Les inondations dans le Var (France) : quelles leçons pour une gestion post-crise ?

Blandine Boeuf, 2013

Cette fiche expose la problématique de la gestion post-crise, à partir du cas des inondations de juin 2010, dans le Var. L’auteur présente les modalités de la résilience des acteurs et des communautés, expliquant qu’elle sont le résultat des capabilités indivuelles, lesquelles sont fonction des limites des acteurs politiques et gestionnaires. Cette étude de cas permet donc de comprendre de quelle manière peuvent se mettre en place des réponses à la gestion de crise locales et émanant de la société civile, notamment par le biais d’associations et de collectifs, créés spontanément pour pallier les manques institutionnels ou assurantiels.

Introduction

La gestion des catastrophes naturelles a fait l’objet d’une attention accrue sur la scène internationale, à partir des années 1990. Cette attention a abouti, en 2005, au développement du cadre d’action de Hyogo (2005-2015) défini par les Nations Unies et visant à réduire les impacts des catastrophes naturelles. Ce cadre recommande en particulier la construction de la résilience des nations et des communautés (UNISDR1, p.1). La mise en place de ce cadre nécessite, au préalable, d’appréhender quels sont les impacts potentiels des catastrophes naturelles, ainsi que les processus de résilience qui peuvent être mis en place à l’échelle de communautés.

Les impacts des catastrophes naturelles ne se limitent pas aux pertes de vies humaines et aux dommages matériels. Ils peuvent se propager sur le long terme et perturber l’existence des sinistrés sur de nombreux aspects (par exemple la santé physique et psychologique ou encore la vie sociale et familiale). La littérature existante s’est déjà penchée sur la question des dégâts humains et matériels immédiats des catastrophes naturelles. On s’intéressera ici aux conséquences sur le bien-être des individus et des communautés sur le long terme, question encore peu explorée. Le bien-être a été défini comme « l’évaluation positive que les individus font de leur existence » (Seligman, 2002). Il peut être influencé par de nombreux facteurs, notamment le capital économique et matériel (Diener & Seligman, 2004), la position et les relations sociales (Helliwell & Putnam, 2011) ou encore la santé physique et psychologique (Helliwell & Putnam, 2011).

Le concept de résilience désigne quant à lui, selon Resilience alliance (2011) :

  1. le degré de perturbation qu’un système peut absorber tout en restant dans le même état d’équilibre ou dans le même domaine d’attraction,

  2. la capacité d’auto-organisation du système

  3. la capacité du système à accroître son apprentissage et son adaptation.

La résilience peut ainsi être considérée comme une capacité à vivre avec et à s’adapter à une perturbation (Adger, 2003).

La gestion des catastrophes naturelles en France repose essentiellement sur la prévention et la gestion de crise. Elle s’intéresse peu à la phase post-crise, pourtant support de résilience et d’adaptation à la catastrophe. Mais quels sont les impacts à long-terme d’une catastrophe naturelle ? Quels sont les mécanismes de résilience développés par les individus et les communautés pour faire face et s’adapter aux perturbations du bien-être ?

Le choix a été fait d’examiner une étude de cas, plus précisément celle des inondations survenues le 15 juin 2010 dans le Var]. Cet événement a provoqué la mort de 23 personnes, la disparition de 2 personnes et des dégâts matériels estimés à 950 millions d’euros (MEEDM, 2010). Les inondations ont touché l’ensemble du bassin versant, depuis la région montagneuse en amont du bassin jusqu’à la plaine de l’Argens et l’embouchure du fleuve en aval, en passant par les villes de Draguignan et Trans-en-Provence, communes les plus durement touchées en nombre de vies humaines. On s’intéressera ici à l’évolution de la situation au cours de l’année suivante (jusqu’à l’été 2011). L’objectif est de comprendre quels impacts ces inondations ont provoqué par-delà la crise immédiate. Quels processus de résilience, d’auto-organisation et d’adaptation se sont développés ? Comment et, surtout, dans quelle mesure les populations sont-elles parvenues à se relever à la suite d’un événement d’une telle ampleur ? L’objectif est aussi de considérer les améliorations possibles en matière de gestion des catastrophes naturelles, notamment en matière de gouvernance, afin de minimiser les impacts sur le long terme des catastrophes naturelles et répondre aux demandes du cadre d’action de Hyogo 2005-2015.

Comment la situation a-t-elle évolué dans l’année qui a suivi les inondations du 15 juin 2010 ?

Au vu des conséquences humaines et matérielles provoquées par les inondations du 15 juin 2010, les impacts immédiats sur le bien-être des sinistrés et communautés touchés ont été considérables. Mais, quels ont été les impacts sur le long terme ? Comment ces impacts ont-ils évolué au cours de l’année suivante? Enfin, dans quelle mesure et de quelle manière ont-ils été effacés (ou exacerbés) par les processus de résilience mis en place ?

Impact sur le bien être des sinistrés sur le plan individuel

Intéressons-nous tout d’abord aux impacts et processus de résilience sur le plan individuel. Au cours de l’année qui a suivi les inondations du 15 juin 2010, le bien-être des sinistrés a été modifié via les facteurs d’influence du bien-être (capital économique, position et relations sociales, santé…). Les pertes matérielles se sont traduites chez les sinistrés par du stress et de la fatigue dus aux incertitudes liées au remboursement par les assurances (contestations des experts, délais de remboursement) mais aussi aux perturbations des projets futurs, à la perte d’une partie de l’identité qui s’exprimait via des objets matériels (qualifié par les sinistrés de « deuil » de leurs objets personnels et de leur maison). Toutefois, le capital économique a pu s’accroître chez certains sinistrés à la suite de dédommagements, par l’acquisition d’objets neufs ou par des bénéfices financiers. Les modifications sur le plan social ont également été complexes. Si pour certains sinistrés les inondations ont été une perturbation négative (séparations, éloignement des amis ou de la famille qui n’ont pas proposé leur aide…), elles ont au contraire amélioré les relations sociales de beaucoup d’autres. De nombreux interviewés ont évoqué de belles rencontres, le renforcement de la cohésion entre amis, familles et voisins et l’expérience d’une solidarité qu’ils n’auraient pas connue sans la survenue de l’inondation. Les conséquences sur la santé des individus ont été tout aussi ambivalentes : la santé physique (fatigue, blessures…) ou psychologique (stress, anxiété, fatigue, peur de futures inondations) de certains sinistrés a été perturbée, alors que d’autres au contraire ont témoigné d’un renforcement de leur bien-être psychologique par la découverte d’un sentiment d’utilité ou encore d’une meilleur connaissance de soi-même et de sa capacité à faire face à de nouveaux défis. Dans l’ensemble, le bien-être des sinistrés a été modifié aussi bien pendant les inondations que pendant les mois qui les ont suivies pour parvenir à un nouvel état de bien-être, différent de l’état pré-inondation ou de celui suivant immédiatement la crise.

Le bien-être des sinistrés n’a pas simplement changé qualitativement suite aux inondations. Il a varié et évolué au cours du temps, à mesure qu’ont émergé de nouvelles problématiques auxquelles les sinistrés ont dû faire face (possibilité d’expropriation ou de non remboursement par les assurances, par exemple). Mais le bien-être des sinistrés a également été modifié à mesure que les processus de résilience se sont mis en place pour faire face aux différents impacts des inondations. A titre d’exemple, on citera quelques processus de résilience mobilisés par les sinistrés. Certains ont eu recours à des médicaments ou thérapies, d’autres se sont consacrés à la reconstruction de leur maison ou de leur entreprise et ont distrait leur esprit de l’expérience de l’inondation et de ses conséquences immédiates. Beaucoup de sinistrés ont cherché à trouver des explications à la survenue de l’inondation ou ont encore essayé de se concentrer sur les conséquences positives de cet événement et d’en relativiser les conséquences (en particulier vis-à-vis de sinistrés durement touchés). Une aide extérieure a quelque fois aidé les sinistrés dans leur processus de résilience, par exemple le soutien apporté par la famille et les amis, la solidarité, les pompiers, les ONG, les aides financières, les médias, les experts d’assurés, les associations…

En conséquences, les conséquences des inondations sur le bien-être, sur le long terme, ont fortement varié selon les individus. Cette disparité résulte à la fois de la manière dont les sinistrés ont été impactés par les inondations (étendue des pertes matérielles, perte de proches…) et des différences dans les processus de résilience personnels ou provenant d’une aide extérieure.

Impact sur les organisations venues en appui aux sinistrés

Les processus de résilience individuels ont été influencés, une fois la catastrophe passée, par les attentes vis-à-vis des organismes devant venir en aide aux sinistrés. Or, les inondations n’ont pas impacté les seuls individus. Les organisations venues en appui aux sinistrés c’est-à-dire les administrations locales (sous-préfecture, conseil général,etc.), les services sociaux (centres communaux d’action sociale, organisations non gouvernementales, etc.) et les services techniques (ERDF, Veolia, etc.) ont dû, elles-aussi, faire face aux conséquences de la catastrophe et mettre en place des processus de résilience. Elles ont été confrontées à trois défis successifs :

  1. Tout d’abord, elles ont eu à gérer l’impact des inondations sur leur propre organisation, autrement dit les impacts individuels subis par leurs agents ou bien la destruction de leurs bâtiments, de leur matériel et des infrastructures, pour être de nouveau opérationnelles.

  2. Par ailleurs, elles ont dû mettre en place une organisation spécifique pour venir en aide aux sinistrés. Elles ont tout d’abord été confrontées à des questions de crise urgentes : les questions d’ordre sanitaire telles que la présence d’animaux morts ou l’endommagement des réseaux d’eau potable, d’assainissement et des stations d’épuration, la distribution d’eau, de nourriture, de vêtements ou de logements temporaires.

  3. Enfin, le rétablissement d’une situation normale et fonctionnelle : réparation des infrastructures, nettoyage, élimination des embâcles, distribution de mobilier et d’appareils électroménagers.

Cette gestion a posé des problèmes de coordination et de répartition des tâches entre les organisations, de logistique (stockage et distribution des dons) et de qualification (agents non formés ou manque d’expérience de certaines organisations à agir dans ce type de situation). Elles ont du mettre en place des cellules de crise pour accueillir les sinistrés et les aider à trouver des solutions en fonction des dommages subis, ont organisé des distributions de vêtements, d’eau et de nourriture, ont mis en place une cellule psychologique et une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale pour répondre à la question du logement.

Enfin, elles ont dû faire face à l’accumulation de dossiers, ceux liés à la gestion de leurs tâches habituelles, c’est-à-dire les activités qu’elles conduisaient avant les inondations, et ceux liés aux inondations (notamment les questions du logement, nombre d’entre eux étant devenus inhabitables mais aussi les conséquences psychologiques sur les sinistrés et les difficultés de remboursement par les assurances).

Elles ont dû prioriser les dossiers en fonction de l’urgence de la situation et de sa prise en charge (sinistrés et non-sinistrés confondus) et gérer au mieux les ressentiments entre sinistrés et non-sinistrés.

Cet événement a entraîné des réflexions sur la gestion des inondations (au titre de la prévention), sur la base d’un retour d’expérience sur les origines de l’inondation, de feedbacks sur le déroulement de la crise, préconisant une fusion des syndicats intercommunaux de gestion des rivières pour une plus grande disposition de moyens financiers et humains et aboutissant à la mise en place de :

Il est à noter qu’il s’agit de mesures de prévention et de gestion de crise.

Les actions des organisations venues en aide aux sinistrés après l’inondation ont façonné le contexte dans lequel la résilience des individus et de la communauté a pu avoir lieu, en fournissant ou non certaines aides et ressources aux sinistrés.

Processus d’auto-organisation à l’échelle de la communauté : Solidarité et lutte pour une meilleure gestion des inondations

Enfin, les impacts des inondations et les processus d’auto-organisation à l’échelle de la communauté méritent une attention particulière. Ils ne sont pas le fruit d’une simple moyenne ou d’une agrégation des impacts et processus individuels. L’auto-organisation de la communauté s’est traduite d’une part par l’émergence de la solidarité et le renforcement de sa cohésion et, d’autre part, par des sentiments d’injustice et de frustration vis-à-vis de la réponse ou de l’indifférence des assurances ou des autorités. Elle s’est matérialisée au travers notamment de la création d’associations répondant à ces différents objectifs qui ont parfois évolué avec le temps.

Rapidement, après la catastrophe, des mouvements spontanés ont vu le jour dans un esprit de solidarité pour procurer des moyens humains, matériels et un soutien psychologique aux sinistrés.

Des habitants des communes alentours et des individus venus de la France entière se sont rassemblés pour aider à nettoyer, réparer, distribuer de la nourriture, du mobilier, des vêtements ou offrir un logement. On citera pour exemple la création spontanée du collectif 115 : la maison n°115 du quartier Saint Hermantaire de Draguignan (touché le plus durement par l’inondation) est devenue un lieu de rassemblement des gens du quartier et de l’aide extérieure, ainsi qu’un point de centralisation de l’aide matérielle. Elle a conservé par la suite sa fonction de lieu de rassemblement du quartier.

D’autres associations, elles aussi spontanément créées pour venir en aide aux sinistrés, sont devenues des lieux de convergence et d’expression de crispations. Aussi, leurs objectifs et leurs activités ont changé au cours du temps. Si elles étaient tout d’abord destinées à guider les sinistrés dans les démarches administratives, les délais de remboursement des assurances ou encore à répondre à leurs besoins matériels, elles ont demandé par la suite la mise en place d’actions et d’une meilleure gestion des inondations par les autorités (amélioration ou mise en place de systèmes d’alerte, amélioration de la gestion des cours d’eau, amélioration de la communication sur les actions mises en place…).

Tel est le cas de l’association des sinistrés du 15 juin 2010 (ADS 15) qui a été créée à Trans-en-Provence, par des sinistrés, quinze jours après les inondations. Son objectif d’origine était d’aider les victimes à effectuer les démarches administratives. Très vite, elle a aussi contribué à répondre à d’autres besoins matériels. Cette association n’était cependant pas le simple résultat de la solidarité. Elle est aussi née du ressentiment et de la colère. L’origine de ces sentiments vient d’une conviction que de telles conséquences auraient pu être évitées avec une meilleure gestion de la rivière. D’après l’association, le syndicat de rivière avait prévenu dès 2005 de la nécessité de mener des travaux sur la rivière et de l’insuffisance des financements et moyens alloués. Les reproches faits par l’association sont :

Un autre exemple est l’association VIVRE installée au Val D’Argens (VIVA) qui a été créée spontanément quelques mois après les inondations. Elle était destinée à l’origine à venir en aide aux sinistrés toujours en difficultés avec leurs assurances et/ou menacés d’expropriation. Bien que n’étant pas son intention originelle, l’association est devenue un lien privilégié entre les sinistrés et les autorités locales. VIVA a également demandé à un député de diriger une enquête parlementaire sur les circonstances de l’inondation. L’objectif était double : comprendre comment un tel événement et de telles conséquences ont pu se produire et faire prendre conscience aux autorités des éventuels dysfonctionnements en gestion des inondations.

Plus tard, l’association pour la défense de la Nartuby (ASDN) est née suite à de nouvelles inondations LE 31 OCTOBRE 2010. Elle est le résultat de l’ incompréhension et du mécontentement des habitants du village de Rebouillon vis-à-vis du manque apparent d’actions prises pour nettoyer la rivière, effacer l’aspect désastreux du village et garantir la sécurité des habitants. Deux des trois associations précédemment citées pensaient même engager un avocat, preuve du renforcement de la crispation entre les autorités et les sinistrés.

Là aussi, le processus de résilience au niveau de la communauté a varié et évolué au cours du temps, à mesure qu’ont émergé de nouveaux besoins au niveau des individus. Il s’ensuit une cristallisation des communautés autour de nouvelles limites. La solidarité a rassemblé toute la société (y compris les éléments extérieurs aux communautés touchées), lui permettant de travailler unie pour un même objectif. Au contraire, la disparition progressive de la solidarité et la montée en puissance d’un sentiment d’abandon ont rassemblé les sinistrés autour d’un destin partagé et dans la lutte pour une meilleure gestion des inondations, tandis que le sentiment d’être incompris a créé une division plus profonde au sein de la société.

Les processus d’auto-organisation se développant à l’échelle de la communauté témoignent de besoins individuels de résilience vis-à-vis des impacts sur le bien-être, à savoir :

Comment expliquer cette nouvelle situation ?

Les impacts des inondations sur le long-terme au niveau des individus et de la société sont le résultat de processus de résilience accomplis ou non. Il a été constaté que les inondations avaient des impacts directs puis successifs de nature différente sur le bien-être des individus. Ces impacts sont le reflet de besoins en résilience. Si le besoin est satisfait, l’impact est amoindri ou disparaît. Dans un premier temps, les besoins des individus sont de l’ordre de la survie (besoins de base en eau, en nourriture, en logement, et en vêtements…).

Dans un deuxième temps, les sinistrés éprouvent le besoin de reconstruire leur vie et de se projeter dans l’avenir, en effaçant les marques de l’inondation. Cette phase nécessite la suppression des conséquences visibles de l’inondation dans le paysage, d’être remboursé par les assurances pour pouvoir reconstruire et de pouvoir connaître son avenir (en particulier concernant les expropriations éventuelles). L’incertitude et le sentiment d’abandon sont alors des facteurs parmi les plus perturbateurs du bien-être.

A plus long terme, les sinistrés ont besoin de s’assurer qu’un tel événement et ses conséquences ne se reproduiront pas, de pouvoir vivre dans la confiance et la quiétude. Cette étape de la résilience implique le besoin de comprendre ce qui s’est passé et d’être assuré que des mesures soient prises pour éviter de revivre un événement similaire. A l’échelle de la communauté, des impacts émergents apparaissent. Les sinistrés se rassemblent autour d’un « destin commun » (Williams & Drury, 2009), créant de nouveaux liens et renforçant la confiance entre les individus. Cependant, des divisions apparaissent au sein de la société. Ces crispations et la perte de confiance envers les autorités, d’une partie de la population, résultent de besoins en résilience non satisfaits et de processus de résilience qui ne parviennent pas à compenser les impacts créés par les inondations. En conséquence, un cadre extérieur contraignant peut être un obstacle à la résilience des individus s’il ne répond pas aux besoins exprimés par les populations (ici celui d’être rassurés quant à une possible future inondation ou de la mise en place d’actions spécifiques tels que le nettoyage des rivières, des plans d’évacuation ou encore la surveillance de la rivière), conduisant à un état d’organisation de la société peu désirable. Les impacts non-immédiats des inondations sur le bien-être des individus et des communautés sont dépendants et non dissociables des processus de résilience mis en place.

Si l’on considère séparément les différents niveaux structurants de la société pour l’étude des processus de résilience (Obrist et al, 2010), à savoir les individus, la communauté et l’aide extérieure, on remarque que chacun de ces niveaux est confronté à des impacts, des besoins et des défis différents. En effet, les communautés et individus ne sont pas seuls à mettre en place des processus de résilience. Les organisations extérieures ont eu besoin de se réorganiser, de s’adapter aux besoins des sinistrés et de tirer des leçons de cette expérience. Par ailleurs, ces différents niveaux interagissent : l’un peut faciliter (ou empêcher) la résilience de l’autre en mettant à disposition (ou non) des ressources mobilisables et nécessaires à la résilience (Obrist et al, 2010). Les individus et la communauté ont besoin d’une aide extérieure et de facteurs habilitants. L’aide extérieure repose sur des ressources mises à disposition par des individus et la communauté (par exemple la solidarité). Chaque niveau peut être contraignant ou facilitant pour un autre. Le défi qui se pose est donc l’optimisation de la mise à disposition et de l’exploitation des ressources et, partant, de la résilience.

Il apparaît cependant des différences dans les besoins et vitesses de résilience pour chaque niveau. L’aide extérieure vise en priorité la gestion de crise et le retour à un fonctionnement normal, i.e. à une situation pré-inondation. Elle se concentre sur la réponse aux besoins de base des sinistrés et à la réparation des infrastructures. Elle cherche aussi à éviter le retour d’une situation semblable en apprenant et en s’adaptant, par la mise en place de plans ou de travaux à plus long terme. Il s’agit cependant de mesures qui prennent du temps et qui ne sont pas immédiatement visibles par la population. Les individus et communautés ont au contraire un objectif de bien-être et de résilience psychologique. Ils ont, de ce fait, besoin d’être soutenus et rassurés par les autorités. Les différents niveaux considérés poursuivent donc des objectifs divergents ou bien à des échéances différentes. Il en résulte une incompatibilité entre les besoins et vitesses de résilience de ces niveaux, sources de frustrations, de sentiments d’abandon et de conflits sociaux. L’auto-organisation de la communauté est la réponse à deux phénomènes. Elle vise à répondre aux besoins de la communauté, d’où son expression via la solidarité, la création d’associations, la centralisation et l’utilisation des ressources mises à disposition par l’aide extérieure. Cependant, elle résulte des divergences entre l’aide apportée et les ressources nécessaires. L’auto-organisation intervient ici pour combler cet écart et demander plus de ressources pour répondre aux besoins des individus et de la communauté (d’où la modification des objectifs initiaux des associations). Ce deuxième phénomène peut amener à des divisions et conflits sociaux, menaçant le bien-être de la société.

Conclusion

Le cas des inondations du 15 juin 2010 dans le Var a montré le manque de réflexion en amont concernant la gestion post-crise. Si les besoins immédiats et de première nécessité ont été plutôt bien gérés, la mise à disposition de ressources en adéquation avec les besoins des sinistrés, à plus long terme, pourrait être optimisée. Cet écart entre besoin des individus et ressources disponibles ne s’expriment pas à l’échelle de quelques individus isolés, mais à celle des communautés, voire de la société. Il en résulte des conséquences et des impacts négatifs pour le bien-être des individus et le bon fonctionnement de la société. On peut alors se demander s’il ne serait pas nécessaire de réviser les objectifs de résilience de l’aide extérieure afin de mieux intégrer ceux des individus et de dépasser la simple poursuite d’un retour à la normale pour considérer et intégrer aussi le bien-être. Il serait alors nécessaire de mettre en place une réflexion sur les objectifs à atteindre, sur les états d’équilibres suivant la résilience et sur les aides et les ressources à fournir en conséquence. Une telle réflexion permettrait aussi d’optimiser et de s’appuyer sur les phénomènes d’auto-organisation à l’échelle des communautés pour faciliter la résilience de l’aide extérieure. Une approche multi-niveaux pour penser les rôles, objectifs et ressources nécessaires et mises à disposition par chacun paraît alors la plus adaptée. Il s’agirait donc de commencer par reconnaître l’importance de la gestion post-crise des catastrophes naturelles et de réfléchir en amont à sa mise en place et à sa gouvernance.

1 L’UNISDR est le département en charge de la réduction des risques de catastrophes au sein des Nations Unies. Il a été créé en décembre 1999 avec pour mission d’assurer la mise en œuvre de la stratégie internationale pour la réduction des catastrophes.

Références

Adger, W. N. (2003). Building resilience to promote sustainability. IHDP Update, 2(2003), 1-3.

Diener, E., & Seligman, M. E. P. (2004). Beyond money. Psychological Science in the Public Interest, 5(1), 1-31.

Helliwell, J., Putnam,R. (2011). The social context of well-being.The Science of Well-being. Ed Huppert, A., Baylis, N., Keverne, B., Oxford University Press, 435-459

Ministère de l’écologie, de l’énergie, du dévelopement durable et de la mer (MEEDM). (2010). Retour d’expérience des inondations surenues dans le department du Var les 15 et 16 juin 2010.

Obrist, B., Pfeiffer, C., & Henley, R. (2010). Multi‐layered social resilience. Progress in Development Studies, 10(4), 283.

Resilience Alliance. (2011). Resilience. www.resalliance.org, accessed august 2011.

Seligman, M. E. P. (2002). Authentic happiness: Using the new positive psychology to realize your potential for lasting fulfillment Free Pr.

United Nations International Strategy for Disaster Reduction. (2005). Hyogo Framework for Action 2005–2015: Building the Resilience of Nations and Communities to Disasters, World conference on disaster reduction, Kobe, Hyogo, Japan

Williams, R., Drury, J. (2009). Psychosocial resilience and its influence on managing mass emergencies and disasters. Science-Direct. Psychiatry . 8(8). 293-296

En savoir plus