La densification par la mutualisation : le cas du canton de Genève
Carnet pratique n°16 : (Re) développer les activités productives dans les régions métropolitaines
Thierry Petit, novembre 2024
En occupant 3% du territoire genevois (soit 723 hectares), les ZI représentent une source d’emplois et d’innovation : 4800 entreprises totalisent plus de 80’000 emplois. Aujourd’hui, les ZI évoluent dans un contexte de forte demande mais aussi de rareté du foncier, appelant à la rationalisation des espaces. Cette évolution s’appuie sur une planification maitrisée et mutualisée en matière d’équipements, un accompagnement stratégique en recherche de surface et d’implantation et une politique concertée de mixité sectorielle.
À télécharger : genieatelier18.pdf (6,7 Mio), cp16_ok_bat_web.pdf (7,3 Mio)
Très tôt, le canton de Genève en Suisse a été confronté au manque de foncier et à une compétition croissante entre différentes affectations et activités. Dès les années 1960, celui-ci imagine un concept de zone d’affectation protégée dédiée aux secteurs industriel et artisanal, d’abord dans un périmètre spécifique puis, dans les années 1990, étendu à un ensemble de zones couvrant 3 % du territoire, soit aujourd’hui environ 800 hectares. Pour s’assurer de la maîtrise foncière de ces terrains, le canton de Genève met en place un droit de superficie, équivalent au bail emphytéotique français, sur les terrains confiés à la gestion de ce qui deviendra la Fondation pour les terrains industriels de Genève (FTI), foncière créée à cette occasion. La FTI, fondation immobilière de droit public, est financée exclusivement par les revenus des baux emphytéotiques et les revenus locatifs de son parc immobilier. À ce jour, la FTI possède des missions de gestion et d’équipement sur la quasi-totalité des 800 hectares réservés aux activités industrielles et artisanales, et valorise les 212 hectares qu’elle détient en pleine propriété. Pour ces sites accueillant quelques grands groupes industriels, mais aussi des artisans et la petite industrie repoussés hors des zones urbaines, la question de l’optimisation du foncier se pose alors que la demande d’espace se fait croissante dans une région très contrainte. Pour y répondre, la FTI met en oeuvre la densification par la verticalisation et offre des services (commerces, restauration, activités de loisirs) en tirant parti de contraintes différentes par rapport aux activités productives, comme installer un restaurant en rooftop d’un hôtel d’activités pour réserver le rez-de-chaussée aux activités lourdes. Cela peut également passer par l’introduction d’activités de bureaux soit au sein d’hôtels d’activités existants en étage, soit en juxtaposition des activités productives, grâce à la création d’un nouveau régime de zone d’activités mixtes (secteurs secondaire et tertiaire). Une autre voie plus originale passe par la mutualisation des espaces entre plusieurs entreprises productives, qu’il s’agisse de services ou de locaux directement en lien avec leurs activités. Trois exemples en cours de réalisation illustrent différentes méthodes mises à l’oeuvre pour y parvenir.
Mutualisation des équipements et de certains espaces entre deux sociétés
Lors d’un besoin de relocalisation exprimé par deux entreprises du canton, la FTI leur a proposé un terrain disponible de 8 000 mètres carrés : une superficie deux fois plus petite que celle qu’elles occupaient précédemment. Pour réussir cette prouesse et leur faire accepter cette relocalisation, la FTI a mené un long travail de concertation et de construction avec ces deux entreprises qui par ailleurs entretenaient des liens commerciaux et avaient des synergies sur un projet immobilier. Le résultat de ce long processus (trois ans) a été la signature d’un accord et d’un permis de construire pour un bâtiment commun séparé en deux parties, mais disposant d’une zone logistique commune dotée d’une grue de chargement utile aux deux entreprises. Cette mutualisation a permis de limiter leur emprise spatiale respective et d’économiser sur les investissements en matériel et frais de fonctionnement.
Une coopérative industrielle pour un projet immobilier commun
La FTI a dû aussi traiter les demandes d’établissements désirant se réimplanter sur une des zones qu’elle gère. Ces entreprises souhaitaient rester proches les unes des autres, car elles menaient plusieurs chantiers ensemble. Cependant, elles n’avaient pas les moyens, séparément, de financer leurs propres locaux qui nécessitaient un apport trop élevé, et face à des banques qui se montraient frileuses pour ce type de projet. La possibilité de mettre en place une coopérative industrielle a permis de lever cet obstacle grâce à une garantie de 30 % du montant de l’investissement par la FTI, ce qui a permis de sécuriser les financements bancaires. En outre, la FTI a apporté son expertise en matière immobilière et juridique pour assurer le montage de ce projet qui devrait abriter une vingtaine de PME à terme.
Une mutualisation obligée des voiries d’accès
À la suite d’une modification du règlement d’une zone dont elle n’est pas propriétaire, la FTI a imposé à des propriétaires privés de s’entendre sur la création d’une voie d’accès unique en lieu et place des différentes voies existantes. Cette mutualisation, dont le protocole vient d’être signé, permettra de dégager du foncier pour un projet commun de stationnement en silo.
Facteurs de réussite/points de vigilance
Une maîtrise foncière, à long terme, qui garantit un maintien de la vocation productive et des loyers pratiqués. La confiance des entreprises envers la FTI qui travaille avec elles depuis soixante ans et qui connaît bien leurs besoins, y compris leur fonctionnement. Des compétences internes à la FTI sur des domaines clés comme l’architecture, l’immobilier, les montages financiers et juridiques, notamment des avocats qui établissent confiance et crédibilité auprès des industriels. Le projet de mutualisation doit bien intégrer en amont les divers aspects pratiques : modalités d’usage et entretien des biens et équipements, obligations et droits des partenaires lorsqu’un des porteurs disparaît, modalités de cession du bien…
Références
En savoir plus
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Le document joint « genieatelier18.pdf » est un rapport très intéressant sur la gestion, la gouvernance et l’évolution des zones industrielles genevoises, établi en novembre 2024 par genie.ch, le site genevois de l’écologie industrielle et de l’économie circulaire