Co-création du service des soins aux personnes âgées
Municipalité de Fredericia (Danemark)
Pierre Bauby, Mihaela Similie, 2016
Reconstruire l’Action Publique (RAP)
Les services de soins aux personnes âgées peuvent être définis et organisés par des instances supérieures et normés en fonction des expériences antérieures. Cependant, l’allongement de la durée de vie, les aspirations au maintien à domicile ou dans la famille génèrent de nouveaux besoins d’accompagnement et de soins. L’exemple de la municipalité de Fredericia au Danemark montre que l’ajustement des services proposés avec la participation des intéressés à la définition du service et à sa mise en œuvre permet un meilleur service, qui améliore la qualité de vie des personnes âgées et réduit les coûts pour la collectivité.
La pratique développée par le Département des soins aux personnes âgées, santé et emploi de la municipalité de Fredericia au Danemark1 montre comment la co-production a été utilisée pour encourager l’autonomie des personnes âgées pour « vivre leur propre vie aussi longtemps que possible ».
Ce changement de perspective sur les questions des services publics aux personnes âgées a pu conduire à des meilleurs résultats pour un coût plus bas.
L’expérimentation a commencé en 2008 dans Fredericia, une ville de 50 000 habitants, et s’est répandue dans d’autres villes. Dans le contexte du vieillissement de la population et de pression sur les services et ressources qui fournissent des soins aux personnes âgées, se posaient les questions de la durabilité du système existant et de la qualité des soins qui pourraient être fournis à l’avenir.
Traditionnellement les seniors étaient considérés comme vulnérables et en besoin d’assistance, d’où toute une chaîne des services allant de l’assistance à la maison au placement dans une maison d’assistance et aux soins intensifs à la fin de la vie. Toutefois, les recherches et l’expérience ont commencé à montrer que cette approche, qui encourage très peu les seniors à rester actifs, à prendre soin d’eux-mêmes, peut avoir des effets négatifs, les bénéficiaires perdant progressivement leur capacité à faire face à la vie de chaque jour. Les recherches ont également montré que les seniors qui gèrent leurs vies le plus longtemps possible ont une vie plus heureuse.
Cela a été le point de départ d’une nouvelle approche des soins aux personnes âgées, basée sur le concept de co-production, visant à encourager l’autonomie des seniors, à prendre en considération leur souhait de rester responsables de leur vie et à maintenir leurs capacités physiques et intellectuelles aussi longtemps que possible. Ainsi, on est passé d’une approche de définition du service basée sur la perception fragmentée des besoins des citoyens à une approche centrée davantage sur la personne, facilitant les efforts coopératifs fondée sur les désirs mêmes des usagers et mobilisant leurs capacités physiques et mentales. En pratique, on a constaté que certains services à domicile peuvent consister en de petits actions du travailleur social (comme par exemple la pose des chaussettes de soutien le matin et leur enlèvement le soir), mais ils restent coûteux parce qu’ils supposent deux déplacements par jour pour le travailleur social. D’autre part, c’est un service qui crée une certaine dépendance et une relation qui n’est pas agréée par la personne concernée, parce qu’elle doit adapter sa vie au programme du travailleur social (par exemple, son heure de réveil doit s’adapter à l’horaire du travailleur social).
Dans la nouvelle approche, il a été demandé aux fournisseurs de services d’aider les seniors à regagner leur autonomie. Les citoyens faisant la demande d’aide ont pu participer à un programme intensif de réhabilitation ou de formation de six à huit semaines au cours duquel ils sont entraînés à domicile à prendre soin d’eux-mêmes. Pour cela, une réunion initiale entre chaque senior et les professionnels a lieu pour identifier ce que la personne aimerait être capable de faire de nouveau. Les rencontres des citoyens avec les travailleurs sociaux, les physiothérapeutes, les assistants médicaux, les médecins et autres agents publics ont permis y compris d’identifier les surcharges de service. Les réponses ont permis de dégager des demandes nouvelles et de révéler que les seniors avaient en général besoin de moins de services que ceux qui étaient prévus dans l’approche conventionnelle et ainsi de mieux connaître leurs intérêts et désirs. Un processus de réhabilitation a été planifié, revisité et actualisé chaque semaine, pour assurer que la combinaison appropriée d’expertise professionnelle et de participation des usagers permet d’améliorer la santé physique et l’expérience individuelle de chaque citoyen.
Ainsi, non seulement les seniors ont été responsabilisés pour définir les services dont ils avaient besoin, mais ils étaient aussi impliqués de manière active pour contribuer aux résultats attendus : utiliser leurs capacités physiques et intellectuelles chaque jour et plus longtemps.
Les résultats recensés sur la base d’une évaluation de presque 450 participants ont montré que 45% d’entre eux ont assuré leur autonomie ‘dans tous les aspects de chaque jour’, 40% ont eu besoin de moins de soins qu’auparavant et 85% ont gagné une meilleure qualité de vie. Pour la municipalité, cela a représenté un coût moins élevé et une plus grande capacité à faire face à une population vieillissante.
Plus généralement, la municipalité de Fredericia a réorganisé en amont ses pratiques municipales au niveaux politique et de gouvernance en créant des conseils d’innovation et d’investissements transversaux, sectoriels et professionnels. Dans une première étape, cela a permis de réaliser d’importantes économies budgétaires, une meilleure expérience de service pour les citoyens et les professionnels, et dans la pratique ultérieure d’améliorer le service en l’adaptant mieux aux besoins des citoyens. Un enjeu a été la concentration sur les résultats, qui suppose de traiter un problème qui ne peut pas être bien défini a priori parce qu’il dépend de la situation particulière de chaque citoyen ; ainsi, la pratique du service doit intégrer chacune des situations concrètes. Cela exige une nouvelle approche de travail, de budgétisation et de prise de décision.
1 Voir BOURGON J., 2011, p. 114 – 115 et CHRISTIANSEN J. et BUNT L., 2012
To go further
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BOURGON J., 2011, A New Synthesis of Public Administration: serving in the 21st. Century, Canadá, McGill/Queen ́s University Press. 430 p.
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CHRISTIANSEN J. et BUNT L., 2012. “ Innovation in policy: allowing for creativity ”. Social Complexity and Uncertainty in Public Governance. Nesta UK. 40 p.