La Métropole n’est pas un club fermé
Jean-Michel Roux, 2013
Cette fiche présente les grands enjeux des métropoles-capitales et dresse, notamment, une comparaison entre Londres, Paris et New-York, pour lesquelles les politiques de développement métropolitain sont très diverses.
Le phénomène métropolitain est amplement décrit, par écrit, par images et à l’oral. Mais il s’en faut que les métropoles qui en résultent soit acceptée comme des espaces cohérents : les mêmes qui vantent leur puissance et leur modernité gémissent sur leur instabilité et leur expansion territoriale désordonnée (l’étalement urbain). La confusion s’accroit de ce que le même terme désigne, par exemple, Amiens et Shanghai, donc des choses diverses. Il s’ensuit que partout les institutions politiques et les services collectifs peinent à suivre, et que la diversité des intentions ou des projets défie tout catalogue raisonné. Le sujet doit être traité franchement.
Si on envisage des situations comparables, en dimensions, influence et antériorité, d’où vient que l’élection du maire, à New-York ou Londres, soit un moment important de l’actualité internationale et, qu’à Paris, il s’agisse d’un événement mondain, très en-dessous de la Semaine de la Mode ? C’est qu’à Londres et New-York, les candidats s’expriment sur le logement, l’éducation, la sécurité, etc. Tandis qu’à Paris on dispute des tours (pour ou contre), des vélibs et du bruit des terrasses la nuit. La frivolité parisienne est bien connue, tout de même il faut des explications.
La principale est contenue dans un tableau, qui relie les superficies et les populations des villes concernées.
Autrement dit, le maire de Paris doit traiter d’un territoire quinze fois plus étroit que celui de ses homologues, et d’une population quatre fois moindre. Comme Paris est le centre historique de l’agglomération, fixé il y a un siècle et demi, son périmètre est presque entièrement occupé et les jeux sont faits. La ville est muséifiée jusque dans ses aspects conflictuels, puisque même la protection d’une réserve de pauvres (de bonne éducation, toutefois) fait partie des projets (le charme des quartiers populaires). En vérité, les problèmes sont de l’autre côté du périphérique, en terre inconnue. Le maire assure ainsi l’exquise fonction d’incarner la capitale mondiale des arts, des lettres et des sciences (du moins ce qu’il en reste), sans devoir assumer aucune des responsabilités qui vont avec.
Le projet de Métropole du Grand Paris crée une confédération de 124 communes (au moins), regroupées en « territoires », avec des assemblées et donc des leaders désignés au suffrage très indirect. La mise en place va poser d’innombrables questions protocolaires, d’autant que les rares intercommunalités en état de fonctionner seront disloquées. On n’a donc pas mis à plat le rôle et le découpage des communes, départements, et régions, « vaches sacrées » des institutions nationales.
Ce qui est vrai de notre métropole capitale vaut à peu près pour les autres, et les comparaisons avec des métropoles européennes de moindre taille, mais solidement instituées (Berlin, Madrid, Rome, etc.) ne sont pas moins intéressantes. Bien sûr, on ne rattrapera jamais le phénomène dans des frontières fermes. Du moins on pourrait en discuter entre un nombre limité d’institutions légitimes. C’est donc la capacité de définir une politique métropolitaine qui est en cause, pas seulement la pertinence de cette politique, mais sa nature même.
Sources
Pour accéder à la version PDF du numéro 4 de la revue Tous Urbains