Mailler les territoires de tiers-lieux à vocation productive
Carnet pratique n°16 : (Re) développer les activités productives dans les régions métropolitaines
Thierry Petit, noviembre 2024
La réindustrialisation doit pouvoir s’appuyer sur un réseau de lieux ayant pour vocation de diffuser la culture du « faire » auprès du public et d’accompagner les artisans et PME vers de nouvelles technologies et des modes de production ayant une dimension plus soutenable. Les tiers-lieux de production répondent à ces deux objectifs. Leur déploiement sur le territoire est soutenu par les pouvoirs publics tant au niveau national que régional.
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Au niveau national, France Tiers-Lieux dans son dernier rapport rappelle que 49 % des tiers-lieux en France proposent une activité qui participe directement à la fabrication et à la production. Il s’agit d’ateliers artisanaux partagés (19 %), d’ateliers de fabrication numérique, de fablabs ou encore de makerspaces. Ces tiers-lieux offrent des prestations permettant le développement de fabrications locales avec des productions de petite série.
Ces lieux sont d’abord dédiés à la transmission et à la diffusion des savoir-faire pour 87 % des cas et dans une moindre mesure à la fabrication pour répondre à des besoins locaux. Ces modes de production ont en commun d’être à échelle urbaine et permettent de repenser la fabrication autour d’un modèle de proximité, ouvert à tous, qui tend à réduire les contraintes logistiques d’approvisionnement ou de distribution, dans une logique de réduction des impacts écologiques ; un nouveau modèle proposant une solution de remplacement aux grands pôles industriels, à l’éclatement des chaînes de production ou à la mondialisation, qui veut réinterroger le rapport de chacun à la fabrication d’objets, à leur usage et à leur consommation.
Le public, qui fréquente ces lieux, est avant tout constitué d’amateurs (75 %), d’associations, de travailleurs indépendants et, dans une moindre mesure, d’artisans locaux (selon 48 % des tiers-lieux) et d’entreprises locales (selon 33 % des tierslieux). Ces tiers-lieux de production sont particulièrement sollicités par les milieux de l’art et de la culture ainsi que par l’économie sociale et solidaire, dont de nombreux tiers-lieux sont issus. Ainsi ces sites participent en premier lieu à la diffusion de la culture technique auprès du grand public et à des publics professionnels. La composante formation est donc essentielle pour ce type de projet pour lequel les acteurs de la formation sont des partenaires.
Que trouve-t-on dans les tiers-lieux ?
Pour 83 % d’entre eux, les tiers-lieux productifs proposent des outils d’impression 3D, pour 53 % des activités de réparation et de réemploi (avec des matériauthèques) tandis que 38 % proposent des prestations et matériels liés à la menuiserie et à l’artisanat en général (découpe laser, atelier de couture, brodeuse numérique…).
Produire en réseau, le modèle de la fabrication distribuée
Les tiers-lieux à vocation productive peuvent aussi participer de la réémergence de systèmes de fabrication distribuée. Ces systèmes de production reposent sur la mise en réseau et le partage de ressources, de compétences et de capacités de production.
L’objectif est de permettre la conception, la fabrication et la distribution de produits à l’échelle locale, au plus près des besoins, tout en bénéficiant de savoirs et savoir-faire d’un réseau élargi. La crise sanitaire a révélé la capacité à faire de larges écosystèmes d’acteurs, tiers-lieux et makers, et leur agilité à produire des biens localement, rapidement, pour combler des besoins urgents en produits médicaux. Ils ont su s’organiser pour créer des chaînes de solidarité de production de proximité entre professionnels de santé, fablabs ou ateliers équipés de machines numériques. Ils ont pu ainsi fournir près de 5 millions d’unités, masques, visières, valves, pousse-seringues…
L’État poursuit sa politique de soutien aux tiers-lieux, avec pour ambition le développement ou la labellisation de 500 « manufactures de proximité », avec en moyenne un apport de 250 000 euros de subvention par projet. Opéré par l’ANCT, le dispositif lancé en 2021 a débuté par une phase initiale de préfiguration confiée à France Tiers-Lieux afin de s’inspirer de modèles existants ou en développement. En 2022, au terme de trois appels à manifestation d’intérêt, on compte 160 manufactures de proximité, dont 61 lauréates en 2022.
Son action porte sur un appui en ingénierie de projet (sélection des acteurs clés, implication des acteurs économiques, structuration du modèle économique et juridique, de l’aménagement de l’investissement matériel et de la gouvernance). Les porteurs de projet bénéficient en outre d’un programme de formation.
En Île-de-France, la politique régionale de soutien aux tiers-lieux affichait l’ambition de créer 1 000 tiers-lieux en 2021, dont une majorité en milieu rural et périurbain. Elle compte 1 030 tiers-lieux en 2022, dont 125 (12 %) ont une dimension productive (hors pépinière et incubateur). La Région a ainsi soutenu 161 créations depuis 2016. Celle-ci cible prioritairement les lieux de reconquête économique pour ses aides délivrées dans le cadre d’appels à projets annuels. L’appui régional s’adresse à tout type de porteur de projet (association, entreprise, collectivité, centre de formation…). Il prend la forme d’un apport allant jusqu’à 40 % des dépenses d’investissement (aménagements et travaux d’aménagement des locaux, mobilier, machines et équipements industriels, équipements informatiques et logiciels, frais d’études) avec un montant maximum de 200 000 euros. Ces montants sont fortement majorés en zone de revitalisation économique.
Points de vigilance
La limite des tiers-lieux productifs tient dans leur capacité à proposer du matériel et des compétences de niveau industriel. De ce fait, ils répondent plus difficilement à une demande émanant des PME industrielles. L’émergence et la viabilité de projets hors de la zone dense restent complexes.