La sécession de Verquigneul
Eric Charmes, October 2015
Des tendances au sécessionnisme existent dans le périurbain français. Une bonne illustration peut en être donnée par la séparation en 2008 des communes de Béthune et de Verquigneul. Béthune est une sous-préfecture du Pas-de-Calais qui compte aujourd’hui 26 000 habitants et Verquigneul est une commune essentiellement pavillonnaire d’environ 2 200 habitants. Ces deux communes s’étaient associées en 1990 pour unir leurs forces face à la crise des bassins miniers. Mais le contexte a changé et cette association a été remise en cause, ce qui a abouti à une défusion.
La motivation principale des Verquigneulois a été de se soustraire à la pression fiscale exercée par Béthune. Il est vrai que Béthune est l’une des communes dont les taux sont les plus élevés du Pas-de-Calais. Le poids de la fiscalité locale est apparu d’autant plus lourd aux Verquigneulois que beaucoup de ces derniers occupent une maison individuelle implantée sur une grande parcelle. De tels logements se placent dans le haut de l’échelle parmi ceux offerts dans la commune plutôt populaire de Béthune. Ainsi, en 2007, les propriétaires d’une maison standard sur un terrain de 1 000 m² ont dû verser 2 000 € pour s’acquitter de leur taxe d’habitation et leur taxe foncière. Or les taxes dues dans les communes pavillonnaires voisines étaient deux fois moins élevés. Les Verquigneulois comprenaient d’autant plus mal cette différence de traitement que certaines des communes voisines appartenaient à la communauté d’agglomération de Béthune et jouissaient de services et d’aménités urbaines similaires. Les Verquigneulois bénéficiaient certes de quelques tarifs préférentiels pour l’accès à certains équipements de Béthune, dont une médiathèque, mais ces avantages étaient sans commune mesure avec le surplus d’impôts locaux. Rares étaient donc les Verquigneulois qui pensaient qu’il pouvait y avoir un quelconque inconvénient à se séparer de Béthune en matière d’accès aux services et aux équipements nécessaires à leur vie quotidienne.
Parallèlement, Verquigneul n’a pas bénéficié d’investissements qui l’auraient distinguée de ses voisines pendant la période d’association. En 17 années de vie commune, on ne pouvait signaler que la construction d’une structure d’accueil pour la petite enfance. Le sentiment s’est donc installé que les Verquigneulois étaient des « vaches à lait » utilisées pour financer les projets de Béthune, projets souvent qualifiés de « pharaoniques ». Ils comparaient ainsi leurs trottoirs défoncés aux luxueux pavés de la Grand’place de Béthune.
Autre argument mobilisé en faveur en de la défusion : une commune autonome, maîtresse de son urbanisme, saurait préserver plus facilement son cadre de vie. Ainsi, la principale association créée pour défendre la séparation s’était donnée pour nom « Préservons l’identité de notre village ». Comme l’a expliqué une personne récemment arrivée au moment des faits, elle avait choisi Verquigneul pour son cadre verdoyant, peu dense et à l’écart des grands centres urbains. L’association avec Béthune mettait en péril ce cadre de vie, d’autant que le maire de la ville s’affichait comme un bâtisseur. Dans sa défense du maintien de l’association des deux communes, ce dernier avait clairement mis en avant le manque de terrains disponibles pour ses projets. Evidemment, accueillir des équipements et des grands projets n’était guère compatible avec un cadre villageois et un environnement tranquille. Comme l’a déclaré crûment un Verquigneulois, « sans la défusion, on se serait faits bouffer. »
Certains ont bien critiqué un combat d’arrière-garde, une défusion motivée par la défense d’intérêts de clocher totalement dépassés à une époque où la vie n’est plus communale mais métropolitaine. Ces arguments n’ont pas emporté l’adhésion. Ainsi, sans remords et de manière tout à fait explicite, les Verquigneulois se sont désolidarisés du destin de leurs voisins de Béthune. Plutôt que de s’impliquer dans la vie politique béthunoise pour remettre en cause par le vote une politique fiscale qui ne leur convenait pas, ils ont fait sécession. Les séparations de communes sont certes rares, ce qui fait de Verquigneul un cas particulier. Cette défusion illustre au demeurant les attentes qui travaillent les périurbains et qui ne demandent qu’à trouver des canaux d’expression.
Sources
CHARMES Eric, 2008, La sécession d’une commune, ou comment Verquigneul a quitté Béthune, Études foncières, n° 135, p. 11-16.