Le programme Casa Melhor pour « un meilleur logement »
Un partenariat public-privé initié par des groupes « de base » afin d’améliorer le logement de familles à faibles revenus via le micro-crédit
Pascale Thys, septembre 2001
Cette fiche présente le programme Casa Melhor, dont le but est de permettre d’octroyer des micro-crédits à des familles à bas revenus pour modifier et améliorer leurs habitations.
Cette fiche a été rédigée par Patrick Sénélart (Habitat et Participation), avec le concours de l’association Periferia.
Contexte
Fortaleza, capitale de l’Etat du Ceara (nord est du Brésil) où vivent 2,5 millions d’habitants. La pauvreté urbaine y est assez élevée et il y a une présence active de mouvements sociaux (associations d’habitants, …).
Origines du projet
Depuis la fin des années 80, de nombreuses expériences concernant l’accès au logement des plus démunis se sont déroulées à Fortaleza. Une des conséquences de l’une d’entre elles, le programme public des mutirões1 (construction en aide mutuelle d’environ 10.000 logements par des familles), fut la constitution de groupes dynamiques d’habitants. Soutenus par les ONGs, et plus particulièrement par le Cearah Periferia2, les habitants se sont mobilisés pour la constitution d’un fonds d’habitation.
Au départ les pouvoirs publics étaient réticents à octroyer des prêts à des personnes sans garanties foncières et économiques. En 1995, après 3 ans de négociations avec les pouvoirs publics et les communautés d’habitants, le programme Casa Melhor est lancé. C’est donc un programme qui est issu de la lutte et des revendications des familles et non pas d’une politique définie « d’en haut »3.
Concrètement il s’agissait d’octroyer des micro-crédits à des familles pour modifier et améliorer leurs habitations.
Objectifs et enjeux du projet
L’idée de départ était de :
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Améliorer les conditions de vie des familles pauvres et le cadre bâti de la ville ;
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Concevoir un programme et un outil de gestion participative pouvant, à plus long terme, servir de base à une politique publique ;
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Encourager la pratique de l’épargne ;
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Renforcer les dynamiques et les organisations de base ;
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Contribuer au processus de re-démocratisation de la société à partir de la base.
Population concernée
Ce sont des familles dont le revenu mensuel est inférieur à 15.000 FB (3 salaires minima), organisées en groupes d’épargne de 10 à 15 membres et présentées par leur organisation.
Montage financier
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Les familles = 1/6 (épargne)
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La mairie = 2/6 (subvention)
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L’ONG (Cearah Periferia) = 3/6 (crédit à 0% et corrigé sur la base de la fluctuation du salaire minimum) ; les ressources destinées au crédit proviennent de la coopération internationale.
Le montant total de l’épargne, de la subvention et du crédit s’élève à environ 25 à 30.000 FB (franc belge).
Partenaires du projet
C’est un partenariat public-privé. Le fonds est géré par le conseil d’administration de Casa Melhor (espace de cogestion et de dialogue). Il est composé de :
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deux représentants de la mairie ;
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deux représentants d’ONG ;
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deux responsables des entités qui participent au programme. Ceux-ci sont élus lors d’assemblées des organisations de bases bénéficiaires4.
Dans ce cas, le partenariat a non seulement mis en œuvre le projet, mais gère et prend aussi des décisions.
Déroulement du projet
Des groupes de 10 à 15 familles propriétaires5 se constituent en groupe au sein d’une même organisation (association de quartier, groupe d’auto-constructeurs, …). Elles sont présentées par leur entité aux responsables de Casa Melhor. Une même entité peut présenter plusieurs groupes, à la condition que les groupes précédents soient à jour dans leurs paiements.
Dès que l’épargne de tous les membres du groupe est constituée6, le montant total (épargne + subvention + crédit) est donné aux familles. Les familles remboursent les 3/6 (environ 15.000 FB) sans intérêt et sur un an.
L’argent est employé pour modifier et améliorer le logement (construction d’une annexe, d’une salle de bains, d’une boutique, revêtements et enduits, …).
A l’inverse de nombreux projets de crédit, celui-ci donne le crédit en argent (sous forme d’un chèque) et non pas sous forme de matériaux. Ce geste (très symbolique au Brésil qui a été marqué par de très fortes corruptions) a toute son importance dans la mesure où il est la preuve de la confiance envers les familles. Le résultat prouve qu’il n’y a eu que quelques cas isolés de mauvaise utilisation de l’argent par les familles.
Le programme a déjà permis à plus de 2.500 familles d’améliorer leur logement, ce qui représente environ 25.000m2 de construction et 20.000 journées de travail d’entrepreneurs.
La bonne rotation des crédits permet le prêt à un grand nombre de familles.
Afin de ne pas privilégier un nombre réduit de familles7, la mairie diminue la subvention de moitié pour le second prêt à la même famille et n’en octroie plus à partir du troisième prêt. La part de crédit augmente dans ces deux derniers cas.
Depuis, plusieurs autres villes du Brésil et d’Amérique latine ont lancé des projets similaires.
1 Mot d’origine Tupi : travail volontaire par une collectivité pour le bénéfice d’un membre de cette collectivité. Aujourd’hui c’est la construction de logements par des familles et qui sont redistribués à ces familles.
2 ONG basée à Fortaleza dont l’objectif principal est d’améliorer les conditions d’habitations des personnes à bas revenus.
3 L’histoire a montré combien ce genre de construction de programme a permis une forte appropriation par le mouvement populaire.
4 Toutes les organisations (plus de 50) engagées dans Casa Melhor se réunissent pour discuter du projet et élire leurs représentants. Elles se réunissent régulièrement avant les séances du CA pour préparer les positions à adopter.
5 La reconnaissance par les services de cadastre de la propriété étant généralement en retard, les familles qui ne disposent pas de titre de propriété doivent présenter une déclaration attestant de l’origine de leur logement (auto-construit, construit en aide mutuelle, …). Pour ce faire, les organisations locales peuvent jouer un rôle important pour justifier cette situation.
6 Malgré le fait que les familles pauvres ont du mal à constituer une épargne, le projet montre qu’il est possible d’utiliser le crédit comme moyen de sensibilisation pour montrer aux gens qu’ils sont capables d’épargner. La subvention de la municipalité est considérée comme un « encouragement » pour ceux qui arrivent à épargner.
7 Tous les habitants y ont droit s’ils respectent les règles et remboursent le crédit.
Références
Bodart P. 2000. « Casa Melhor, un fonds solidaire », In L’horloge du Sud, n°4 octobre, Supplément du Traverses, n°157.
Cavalcanti D. 1996. « Partenariat franco-brésilien » (encadré 1), In Vivre Autrement, n°7, vendredi 7 juin 1996.
Russo P-D., Verley R. 1995. « Cigales, des clubs d’épargnants solidaires pour investir autrement », FPH-Fédération des cigales, Paris.
Habitat International Coalition. 1997. Building the city with the people, Mexico. (initiatives communautaires en partenariat avec les pouvoirs locaux en Afrique, Asie, Amérique latine, Europe et Amérique du Nord)
Mazouz M. 1994. En Grande Bretagne. Les immigrés et leur place dans la ville : des prêts répartis sur plusieurs têtes pour diminuer les risques, 150 fiches pour des dynamiques et des idées en matière de politique du logement en milieu urbain, Documents de travail, n°57, FPH, France
Réseau Capacitation citoyenne. 2000. De l’histoire des quartiers à l’action collective. L’Ecole de Planification Urbaine et Recherche Populaire à Fortaleza, France.
MacIsaac N. Le sommet mondial sur le micro-crédit : possibilités de programmes améliorés pour la micro-entreprise ?
Ortoli P. Le micro-crédit un outil pour quel développement ?
Harsch E. 1996. , Micro-crédit : une arme contre la pauvreté
En savoir plus
Associations
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Association Cearah Periferia (Brésil)
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Association Periferia (Belgique)
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Sans-Abri Castor asbl - Rue Léopold 36 - 6000 Charleroi
Organismes qui octroient des prêts et micro-crédits
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Dossier sur les circuits courts solidaires
Divers
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INAISE – Association Internationale des Investisseurs dans l’Economie Sociale – Réseau d’échange d’expériences, d’informations afin de démontrer que l’argent peut aussi un moyen d’accomplir des changements sociaux et environnementaux
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