Un partenariat de plusieurs acteurs permet l’auto-construction de 12 logements par et pour des jeunes sans abri et sans emploi
Le projet Sound Image
Pascale Thys, septembre 2001
Cette fiche présente un projet d’auto-construction de logements sociaux à Brent, réalisé par un groupe de jeunes sans-abri de diverses origines. Ce projet met en avant le lien entre les questions d’accès au logement et l’importance de la formation professionnelle des jeunes.
Cette fiche a été réalisée avec le concours d’Anna McGettigan et Michelle Christophe, The community self build agency (Londres).
Contexte
Dans les années 1960, l’architecte Walter Segal développe une nouvelle approche pour permettre aux personnes sans qualification de construire leur propre logement. Il propose une méthode de construction en bois destinée aux personnes en recherche de logement et sans qualification en matière de bâtiment.
La première expérience fut initiée en 1978 à Londres (Lewisham) sur les terrains de la municipalité londonienne pour des familles à bas revenus, ensuite d’autres ont suivi comme celui de Zenzele (ce qui signifie l’abri en Swahili) à Bristol (sud ouest de l’Angleterre).
Ce genre de méthode s’adapte à divers publics (récemment, des maisons ont été auto-construites par et pour des personnes handicapées physiques).
Des agences pour promouvoir l’auto-construction ont été fondées, comme, par exemple Walter Segal self build trust (1987), Community self build agency (1989) et Young builders trust (1994).
Un manuel pratique détaillé pour les candidat à l’auto-construction a été publié en 1974 par la National Federation of Housing Associations (organisations sans buts lucratifs indépendantes dont le but est de fournir des logements sociaux aux personnes dans le besoin).
De nombreuses Housing association ont promu l’auto-construction, notamment en apportant un financement. La Housing corporation a créé une organisation indépendante, en 1989, la Community self build agency pour promouvoir et conseiller sur l’auto-construction.
Les autorités locales et les autorités « planificatrices » n’ont pas toujours accepté l’emploi de ce genre de technique. Mais avec l’augmentation des expériences positives, il est devenu plus facile d’obtenir l’approbation pour un nouveau projet. 60 des 600 autorités locales soutiennent l’auto-construction. Certaines petites localités n’ont ni les terrains, ni les ressources pour la soutenir.
De tels concepts ont aussi été développés dans d’autres pays, comme par exemple au Canada ou encore en Suède où la ville de Stockholm avait un département d’auto-construction actif depuis 1920.
Origines du projet
Durant l’été 1991, The Community Self Build Agency (CSBA)1 a proposé à une Housing Association locale, la Paddington Churches (PCHA)2 de développer un projet d’auto-construction incorporant une formation.
Un architecte qui avait une expérience dans le domaine de l’auto-construction fut engagé et un groupe de coordination du projet fut mis en place. Peu après, la PCHA demanda avec succès un financement à la Housing Corporation.
Des discussions furent initiées avec les autorités communales de la planification. Une collaboration avec un organisme de formation fut conclue car il offrait la possibilité d’obtenir un diplôme (National Vocational Qualification - NVQ) dans certains métiers du bâtiment. Un entrepreneur fut choisi et un chef de projet recruté.
Un terrain dans la commune de Brent fut choisi.
Des jeunes gens de 16-25 ans sans emplois et en besoin de logements furent approchés et une première réunion eut lieu en août 1992. L’objectif était de recruter des auto-constructeurs reflétant la composition sociale et culturelle de l’endroit. Des femmes et des personnes des minorités ethniques étaient recherchées.
Un projet achevé fut visité à Brighton.
PCHA approuva le principe que les loyers devaient être plus bas (diminution de 20%) que les loyers normaux en reconnaissance du travail réalisé.
En mars 1993 le projet de départ dû être modifié car, selon les autorités planificatrices, il n’était pas conforme au Plan de Développement. De plus, quelques habitants s’opposèrent à l’installation de jeunes sans-abri dans leur quartier. Finalement un accord fut conclu pour un bâtiment de 3 étages à ossature bois avec 12 appartements.
Les auto-constructeurs choisirent leur nom : Sound Image.
En septembre 1993, la formation débuta et les travaux commencèrent en novembre.
Objectifs du projet
Objectif principal
Fournir un logement à de jeunes gens sans-abri, combiné à une formation.
Autres objectifs
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Être reconnu (notamment via la participation) de certains groupes (minorités ethniques, femmes, …) et briser les barrières de sexe, culture, classe et autres ;
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Acquérir une habilité, une expérience en construction et une confiance en soi (ce qui a une incidence sur d’autres aspects comme la recherche d’un travail par exemple) ;
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Créer un avenir différent pour des gens avec des projets mais sans moyens ;
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Apprendre à travailler en groupe.
Ce projet démontre qu’avec une bonne méthode, des jeunes gens (ici sans abri et sans emplois) peuvent être motivés et faire plus pour eux-mêmes et que l’auto-construction peut être développée et finalisée en un temps très court.
Population concernée
2 femmes dont une d’origine africaine et 10 hommes dont 4 d’origine africaine et deux d’origine irlandaise.
Montage financier
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Housing Corporation pour la construction.
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North West London Training & Entreprise Council pour la formation.
Partenaires du projet
Un certain nombre de partenaires furent invités à participer afin de donner toutes les chances de succès au projet :
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The Community Self Build Agency (CSBA)
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Paddington Churches Housing Association (PCHA)
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Project manager Kenneth Claxton
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Jex construction (entrepreneur)
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Kilburn Skills (formation en plomberie, peinture, charpenterie,…)
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Llewellyn Homes Ltd (entreprise de construction bois)
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Chambers Goodwin Associates (architecte)
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North West London Training & Enterprise Council (financement d’un formateur)
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Housing Corporation (financement)
Déroulement du projet
Les travaux débutèrent en novembre 1993.
Les auto-constructeurs devaient être présents tous les jours de la semaine dont un jour dans le centre de formation et les autres sur le chantier.
Il y avait trois personnes responsables sur le chantier qui avaient des relations assez proches avec les auto-constructeurs :
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Le Team Worker dont le rôle était de garder la motivation, de faire attention à ce que les auto-constructeurs viennent aider et encourager à résoudre les problèmes. Elle assurait aussi le lien entre les « autorités » et les auto-constructeurs. Elle obtint, notamment, une diminution de loyer de la part de PCHA, que chaque logement dispose d’une machine à laver, d’un frigo et d’un four et que les auto-constructeurs reçoivent un bon déjeuner ;
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Le Training Coordinator avait pour responsabilité d’assurer le lien entre la formation et le travail sur le site ;
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Le Site Supervisor devait s’assurer de la présence de chacun des auto-constructeurs et de leur participation à la formation sur le site, en montrant ce qui devait être fait dans certains cas.
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Des sous-traitants furent impliqués pour effectuer des travaux que les auto-constructeurs n’étaient pas censés faire.
Les auto-constructeurs rentrèrent dans leur logement en octobre 1994. Trois mois après, seuls trois auto-constructeurs avaient trouvé du travail. Mais deux ans après, cinq personnes travaillaient et six avaient repris d’autres formations.
C’est le premier projet d’auto-construction, avec de jeunes personnes sans logements et sans travail, achevé à Londres.
1 Le CSBA promeut le concept d’auto-construction et fournit des conseils pour des projets incluant des jeunes sans emploi. L’agence encourage l’échange de bonnes pratiques via des forums, des formations et l’initiation de nouveaux projets.
2 Le PCHA fournit des maisons pour les personnes défavorisées dans l’Ouest de Londres depuis plus de 30 ans.
Références
PCHA. 1997. « We’re all in it together ». young people and their partners from the Sound Image self-build project share their experience of building 12 flats, Londres.
Cannat N. 1994. « Bristol, l’autoconstruction, c’est l’avenir pour les jeunes immigrés sans emploi », In 150 fiches pour des dynamiques et des idées en matière de politique du logement en milieu urbain, FPH, France, p.29
Ritimo. 1994. « Vivre en ville des stratégies pour les plus pauvres », In Passerelles, n°6, août.
Micmacker C. 1977. Manuel de la construction rurale et alternative, éd.Surienne, France
Confédération nationale des Castors. 1985. Le mémento du castor. Comment construire, France
Groupe SCIC, Bâtir avec l’environnement. Maîtrise d’ouvrage et habitat collectif, Ministère du logement, France, sd.
Architrave, revue de la maison des architectes, Verviers
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