Commandement de payer : la mobilisation des ménages

ADIL de Paris - Bilan 2022

2023

Agence Nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL)

Signée en décembre 2017, la Charte parisienne de prévention des expulsions locatives porte l’ambition de mobiliser davantage les acteurs institutionnels et associatifs pour rechercher des solutions le plus en amont possible de l’impayé locatif. C’est en cohérence avec ce texte et son objectif que l’ADIL de Paris est mandatée depuis 2019 par la DRIHL, la DASES et la CAF pour la mise en place d’une mission d’accompagnement juridique de locataires du parc privé destinataires d’un commandement de payer, premier acte de procédure d’une expulsion pour impayé locatif. Cette mission a pour objet de contacter et de recevoir ces locataires afin de les informer sur la validité du commandement de payer, l’exigibilité de la dette, les droits et obligations des cocontractants et les aides qui pourraient éventuellement être mobilisées. Un diagnostic juridique est réalisé en parallèle de l’entretien et est remis au locataire et à la DRIHL. En trois ans d’existence, cette action a permis d’accompagner un public qui a évolué au gré de la crise sanitaire, généralement peu coutumier des services sociaux et des dispositifs d’aides et d’accompagnement. Depuis le début de la mission, 881 ménages ont été accompagnés, autorisant un regard intéressant sur la situation des ménages en situation d’impayés et les difficultés auxquelles ils font face, avant et pendant la crise sanitaire. Bien que l’année 2022 soit marquée par une hausse du nombre de commandements de payer transmis, on constate aussi une amélioration de la situation des ménages reçus : ils ont généralement de meilleures ressources, de plus faibles dettes et apparaissent mobilisés. Eclairage sur cette mobilisation.

À télécharger : adil75_rapport_2022_de_la_mission_cdp_002.pdf (690 Kio)

Un taux de retour stable depuis le début de la mission

En 2022, la mobilisation des ménages contactés est en progression de 9% sur un an, à 34%, contre 31% en 2021. Il s’agit du meilleur taux de retour de ménages depuis le début de la mission.

Ces retours interviennent, de surcroit, plus tôt que les années précédentes, dans les 15 jours qui suivent l’envoi du premier courrier.

Une part constante de courriers non-distribués

Chaque année, une part des courriers envoyés ne trouvent pas leur destinataire et sont renvoyés par la Poste. Lorsqu’il ne parvient pas à distribuer le courrier, le postier le renvoie à l’expéditeur en mentionnant la raison de la non-distribution. En 2022, sur les 1885 ménages contactés, 189 sont concernés par une non-distribution par la Poste, soit 10% du total, contre 7% en 2021. Ces derniers n’ont pas pu recevoir les courriers de mise à disposition de l’ADIL.

Le motif « destinataire inconnu à l’adresse » est encore plus représenté que les années précédentes (96% en 2022 contre 92% en 2021 et 90% en 2020). On suppose que lorsque le postier coche « n’habite pas à l’adresse indiquée », le ménage a en fait déjà quitté les lieux. Son nom ne figure, en tous cas, plus sur la boîte aux lettres. On peut imaginer que la signification de ces commandements de payer est liée à la rencontre de deux pratiques répandues : d’un côté l’absence de paiement du dernier mois de loyer par le locataire sur le départ (avec souvent pour idée de « forcer » la récupération du dépôt de garantie, quelque soit l’état du logement) ; de l’autre, la généralisation de la signification de commandements de payer par les multipropriétaires bailleurs dès lors que deux mois de loyer demeurent impayés.

D’après une étude de l’INSEE du 25 novembre 2021, à Paris, les ménages propriétaires d’au moins 5 logements possèdent 40% des logements détenus par des particuliers et 58% des logements mis en location par des particuliers. Le taux de courriers non-distribués est variable selon les mois, allant de 6% à 23%.

Une prise de contact rapide avec un tiers des ménages

582 ménages destinataires d’un commandement de payer ont contacté l’ADIL après avoir reçu une mise à disposition en 2022, soit un taux de retour de 34% sur 1696 contacts fructueux (excluant les non-distributions par la Poste, ces ménages n’ayant jamais pu être informés sur l’existence de la mission). Tous ces ménages ont pu obtenir, a minima, une information juridique relative à leur situation. Tous n’ont toutefois pas été reçus en rendez-vous.

Ainsi, parmi les 582 ménages qui ont contacté l’ADIL, 413 ont pris un rendez-vous et 319 l’ont honoré. 169 ménages ont contacté l’ADIL sans prendre rendez-vous, dont 136 parce que la dette était soldée.

Ces retours se décomposent de la manière suivante :

19 % des ménages ont été reçus

8 % ont réglé leur dee

5 % des ménages ne se sont pas présentés aux rendez-vous fixés

2 % des ménages ont bien contacté l’ADIL, mais sans jamais prendre de rendez-vous. Parmi eux, on trouve des situations très diverses : des ménages qui ont quitté le logement ; des ménages ayant signé un plan d’apurement ; des ménages déjà représentés par un avocat, souvent au stade de l’assignation ; ou encore des ménages bloqués loin de leur domicile.

Les ménages reçus

Parmi les 319 ménages reçus, 300 (soit 94%) se sont vus remettre un diagnostic juridique à l’issue de l’entretien. 7 ménages ont été reçus alors que la dette était déjà réglée, 4 au stade de l’assignation, 2 après un jugement d’expulsion, 2 au stade du commandement de quitter les lieux, 3 alors qu’ils avaient déjà quitté le logement.

94 ménages ont obtenu une première information téléphonique, ont pris rendez-vous avec l’ADIL mais n’ont pas honoré le ou les rendez-vous fixés. Tous ces ménages se sont vus proposer un nouveau rendez-vous à la suite de leur absence, et ce jusqu’à 3 fois. Cette insistance est généralement payante : si seuls 64% des rendez-vous fixés ont été honorés (malgré un rappel la veille), 77% des ménages ayant pris rendez-vous ont pu être reçus lors d’au moins un de leurs entretiens.

Sur l’année 2022, 648 rendez-vous d’une heure à deux heures ont été organisés et 415 ont été honorés. Ce total de rendez-vous comprend également les rendez-vous de suivi de ménages qui ont été contactés depuis 2019. Seuls 44% des ménages qui ne se sont pas présentés à leur rendez-vous ont prévenu l’ADIL le jour du rendez-vous afin d’avertir de leur absence (par voie téléphonique ou par mail).

Au cours de l’année, 233 rendez-vous fixés n’ont pas été honorés par les ménages.

169 ménages ont contacté l’ADIL sans souhaiter prendre de rendez-vous. 136 d’entre eux avaient soldé la dette. Dans la plupart des cas, les ménages souhaitent simplement avertir de leur règlement de la dette, mais il est fréquent que ces derniers posent des questions, notamment sur la charge du coût de l’acte, la facturation de frais de relance indus, les conséquences du paiement sur les démarches entamées par le bailleur ou encore les obligations du bailleur vis-à-vis du logement.

Pour les 33 ménages restants, les causes du refus de rendez-vous sont multiples :

Le profil des ménages :

Un profil de ménages reçus globalement stable

Le profil type du locataire reçu en 2022 ne varie pas par rapport à celui observé depuis le début de la mission : il s’agit d’un célibataire de 30 à 50 ans, salarié ou demandeur d’emploi, qui vit seul dans un studio d’environ 30 m² et qui a des ressources faibles.

Quelques évolutions peuvent toutefois être notées sur un an :

Situation familiale des ménages reçus :

Personne seule = 61%

Famille monoparentale = 14 %

Couple avec enfant à charge = 12 %

Couple sans enfant à charge = 8 %

Colocation ou cohabitation d’adultes de la même famille = 4%

Autre = 1%

Les couples représentent, en 2022, 20% des ménages reçus contre 13% en 2021. Cette progression concerne, dans des proportions équivalentes les couples avec enfant à charge et sans enfant à charge. La part des ménages de plus de 4 personnes passent de 5% en 2021 à 9% en 2022. La part des personnes seules est toujours majoritaire mais en diminution de 6% sur un an. La part de familles monoparentales est en diminution de 18% sur un an, revenant à son niveau de 2020. 7% des ménages reçus se déclarent en situation de handicap contre 9% en 2021.

Les ménages reçus en 2022 sont plus jeunes que l’année précédente : les 18-30 ans représentent 11% des ménages reçus en 2022 contre 8% en 2021.

A contrario, la part des 51-60 ans passe de 20% en 2021 à 15% en 2022. 58% des ménages reçus ont entre 31 et 50 ans, soit deux points de plus qu’en 2021.

En 2022, 39% des ménages contactés sont des femmes, en légère progression sur un an (+5%). Elles sont légèrement mieux représentées au sein des ménages reçus (41%), signe d’une meilleure mobilisation, mais de façon beaucoup moins marquée qu’en 2021 (où elles représentaient 46% des ménages reçus pour seulement 37% des ménages contactés).

La représentation très forte des hommes au sein des ménages contactés est peut-être le signe que les femmes mobilisent davantage et plus tôt les dispositifs sociaux, ce qui limite la survenance d’impayés. Les femmes représentent en effet 53% des ménages suivis par un travailleur social, malgré une sous-représentation parmi les ménages reçus.

Profils professionnels des ménages

Sur un an, la part de salariés reste stable à 32% mais se rééquilibre encore légèrement vers les salariés du secteur public (6% en 2022 contre 4% en 2021 et 1% en 2020). La part d’indépendants est en baisse pour la troisième année consécutive, perdant 2 points par an et passant de 18% en 2019 à 12% en 2022.

La part de retraités et d’étudiants est en légère hausse sur un an.

La part de demandeurs d’emplois passe de 34% en 2021 à 37% en 2022. Parmi ces demandeurs, la part touchant le chômage est en baisse (-14%), revenant à un niveau équivalent à 2020 après une hausse en 2021.

Ressources

La part de ménages touchant des ressources mensuelles par membre du ménage de moins de 500 € est en baisse sur an : 28% en 2022 contre 35% en 2021. La part des ménages touchant des ressources mensuelles par membre du ménage de plus de 1500 € est, elle, en hausse : 21% en 2022 contre 17% en 2021.

Les ressources des ménages reçus sont en légère progression pour la deuxième année consécutive. Lors du calcul des ressources, à défaut de ressources mensuelles stables, les ressources prises en compte sont la moyenne des ressources des trois derniers mois.

Références

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