Quand les habitants gèrent vraiment leur ville (Brésil)

Le budget participatif : l’expérience de Porto Alegre au Brésil

Suzanne Aillot, Irénée Domboue, junio 1999

Cette fiche présente la méthodologie que la ville de Porto Alegre a mise en place pour instaurer de manière durable un budget participatif à l’échelle de la ville. Les habitants sont ainsi co-gestionnaires de leur ville, au même titre que les élus.

« Personne n’avait jamais pris le temps d’écouter nos demandes et on ne nous demandait jamais notre avis sur quoi que ce soit. Maintenant on est de vrais citoyens ». Cela se passe à Porto Alegre, Brésil, ville de 1.250.000 habitants où les habitants et le pouvoir municipal décident ensemble de la gestion de leur ville.

Tout a commencé lors de la campagne pour les élections municipales de 1988. Le Parti des Travailleurs proposait de démocratiser les décisions et de gérer la ville en s’appuyant sur des conseils populaires, afin d’associer l’ensemble des habitants aux décisions engageant leur avenir.

Depuis 1989, le budget participatif s’est imposé comme une nouvelle manière de gérer la ville. La composition et les modalités concrètes de mise en œuvre du budget municipal sont définies par la population. Les citoyens sont à la source des décisions les plus importantes.

Comment ça s’organise ?

Comment ça marche ?

L’établissement du budget participatif est organisé en deux cycles : il y a d’abord des séances plénières par secteur et des commissions thématiques où la municipalité expose l’état d’avancement des travaux, les plans d’investissement de l’année et les règles en vigueur. Les élections des délégués ont lieu à ce moment. Ensuite, survient une étape intermédiaire au cours de laquelle la population se réunit de manière indépendante pour dégager ses priorités, suivie d’un second cycle qui permet de définir et hiérarchiser les priorités. Ce processus aboutit à l’élaboration de la proposition budgétaire.

Les séances plénières par secteur regroupent les associations d’habitants et se déroulent en présence du maire et des secrétaires municipaux. Lors de ces séances, les coordinateurs de secteur sont chargés de la régulation et les groupes d’habitants désignent leurs porte-parole. Les coordinateurs de secteur sont des cadres de la municipalité qui font le lien entre population et municipalité. Des leaders communautaires sont choisis par les habitants et leurs associations pour les représenter et défendre leurs priorités. C’est à cette échelle que la population établit un diagnostic, exprime ses besoins et dégage ses priorités.

Une leçon de démocratie au pays de la révolution de 1789 ?

Quelle démocratie vivons-nous en France et en Europe aujourd’hui ? Un système de gouvernement à plusieurs niveaux basé sur une délégation de pouvoirs à des élus qui en confient eux-mêmes une part à des fonctionnaires reconnus pour leurs compétences techniques. Ceci est contraire aux textes et dispositions des droits de l’homme qui stipulent la possibilité pour les citoyens d’intervenir directement, soit individuellement, soit collectivement.

L’expérience du budget participatif est révélatrice d’une prise de conscience croissante de la citoyenneté. Il se veut être un outil de construction d’une opinion indépendante à travers la démocratisation des décisions et l’information sur les questions publiques.

Durant le processus se forme un nouveau type de citoyenneté active, critique, mettant en évidence les limites de l’État et amenant les citoyens à décider en connaissance de cause. Le budget participatif est un moyen de consolidation de la démocratie politique fondée sur le principe de souveraineté populaire. Il permet aux élus du suffrage universel et à tous ceux qui sont en prise avec le mouvement social de pouvoir décider ensemble, ce qui constitue à la fois une méthode de négociation et l’émergence d’une forme de contrôle de l’État par la société civile.

Commentaire :

Suite à la parution de ce dossier et aux conférences-débat qui ont suivi, plusieurs personnes et en particulier des élus municipaux ont manifesté un intérêt et ont saisi l’enjeu de l’expérience de Porto Alegre au moment où, en France, la désaffection politique fait le lit du Front National. Des articles parus dans la presse en ont détaillé les modalités. Mais il faut bien constater que les choses en restent souvent là…

Les quelques personnes qui cherchent la mise en pratique d’une telle démarche en France rencontrent de fortes réticences. Martine Toulotte déclare à ce propos : « A Porto Alegre, tout repose sur l’alliance entre une réflexion poussée et une méthodologie de travail rigoureuse. En France, chaque fois qu’on parle de participation, c’est la pagaille : aucune méthode, aucune rigueur, aucune pensée construite… C’est le délire romantique ou le mépris du citoyen. On vous explique qu’on ne peut pas demander aux gens ce qu’ils veulent parce qu’ils sont réactionnaires ».

Pour structurer la réflexion sur les conditions et les modalités de mise en œuvre de budgets participatifs dans nos divers pays, adaptés aux conditions politiques, juridiques ou sociales spécifiques à chacun, Jean Blaise Picheral et Martine Toulotte ont proposé la création d’un réseau d’échanges, de réflexion et d’action pour la mise en place dans les villes de processus de budgets participatifs. La municipalité de Porto Alegre soutiendra les échanges.

Referencias

GENRO T., DA SOUZA U. 1998. Quand les habitants gèrent vraiment leur ville, FPH, France

Para ir más allá

Livret Jaune du réseau Capacitation Citoyenne

Site des budgets participatifs