification du quartier suite à la titrisation, en cherchant à concilier les fonctions sociales et la valeur commerciale du titre foncier. Les derniers projets de régularisation foncière à Rio de Janeiro ont néanmoins tacitement accepté la réalité du loyer dans les favelas : n’est délivré gratuitement que le premier titre ; ceux qui possèdent plusieurs immeubles doivent assumer les coûts d’enregistrement à partir du deuxième titre. Les locataires n’ont cependant aucune voix dans le processus de régularisation et souvent ne sont même pas recensés par le projet.

L’économiste Pedro Abramo souligne que ce marché à Rio de Janeiro se focalise sur les couches plus pauvres et sur les nouveaux arrivés dans les favelas. Le pourcentage des locataires est passé de 14,8 % en 2002 à 27,27 % en 2008. Le marché locatif informel peut néanmoins devenir un problème, car il est en train de précariser davantage le précaire en érigeant des logements dont les conditions d’habitabilité sont fort douteuses. Sans criminaliser ces activités immobilières et tout en considérant les particularités du marché locatif informel, la réglementation de ce marché s’avère fondamentale pour assurer aussi bien l’usage social du sol dans les favelas et l’amélioration de la qualité du logement dans ces espaces.

Sources

Raphaël SOARES GONÇALVES (Juriste et historien. Maître de conférence à l’Université catholique de Rio de Janeiro, PUC-Rio. Chercheur associé aux laboratoires le Metro et Lavue). Source : Les Favelas de Rio de Janeiro. Histoire et droit. XIX-XXe siècles, Paris, l’Harmattan, 2010.