Un programme d’insertion globale par le logement et l’emploi
Le programme WOTEPA
Pascale Thys, septembre 2001
Cette fiche s’intéresse à un programme de lutte contre l’exclusion, à travers une approche globale et intégrée associant les problématiques de logement et de travail. Les personnes qui intègrent ce programme bénéficient à la fois d’un logement à long terme, d’une formation puis d’un travail rémunéré.
Cette fiche a été réalisée avec le concours du fondateur du projet WOTEPA.
Contexte et origines du projet
Le projet WOTEPA (Woon- en tewerkstellingsprogramma Antwerpen – Programme de logement et d’emploi d’Anvers) est une initiative de lutte contre l’exclusion sociale qui trouve son origine dans le Centre « De Oude Stad », initiative d’animation pour locataires de chambres meublées.
Il s’appuie sur les expériences de divers organismes anversois rassemblés dans le cadre du 2e programme de Lutte contre la pauvreté sous les auspices de la Communauté européenne (de 1986 à 1989).
Objectifs et enjeux du projet
Alors que beaucoup d’initiatives ont une approche spécifique (revenus, travail, logement, santé, contacts sociaux, éducation, participation à la vie de la société, …), WOTEPA situe son action dans le cadre d’un projet global intégré.
L’approche est globale car tous les aspects qui jouent un rôle dans les situations de pauvreté extrême sont pris en considération, malgré une approche par les problèmes de logement et de travail. L’approche est intégrée dans la mesure où l’action en faveur du groupe-cible se fait à la fois dans les deux domaines. C’est à partir de l’intégration par le logement et l’emploi que WOTEPA aborde l’objectif d’intégration des participants dans la vie de la société sous tous ses aspects.
Population concernée et groupes cibles
Le projet s’adresse à des personnes vivant dans des situations d’extrême pauvreté et à des personnes vivant avec le minimum vital répondant aux trois critères suivants :
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bénéficier d’un revenu de remplacement minimum ;
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être confronté à des problèmes de logement fréquents (habiter pendant une longue période dans de nombreuses habitations malsaines ou insalubres) ;
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être considéré au niveau de l’emploi comme exclu du marché de l’emploi (être chômeur peu scolarisé de longue durée, avec un niveau d’enseignement primaire maximum).
Le projet s’adresse donc à des personnes qui ne sont pas ou plus capables de travailler dans le secteur classique du travail car il est trop exigeant et parce que le rythme y est trop soutenu. L’idée est d’offrir un travail adapté aux aptitudes des gens.
Le type d’activité doit pouvoir s’adresser tant aux hommes qu’aux femmes.
Montage financier
Pour monter le projet de construction/rénovation au niveau financier, une équipe multidisciplinaire a été mise sur pied. Elle comprend un assistant social, deux experts financiers travaillant dans le secteur privé, un économiste et un juriste.
Le projet global porte sur un montant global d’environ 40 millions de francs belges (FB).
WOTEPA, en coopération avec une institution bancaire, a fondé une Société Anonyme (SA) qui a émis des certificats immobiliers. Cette société est propriétaire du bâtiment et ses statuts stipulent la destination sociale de l’immeuble et l’usage qui peut en être fait. En capitaux privés, 25 millions ont été récoltés par l’émission de 49 actions et autant de certificats immobiliers. Le montage financier permet d’offrir un intérêt annuel de plus de 7% net, provenant des loyers. Une partie des intérêts sur le montant du certificat est considérée comme remboursement du capital, de sorte que le prélèvement fiscal n’est que de 10%. Les pouvoirs publics sont intervenus sous forme de prêts et d’allocation à la construction pour le reste des fonds.
Au niveau des loyers, les paiements se passent plutôt bien grâce à un accompagnement. Si une semaine de retard est observée, un contact est pris avec la personne pour voir ce qui se passe. Seul 2% des loyers n’est pas récupéré.
Au niveau des Ateliers sociaux, pour les salaires des ouvriers, la Communauté flamande octroie un montant fixe indexé qui couvre 80 à 90 % du salaire. L’aide n’est pas limitée dans le temps mais il y a une diminution de celle-ci d’environ 5% après 2 ans. Dès le début, les travailleurs ont un salaire d’un peu plus de 31 000 FB net par mois (en 2001).
En ce qui concerne les instructeurs, la moitié du salaire est subventionné.
Une subvention est perçue par WOTEPA–Bien-être dans le cadre d’actions de développement communautaire et dans le cadre de projets favorisant la prise de parole pour mener à l’action.
Partenaires du projet
Le projet a mis en place une série de coopérations avec d’autres organismes relevant du secteur de l’animation sociale, de l’aide sociale et des milieux économico-financiers. Au moment du lancement du projet, on trouve des coopérations avec le VDAB (équivalent du Forem en Wallonie) et le Centre Public d’Action Sociale (CPAS), une société de développement du quartier, un service d’aide sociale de quartier, et des institutions financières.
Déroulement du projet
Dans le cadre des Ateliers sociaux de WOTEPA, les travailleurs ont d’abord rénové un immeuble vide d’une ancienne école de quartier, immeuble qui a été rénové en 26 appartements de différentes tailles (1, 2 et 3 chambres), quelques bureaux et une salle polyvalente pour des réunions.
Quatre ateliers proposent des activités spécialisées et adaptées au public cible : un atelier de construction (travaux de rénovation) ; un atelier de menuiserie ; un atelier de restauration de meubles et un atelier de finition (pose de carrelage, plâtrage, peinture). Le service mise sur la capitalisation des compétences qui augmentent avec le temps chez les travailleurs et tend vers une production économique rentable.
Il arrive qu’après un certain temps, les ouvriers cherchent à travailler à l’extérieur du service. Mais, après quelques temps, pour diverses raisons, certains ouvriers reviennent à WOTEPA et demandent à réintégrer leur place. Pour éviter des difficultés relatives à ces tentatives légitimes de quitter WOTEPA, un système a été mis en place permettant de garder une place à WOTEPA disponible pendant une durée de stage passé chez le nouvel employeur (pendant ce temps, toujours payé par WOTEPA).
Au niveau des clients, en théorie, les Ateliers Sociaux peuvent répondre à toute demande tant publique que privée. Mais les contrats émanent essentiellement des associations et des pouvoirs publics.
Deux éléments permettent d’assurer le fait que les activités des Ateliers sociaux n’entrent pas en concurrence avec le secteur privé. D’une part, les activités sont limitées à un territoire d’action qui s’étend sur la Province d’Anvers. Si les Ateliers veulent aller dans une autre Province, une demande doit être introduite auprès du Comité sub-régional de celle-ci. D’autres part, le Comité Régional de l’emploi, en lien avec le VDAB, surveille le respect des règles de concurrence, traite les demandes des ateliers sociaux et surveille que les activités n’entrent pas en concurrence avec des entreprises ordinaires.
Au niveau du logement, WOTEPA a constitué un groupe d’habitants qu’elle considère comme « une association où les pauvres prennent la parole ». C’est pourquoi elle travaille avec des responsables pour chaque unité d’habitation qui sont appelés « gangmaker » (voir dans le point « Participation »).
Par ailleurs, quand de nouveaux locataires arrivent, c’est le plus souvent sans rien. Ils peuvent alors choisir dans un stock de seconde mains des meubles qui leur appartiendront après un certain temps. L’idée est que la propriété de meubles donne une certaine stabilité, « sinon la personne peut prendre la fuite avec juste deux sacs sous le bras », explique un des fondateurs du projet.
Perception du projet par les acteurs
Résultats quantitatifs
Lors de la première phase, WOTEPA a construit et rénové 24 logements, gérés par la SA, qui accueillent 50 à 60 personnes. Elle a également rénové 6 appartements sur le même principe.
L’Atelier Social emploie 20 ouvriers. Ceux-ci sont accompagnés par 4 instructeurs, un chef instructeur à mi-temps et un coordinateur à mi-temps.
Résultats qualitatifs
Dans la présentation que les responsables font du projet, ils proposent une réponse rassurante sur le long terme aux bénéficiaires par rapport à l’insécurité au niveau de l’emploi et du logement.
Au-delà de la stabilité de l’emploi, sur quatre personnes qui ont essayé de travailler à l’extérieur de WOTEPA, une seule a trouvé un emploi.
En termes de logement, quatre à cinq ménages habitent l’immeuble depuis le lancement de l’initiative. Les autres ont changé. Parmi celles qui sont parties, deux personnes ont eu la possibilité d’acheter un logement et une personne a été expulsée parce que, souffrant de problèmes de santé mentale, elle ne prenait pas sa médication.
Efficacité du projet
L’efficacité réside dans l’offre d’emploi et de logement dans un environnement adapté et sécurisant pour des personnes qui ont un parcours difficile. Elle tient également dans le montage partenarial mis en place.
La participation
En termes de participation, le « gangmaker » est un personnage important au niveau du logement. Le « gangmaker » est le responsable d’une unité d’habitation. Son rôle est d’assurer la communication entre les locataires et la société de logement d’une part, et entre les locataires d’autres part. Chacun reste responsable de la bonne pratique de l’immeuble.
Le choix du « gangmaker » se fait par unité d’habitation. Un travailleur social fait le tour des différents locataires pour récolter leur choix sur la personne qui serait le « bon meneur ». Afin d’éviter que ce recueil de votes soit un test de popularité des locataires, les résultats ne sont pas affichés et il est demandé de faire confiance aux accompagnateurs sociaux qui récoltent les voix de chacun à travers la consultation.
La personne la plus plébiscitée est alors rencontrée pour lui proposer le poste. Si elle décline la proposition, les accompagnateurs sociaux se tourneront alors vers la seconde et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une personne accepte le poste. La personne occupe la fonction pour une durée de 2 ans.
Le système fonctionne depuis trois ans et les réunions avec les « gangmaker », organisées une fois par mois, permettent de se pencher sur la vie dans les immeubles.
Au niveau des ateliers, il y a un système similaire qui est moins développé étant donné la présence des instructeurs.
Les rénovations ont été réalisées aussi en tenant compte de l’expérience des gens qui vivent dans les meublés. Le projet s’est développé sur la base de l’expérience des populations concernées à partir de l’Institut du Développement Communautaire.
Avancées au niveau du droit
Quand une personne désire travailler à l’extérieur de WOTEPA, elle peut commencer son nouveau travail par une période de stage tout en conservant son contrat avec WOTEPA.
Dans le cadre des Ateliers sociaux, les ouvriers ont un statut d’emploi émanant du Gouvernement flamand (décret de mars 1998) qui offre un contrat à durée indéterminée à des personnes remplissant des conditions spécifiques (plus de 25 ans, minimum 5 ans de chômage, niveau d’étude ne dépassant pas les moyennes inférieures).
Le projet comme processus
Les participants peuvent considérer leur logement et leur travail comme définitifs. En outre, leur travail leur apporte une formation et de nouvelles qualifications.
Difficultés rencontrées, blocages et handicaps
Le salaire bas des instructeurs fait que les Ateliers ne peuvent engager que des personnes moins expérimentées.
Les responsables notent que peu de personnes trouvent du travail à l’extérieur de WOTEPA malgré leur désir de sortir de l’Atelier Social.
Dans le cadre d’un projet global et intégré, encore plus que dans d’autres projets, au niveau du travail avec les bénéficiaires, il faut être très vigilant à ne pas trop accompagner les personnes.
Atouts du projet et causes de réussite
Un atout réside dans la mise au point d’un programme global de lutte contre les différents aspects de l’exclusion sociale et partant de deux aspects fondamentaux : emploi et logement. Les Ateliers sociaux permettent d’offrir un contrat de travail à durée indéterminée avec un salaire et WOTEPA propose un logement de qualité pour un loyer modéré.
Par ailleurs, un des atouts du projet est d’avoir réussi à intéresser le secteur privé à participer à un projet social en l’associant au montage du projet de façon à lui assurer un retour financier suffisamment intéressant pour qu’il s’y implique. Le montage financier utilisant des fonds privés et des fonds publics est une idée à étudier et à exploiter.
Perspectives de développements futurs du projet
Poursuivre l’action menée.
En savoir plus
Site du programme WOTEPA
Coordonnées des Ateliers WOTEPA