Élus locaux et paysages : les résultats de l’enquête

enero 2022

Menée en lien avec le Cerema et avec l’Association des maires de France, l’enquête sur la vision, les actions et les besoins des élus locaux dans le domaine du paysage a été mise en ligne entre début juin et mi-juillet. Les quelque 1 400 réponses recueillies ont été analysées au cours de l’été, avec l’aide de l’observatoire des territoires de l’ANCT

Para descargar: rapport_elus_paysage.pdf (6,4 MiB)

Le rapport demande par la ministre de la transition écologique Barbara Pompili le 15 février 2021 au CGEDD a pour objet la « sensibilisation et la formation des élus locaux au paysage ». Il propose un « plan national d’actions » à cette fin. La commande se fonde sur un constat d’insuffisance ou d’inadéquation de la politique publique concernée, alors même que « c’est aux maires et présidents d’intercommunalités qu’incombe en dernier ressort la responsabilité de l’aménagement des territoires (urbains comme ruraux) ».

En effet, « nombre d’exemples montrent que les projets d’aménagement ou d’équipement pourraient être bien plus cohérents et mieux acceptés s’ils s’appuyaient sur les caractéristiques des paysages locaux […] ».

La clé d’une généralisation de ces bons exemples réside dans l’accroissement des compétences ou a minima des connaissances, donc une « formation des responsables » de l’aménagement que sont les élus dans ce domaine. La définition claire et a valeur universelle de la Convention européenne du paysage fait souvent l’objet d’une lecture réductrice (végétal ou patrimoine) quand on décide d’en faire une politique publique qui s’ajouterait aux autres.

La mission a donc préféré parler d’approche paysagère, comme un moyen de faciliter les politiques techniques sectorielles concourant à la transition écologique. La mission a privilégié, dans ses propositions, une « sensibilisation » des élus à l’approche paysagère aussi large que possible, formule moins encadrée, pouvant amener une proportion significative de ceux qui l’ont suivie à s’inscrire a des modules de formation en bonne et due forme portant sur des dimensions ou des thématiques plus précises de cette approche.

La mission a bâti ses recommandations sur un socle de connaissances rendant compte de l’état d’esprit actuel des élus quant à leur vision, leur usage, leurs projets et leurs attentes de l’approche paysagère, À cet effet, elle a diligenté une enquête en ligne auprès des élus et mené des entretiens avec une quarantaine d’entre eux. Le questionnaire de cette enquête a été élaboré en partenariat avec le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et l’Association des maires de France (AMF), cette dernière ainsi que la plupart des autres associations d’élus ayant par ailleurs contribue a la diffusion du questionnaire au sein de leur réseau. L’Observatoire des territoires de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a apporté son appui à la mission pour l’exploitation des résultats de l’enquête.

Près de 1 400 élus ont répondu à cette enquête menée en juin et juillet 2021 auprès de tous les maires et présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de France, avec un panel de répondants représentatif du territoire national (rural, urbain, périurbain). Les élus récents (élections 2014 et 2020) représentent plus des trois quarts des répondants.

Il ressort principalement de l’enquête que le paysage est très majoritairement assimilé, pour 65% des élus ayant répondu, à « un cadre de vie agréable ».

Si les visions négatives du paysage (« contrainte » ou « uniformisation / banalisation ») sont quasiment absentes des réponses recueillies, les élus sont en revanche peu nombreux (11%) à assimiler le paysage a un « projet de territoire ».

Pour les élus interrogés, les interventions sur le paysage doivent être menées à des échelles très locales. Cette requête a été largement confirmée lors des entretiens menés d’avril à octobre 2021.

Sur les compétences à solliciter en matière paysagère, les élus mettent en tête les services de l’Etat, puis viennent les conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE) suivis par leurs propres services techniques.

On est en revanche frappé par les faibles scores réalisés par les outils spécifiquement consacrés au paysage au sein des politiques publiques : promotion du titre de paysagiste-concepteur, atlas de paysages, observatoires photographiques du paysage ou même plans de paysage.

Au final, plus des quatre cinquièmes des élus répondants ressentent néanmoins le besoin de renforcer leurs compétences et connaissances sur le paysage. Il y a un large consensus autour de la sensibilisation à partir du terrain : les visites de territoires arrivent largement en tête des modalités de sensibilisation/formation proposées dans l’enquête.

En termes de contenu souhaité de celles-ci, le paysage en lien avec le patrimoine, mais aussi la biodiversité, l’agriculture et la forêt et enfin l’habitat sont les quatre thématiques les plus demandées.

Energie, climat et surtout, requalification des zones périphériques et des friches, occupent le bas du classement.

À partir des points de faiblesse ainsi identifiés dans ce processus, la mission a pu définir des priorités de sensibilisation/formation qui constituent les orientations thématiques du plan national proposé.

Les thématiques prioritaires auxquelles sensibiliser ou former les élus concernent la vision stratégique et « politique » de l’approche paysagère, résumée sous l’appellation « projets de territoire », la connaissance accrue des outils spécifiques de politique paysagère, et l’approche paysagère de la transition énergétique dans la perspective du changement climatique ainsi que celle de l’aménagement des périphéries urbaines dans la perspective de la lutte contre l’artificialisation des sols.

D’autres thématiques, qui semblent davantage faire partie des « acquis » des élus interrogés lors de l’enquête, pourront servir de point d’appui aux actions de sensibilisation puis de formation à mettre en place.

Il s’agit principalement des documents d’urbanisme comme outils de politique paysagère ou de la nécessité d’une approche collective et participative du paysage. Le dispositif de mise en œuvre de ces priorités dans la connaissance par les élus locaux des enjeux, des outils et des thématiques d’application de l’approche paysagère va s’appuyer en premier lieu sur l’écriture, la négociation et la signature d’une convention-cadre entre l’Etat, l’Association des maires de France et la Fédération nationale des CAUE, rejoints, le cas échéant par « Intercommunalités de France ».

L’offre de proximité proposée, déclinée suivant les enjeux, les priorités et les acteurs locaux, recevrait l’appui des équipes des grands sites de France, des parcs naturels régionaux, et des agences d’urbanisme.

Les sessions de terrain ainsi mises en place, seraient completées par l’introduction de l’approche paysagère dans des formations qualifiantes récemment mises en place en direction des élus (Académie des territoires de l’ANCT avec l’appui de Sciences Po Paris et de la Caisse des dépôts, formation mise en place par l’Association des maires ruraux de France et Sciences Po Lyon) ainsi que par une présence accrue de paysagistes au sein des structures techniques locales ou de paysagistes-conseils auprès des collectivités.

Les sensibilisations ou formations devraient en outre s’appuyer sur une identification appropriée des intervenants potentiels à ces sessions et sur des références d’opérations réussies dûment répertoriées.

Les écoles de paysage, avec leurs « ateliers étudiants » de terrain joueraient dans ce processus un rôle particulier, ce qui nécessiterait de poser la question de leur implantation incomplète sur le territoire.

Le plan d’action ainsi proposé comporte dix recommandations. Sa coordination nationale serait assurée par un chef de projet identifié, en lien direct avec le bureau des paysages, par une lettre de mission signée par la directrice générale, avec l’appui permanent de l’un des paysagistes-conseils de l’Etat affectés auprès d’elle.

Il devrait être pourvu de relais régionaux consistant en la généralisation des réseaux d’acteurs du paysage qui sont déjà en place dans quatre régions.

Une première évaluation de ce plan sous la forme d’une nouvelle enquête en ligne, mesurerait les progrès accomplis au cours des cinq années de sa durée et prévoirait de nouvelles étapes de prise en compte du paysage.

Celles-ci pourraient aborder, au-delà des élus, la question de la « culture paysagère » du grand public.

De nombreuses initiatives existent d’ores et déjà en ce sens en France ou chez nos voisins européens. Une mission ultérieure pourrait en tirer de nouvelles pistes de réflexion et d‘action.

Résultats

L’échantillon recueilli est représentatif des principaux types de communes : rurales, périurbaines et urbaines. Les élus les plus récents (2020 et 2014) représentent les trois quarts des réponses. Ils y voient d’abord « un cadre de vie agréable » (65 %) et sont très peu (8 %) à le considérer comme « une question de sensibilité personnelle ». Le paysage de leur commune n’est pas perçu comme « dégradé » pour 75 % d’entre eux.

Les outils de l’urbanisme arrivent largement en tête comme leviers d’action paysagère devant les politiques spécifique- ment dédiés à cette thématique (atlas, observatoires photographiques…). Les trois sources de compétences auxquelles recourir sont, pour eux, à peu près à égalité, les services de l’État, les CAUE et leurs propres services techniques.

Enfin, ce sont les visites commentées de terrain (sur leur territoire ou sur des territoires voisins) qui ont leur préférence comme type de formation/sensibilisation (auxquelles 80 % sont prêts à assister), loin devant les « guides pratiques », conférences ou stages. Le « plan de formation » commandé dans le cadre de ce rapport 013812-01 par la ministre au CGEDD le 15 février va pou- voir désormais être bâti sur une base solide, susceptible de mobiliser une clientèle potentielle importante pour les programmes à développer ou à mettre en place.

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