Construction en bois et exclusion sociale, des initiatives dans la région wallonne
Retour sur l’expérience de l’association Julienne Javel
Pascale Thys, septembre 2001
Pour faire écho au projet de l’association Julienne Javel, dont le but est de faire participer des personnes en difficulté d’insertion sociale et professionnelle et ayant des problèmes de logement à l’élaboration et à la construction de leur habitat en ossature bois, cette fiche propose de s’intéresser à ce qui se passe dans la région wallonne et ce qui pourrait y être reproduit.
Exemples des actions mises en œuvre dans la région wallonne
De plus en plus d’architectes et de particuliers utilisent le bois dans leurs constructions. Comme exemples, on peut citer l’auberge de jeunesse de Saint-Vith, des bâtiments publics comme le comptoir forestier de la Région wallonne, des logements sociaux à Dison, des constructions réalisées par des Centres public d’action sociale (CPAS), et de nombreux projets privés auto-construits ou non, comme, par exemple, ce particulier qui a utilisé des anciens wagons de chemin de fer en bois pour s’aménager une seconde résidence à Jalhay. La demande s’accroît de manière importante1.
Par contre, très peu d’expériences sont initiées -le plus souvent encore à l’état de projet- pour les personnes devant faire face au problème de l’exclusion.
L’association « Le 210 » -centre d’accueil pour adulte en difficultés qui prend en charge la globalité des problèmes de la personne (hébergement, aide sociale, aide médicale…)- a initié un projet pilote de construction d’une maison, dont une partie est en bois cordé2, pour une famille vivant dans la précarité. Le projet original était de construire toute la maison en bois cordée, mais il a dû être adapté suite à quelques difficultés (au niveau financier, notamment). Le Fonds du logement des familles nombreuses lui accorde son soutien. Le gros œuvre sera effectué par un entrepreneur (finalisé pour l’été 2002) et les finitions, en bois cordé, seront réalisées (2002-2005) par des bénéficiaires du 210. Certains d’entre eux auront au préalable été suivre un stage pour (ré)acquérir3 un savoir-faire technique à l’association Julienne Javel. Le bâtiment sera un bon exemple au niveau du développement durable : il sera pourvu, notamment, d’une citerne d’eau de pluie et de panneaux solaires. Le projet, dans sa première mouture, est présenté comme exemple par le projet pilote européen Igloo, pour une intégration globale par le logement et l’emploi4.
La coordination Action Pilote Intégrée Camping (APIC)5, basée au sein de l’asbl GREOA (Groupement de Relance Économique des vallées de l’Ourthe et de l’Amblève) est à la recherche de porteurs de projet d’habitat alternatif au sein de la population des campings et parcs résidentiels. Une idée serait d’amener les communes à équiper un terrain qui serait mis à disposition pour y être aménagé avec des habitats alternatifs, notamment en bois. Mais ce projet rencontre certaines difficultés : les « expériences novatrices» n’ont pas la cote chez les habitants des campings et parcs résidentiels qui, de plus, n’ont pas de garantie en matière d’incitants financiers6 (certains ont investi dans leur habitat et ne souhaitent pas tout perdre). Les pouvoirs publics, qui ont pour objectif de ne pas précariser davantage les résidents en campings et parcs résidentiels, attendent de recueillir le maximum d’informations des projets en cours avant de se positionner.
Une charte a été signée par les communes de la région Ourthe-Amblève afin de geler les entrées dans les campings et les parcs, mais les moyens doivent encore suivre.
L’Apic s’intéresse aussi à d’autres concepts comme :
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La Maison nénuphar, de la société Isographic – Goffontaine, est une maison à ossature bois à monter soi-même faite de polygones (8-10-12 faces) de plus ou moins 100m2 à un étage7 ;
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Le concept Unihome (construction sur mesure) de la société Degotte. Unihome est un produit de la gamme Expanda, unités préfabriquées à l’usage des écoles (salles de classe), des entreprises (bureaux) et des homes (chambres). Pour la firme c’est « un projet super économique qui permet de loger une famille avec 1 ou 2 enfants pour le quart du prix d’une construction ».
On peut aussi citer les abris de fortune disséminés dans les bois8 ou encore certains propriétaires de caravanes dans les établissements de séjours (campings et parcs résidentiels) qui ont agrandi leur espace en construisant des annexes en bois9.
A l’initiative de la Province du Luxembourg, Valbois Ressources Naturelles gère un projet de construction d’un lotissement pour les personnes âgées, compromis entre la maison individuelle devenue inadaptée et la maison de retraite classique. Une dizaine de communes ont répondu à l’appel. Les maisons répondront aux normes en matière de construction pour personnes âgées et aux différentes règles urbanistiques des communes (par exemple certaines demandent des constructions à deux niveaux). Peu après, une entreprise d’économie sociale devrait voir le jour10. Elle pallierait aux tâches non prises en compte par les communes (par exemple les repas sur roues, l’entretien des jardins). Ce qui permettra aux habitants de vivre dans une autre structure que les structures traditionnelles avec beaucoup d’avantages.
Au niveau privé, quelques sociétés proposent des maisons en bois à auto-construire. Comme le kit de Biospeedhome, par exemple, qui prend trois jours de montage à une équipe d’une douzaine de bénévoles. Leur prospectus rappelle qu’il est interdit que des chômeurs fassent partie de l’équipe de bénévoles.
Indirectement, les métiers du bois servent aussi à l’insertion socioprofessionnelle.
L’Entreprise de formation par le travail Apides propose une formation en menuiserie ébénisterie pour des personnes exclues du monde du travail. A la formation technique s’ajoute une formation à la citoyenneté, à la vie d’entreprise et des cours de remise à niveau.
Éléments à reproduire issus de la démarche de l’association Julienne Javel
Les atouts du bois dans l’habitat sont connus. Par exemple la construction à ossature bois permet une économie car il y a une préfabrication en atelier, elle demande des fondations moins importantes et un second œuvre moins conséquent et le montage est rapide. On peut découvrir les nombreux atouts du bois et se défaire des préjugés erronés en parcourant les sites des associations et professionnels du bois. Le Ministre de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’environnement promeut aussi ce matériau : « résolument moderne, ce matériau naturel est (…) l’une des plus grandes richesses de Wallonie. Secteur important de notre économie, le bois est également le symbole d’une Wallonie tournée vers l’avenir et le respect de l’environnement. Mis en œuvre dans la construction, il permet, par son niveau d’isolation, d’offrir une habitation saine, confortable et respectueuse de l’environnement ».11
La Forêt wallonne couvre 500.000 hectares dont 50 appartiennent à la Région wallonne, 200 aux CPAS et les autres 50% à des privés12.
La Région, depuis quelques années, soutient et promeut la filière bois en Wallonnie via des concours d’architectes et d’entrepreneurs, le salon Bois et Habitat, diverses publications, le concours Habitat-bois, des journées découverte, des formations… Des textes réglementaires y font référence :
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Le commentaire des articles 198 et 199 du Code du logement, concernant les dispositions spécifiques aux associations de promotion du logement, envisage l’octroi de subventions à des asbl développant des nouvelles techniques de construction de logements ;
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Au niveau du développement rural, il y a des subventions visant à développer et promouvoir des débouchés encore très faibles tels que l’habitat en bois.
Dans certains cas, l’habitat bois peut venir au secours de population sinistrées. Comme, par exemple, lors des inondations en Picardie (France) en avril-mai 200113, où des maisons en bois « tout confort » ont été installées par des communes sur des terrains pour accueillir les populations sinistrées14.
Des propositions pourraient être faites en matière de recherche d’habitat alternatif pour les résidents permanents dans les campings et parcs résidentiels à la Province de Namur. En effet, la Province a créé un fonds de 100 millions pour soutenir des projets locaux. Dans le même registre, l’expérience de la « prime de départ » à Estinnes15 pourrait aussi être adaptée pour la construction de logements en bois.
Tout reste à construire en matière d’habitat en bois pour les personnes défavorisées.
1 Ruwet A. 2000, pp50-51.
2 Maçonnerie de petites bûches de bois d’environ 10 cm de diamètre et 40 cm de longueur. Les bûches sont placées perpendiculairement à la face du mur et scellées au mortier végétal (sable, ciment, chaux et sciure), côté intérieur et extérieur, en veillant à laisser les bouts de bûches apparents. L’intérieur du mur est isolé entre les bûches avec un isolant en vrac ou un matelas de laine de roche.
3 Le 210 a déjà construit un local polyvalent en bois cordé il y a 6 ans.
4 Il s’agit d’une coopération contractualisée entre la CES (Confédération européenne des syndicats), le CECODHAS (Comité européen de coordination de l’habitat social) et la FEANTSA (Fédération européenne d’associations nationales travaillant avec les sans-abri) pour trouver et développer des solutions concrètes et pratiques d’intégration globale par le logement et l’emploi. La plate-forme a effectué une recherche action sur la problématique et est à l’origine de contrats de coopération avec les collectivités locales.
5 La mission de l’APIC est de dégager des pistes de solutions à la problématique de la résidence permanente en domaines touristiques qui seront exploitables à l’échelle de la Région wallonne.
6 Il existe une expérience de primes de départ (somme accordée aux résidents qui quittent leur habitat en domaine touristique), mais elle n’est opérationnelle qu’à Pincemaille (Estinnes).
7 coût entre 13.000 et 25.000FB le m2
8 Fondation Roi Baudouin. 1999, p.21
9 Lemaire P. 2001.
10 Dont un des buts est la création d’emploi. Cette entreprise doit être gérée par l’Agence provinciale d’économie sociale
11 Carnet de route. L’architecture en bois : Région wallonne et alentours, Bois et Habitat, Chaumont-Gistoux, 2001
12 Ruwet A. 2000. pp50-51
13 Journal parlé de France 3 du 28 mai 2001
14 Dans le même ordre d’idée de solidarité, on peut aussi se référer à l’action qu’à entreprise La Petite propriété terrienne à Charleroi suite aux risques d’éboulement d’un terril à Ransart, à savoir l’accueil des personnes évacuées dans des maisons qu’elle avait construites dans un autre quartier.
15 Prime octroyée aux résidents permanents qui quittent l’établissement de séjour dans lequel ils résident.
Références
Ruwet A. 2000. « La relance de la filière bois en Wallonie », In Imagine, n°15, mars
Fondation Roi Baudouin. 1999. L’habitat prolongé en camping et en parc résidentiel en Région wallonne.
Lemaire P. 2001. « Le confort, malgré l’eau », In Vers l’Avenir, 9 janvier 2001
En savoir plus
Associations développant un projet social
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La Démarche Igloo, pour une intégration globale par le logement et l’emploi
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Valbois Ressources Naturelles asbl valorise et promeut la filière bois et pierre en région wallonne. Elle apporte aussi des aides financières aux entreprises, des aides aux développement de projets et organise des formations en sylviculture, pose de pavés…
Associations spécialisées
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Centre d’information inter-fédéral sur le bois (édite Le courrier du bois, informe, forme,…)
Firmes
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CNRJ Construct sprl, constructeur de maisons à ossature en bois spécialisé en bio-construction