Focus sur le programme PICRI (Partenariats Institutions Citoyens pour la Recherche et l’Innovation)
Séquence 6.2 du cours en ligne Démocratie Participative
Jacques Testart, Cyril Fiorini, 2016
Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT), Fondation Sciences Citoyennes (Sciences Citoyennes)
A la suite de la première séance qui présentait la recherche participative comme un mode de coproduction des savoirs en collaboration entre chercheurs et citoyens, ou organisation de la société civile, nous allons aborder lors de cette séance un dispositif particulier qui avait déjà été évoqué, qui est le programme Partenariats Institutions Citoyens pour la Recherche et l’Innovation (PICRI), programme porté par le Conseil régional d’Ile-de-France.
Monsieur Laurent Maillot, chargé de mission recherche, science et société au Conseil régional d’Île-de-France, va présenter le dispositif PICRI, et mettre en lumière l’intérêt du développement pour le territoire des démarches de co-construction des savoirs.
J’aurais une toute première question : Quel a été le contexte d’émergence et d’apparition du dispositif Partenariats Institutions Citoyens pour la Recherche et l’Innovation en Région Île-de-France ?
Réponse de Laurent MAILLOT :
PICRI est né et est très inspiré d’une initiative du gouvernement canadien, que le gouvernement a en fait déployé au début des années 2000 : ARUC, pour Alliance de Recherche Université/Communauté. Elle visait vraiment à financer à la fois le domaine des sciences humaines et sociales, et principalement le secteur de l’économie sociale, vraiment sous un mode de recherche participative. PICRI est né en 2005, et partait du principe qu’il y avait vraiment un intérêt majeur à mutualiser les ressources, les données, les compétences et du monde académique et de la société civile organisée en tant qu’association ou fondation, par exemple. Quelque chose de très pragmatique au départ, et pour pallier les angles morts de la recherche par exemple dans le domaine de la santé, les maladies rares, ou faire face à des problématiques sociétales d’urgence comme la cause environnementale, par exemple.
Des grands objectifs : enrichirr les termes de la recherche, ce qui était vraiment un souhait des élus ; et puis élargir les champs d’application des méthodologies scientifiques. On est donc vraiment sur une démarche pionnière à l’époque, il y a dix ans. Quatre autres régions ont initié un programme similaire ensuite, et je sais qu’une cinquième région y réfléchit également.
A l’époque, il faut vraiment se souvenir que pour un chercheur, par exemple, se lancer dans la science participative, ça n’a rien d’évident. C’est même souvent une prise de risque. Cela peut constituer un frein dans sa carrière. Aujourd’hui, on voit qu’il y a un vent qui souffle, et que l’on a une reconnaissance institutionnelle qui est inscrite dans la loi Enseignement supérieur-recherche de juillet 2000. Il se passe donc des choses. Il y a une mission nationale qui est confiée à l’INRA, un livre blanc qui est à venir en 2016, et puis des briques Science with and for society vraiment très lisibles et fortement soutenues au sein du programme européen H 2020.
Et plus précisément, quelles sont les particularités de la mise en place, la mise en œuvre du dispositif PICRI ? Qu’est-ce que cette démarche a d’innovant finalement même encore aujourd’hui, dix ans après sa création ?
Réponse de Laurent MAILLOT :
PICRI fonctionne sous le mode d’un lancement d’un appel à projets, un appel à projets annuel, avec pour principe d’associer systématiquement un laboratoire de recherche et un représentant de la société civile. On constitue ensuite un jury, et il est important. On fait en sorte à chaque fois que le jury soit constitué à la fois de représentants académiques et de représentants de la société civile, pour faire vraiment en sorte qu’il y ait un équilibre. On doit retrouver cet équilibre au sein du projet, mais le jury est constitué aussi vraiment comme cela.
Du coup, quelle est la démarche pour les acteurs qui souhaitent proposer des projets ?
Réponse de Laurent MAILLOT :
Concernant les acteurs, en général, soit c’est initié par le laboratoire qui va lui de son côté rechercher un partenaire ou qui peut faire appel au service de la région sur un champ, un terrain, venir nous contacter, nous concerter, identifier si l’on peut proposer des partenaires, en tout cas le mettre en relation. Parfois, cela part vraiment d’une association, d’une fondation qui souhaite travailler sur un sujet et qui va se mettre en relation avec un laboratoire de recherche. Cela peut vraiment être initié des deux côtés. C’est ce qui est intéressant aussi, et également au niveau du financement. Le financement prévoit évidemment un noyau dur avec une allocation doctorale, et c’est donc un projet de recherche, mais il peut y avoir des financements crédités pour la partie sociétale et l’acteur sociétal.
Est-ce que vous pouvez me donner une estimation du budget qui est alloué ?
Réponse de Laurent MAILLOT :
Nous sommes sur un budget, un volant à environ un million d’euros pour un appel à projets annuel.
Et qui peut se répartir entre combien de projets ?
Réponse de Laurent MAILLOT :
Nous finançons en moyenne une douzaine de projets par an. Cela peut aller jusqu’à 150 000 euros par projet, en sachant que l’on finance en général pour trois années, du fait qu’il y a une allocation doctorale qui est financée intégralement.
Et vous, plus concrètement, dans la mise en œuvre de ce dispositif, quelles sont vos missions en tant que chargé de mission ?
Réponse de Laurent MAILLOT :
Moi, j’ai pour mission de rendre visible et lisible cet appel à projets lors de son lancement, de communiquer vers les acteurs, éventuellement de faire la mise en relation comme je le disais tout à l’heure, de monter un jury, et puis ensuite de produire toutes les pièces qui vont servir au conventionnement pour le soutien de ces projets. Et in fine, nous essayons de faire en sorte de valoriser aussi les résultats de ces projets. On a des pages dédiées sur le site de la Région où, comme on est en science participative, l’idée est aussi qu’il y ait un petit peu d’open data, que tout cela soit communicable, de les rendre accessible sous le portail de la Région.
On évoquait le nombre de projets. Est-ce que parmi ces projets, vous pourriez nous donner quelques exemples pour illustrer aussi cette démarche-là ?
Réponse de Laurent MAILLOT :
Depuis dix ans, on est à 120 projets soutenus. Je pense tout de suite à deux projets un petit peu idéo-typiques : un premier projet qui associe un laboratoire de Sciences-Po Paris, l’École polytechnique de Milan et puis l’association Regard citoyen, qui est un collectif de citoyens qui travaille sur la libération des données publiques. Il y a eu tout un travail avec le Parlement, à comprendre de l’Assemblée et du Sénat, pour faire en sorte que soit rendu lisible tout le process parlementaire, depuis le dépôt d’un projet de loi jusqu’à son adoption.
Ce qui est intéressant à regarder, c’est que cela associe des juristes, des sociologues, des documentalistes, des mathématiciens, parce qu’il a fallu modéliser et produire des algorithmes, donc un panel d’acteurs assez différents. On voit bien que science d’usure et science fondamentale peuvent bien fonctionner ensemble.
Aujourd’hui, il existe un portail où l’on peut voir effectivement toutes les avancées des textes avec les amendements, comment la loi évolue, comment les textes sont modifiés. L’association a mis en place des ateliers vers les citoyens pour qu’ils s’approprient l’outil. Il y a enfin une dernière étape qui consiste aussi à faire en sorte que des citoyens puissent contribuer à cette plate-forme avec des expertises, voire des préconisations sur les travaux parlementaires. Si nous allons sur le site La fabrique de la Loi, on peut trouver cet outil.
Je pense également à un autre projet dans un secteur complètement différent, qui est celui de la restauration collective responsable, et qui a associé un laboratoire d’agro-campus, l’association nationale des directeurs de restauration collective, la filière de l’enseignement agricole, avec là aussi un panel d’acteurs assez divers, des agriculteurs, des formateurs, des responsables publics. Différents outils ont été produits : des calculateurs de ratios économiques, de coûts ; mais également un outil qui permet d’évaluer ces pratiques depuis les solutions d’approvisionnement que l’on a, les choix que l’on fait, circuit court, circuit long, bio, non-bio. Donc, voilà. Tout un ensemble d’outils pour le bio, pour une alimentation soutenable au sein de la restauration collective. Il y a aussi des formations qui sont nées à partir des résultats de la recherche et des formations qui sont intégrées dans la filière de l’enseignement agricole. Et donc le site RC, pour restauration collective, est aujourd’hui un portail ouvert à tous les acteurs et les professionnels qui s’occupent de cette question, de cette problématique.
A travers les deux exemples que vous avez proposés de projets s’inscrivant dans le programme PICRI, on voit quand même très clairement une diversité en termes de discipline, en termes de mode, de partenariat. Ces diversités-là sont-elles un phénomène que l’on retrouve de manière transversale sur l’ensemble du programme depuis sa naissance sur les 120 projets financés jusqu’à aujourd’hui ?
Réponse de Laurent MAILLOT :
C’est vraiment le noyau dur de ces projets. On voit que cela fonctionne à géométrie variable du local, régional, national, voire international, avec des projets qui fonctionnent sur la problématique Nord-Sud. Beaucoup d’interdisciplinarité, mais jusqu’au point de faire travailler ensemble des acteurs des sciences humaines et sociales avec des sciences fondamentales, comme on a vu des mathématiciens et des juristes. PICRI le permet et le favorise, et cela fonctionne bien. Je dirais que nous sommes aussi vraiment sur la co-construction de l’intérêt général, du bien commun. Nous sommes sur des démarches open, partage des connaissances, partage des résultats, et puis d’amélioration de la qualité de vie des individus. Il y a vraiment ça aussi. Je dirais enfin qu’un dispositif comme PICRI favorise vraiment le passage d’une science appliquée à une science impliquée.