Parc éolien sur le plateau bocager de Clussais-la-Pommeraie

Chaire Paysage et énergie (ENSP), 2022

le parc éolien de Clussais-la-Pommeraie a été le quatrième installé dans le département des Deux-Sèvres par la société WPD. Ce sont près de 10 années de travail qui ont été menées en concertation avec les acteurs locaux du site (élus, riverains, associations, agriculteurs) afin que le parc éolien voie le jour. La commune de Clussais-la-Pommeraie, située dans le département des Deux-Sèvres, vient d’être récompensée du Trophée d’argent, dans la catégorie environnement, des élus d’Éole. Le trophée a été remis au maire de Clussais-la-Pommeraie, jeudi 24 novembre 2022, à Paris, pour la création d’un parc éolien en associant les habitants au projet. Ce prix récompense les élus locaux qui s’engagent dans le développement des énergies renouvelables sur leur territoire et des projets éoliens exemplaires. A Clussais-la-Pommeraie, c’est en particulier l’approche de préservation de la biodiversité et les mesures pour le territoire qui ont été saluées.

À télécharger : clussais_pays_mellois_79_rnt.pdf (14 Mio)

Évolution des paysages agricoles du plateau : bocage et openfield

Clussais-la-Pommeraie est une commune du Pays Mellois, au sud du département des Deux-Sèvres. L’atlas des paysages de la région la place dans l’entité paysagère dénommée « Les terres rouges, secteur bocager ». Une grande diversité de scènes de paysages compose cette entité. Sa singularité est liée à la présence d’une terre rouge, appelée aussi « terre à châtaignier ». La présence de la haie a historiquement constitué un motif récurrent du paysage. Les haies permettaient une production alimentaire autant humaine qu’animale, mais aussi une source d’énergie par bois de chauffe.En 1950, ce territoire est maillé par l’un des bocages les plus denses de France, avec une moyenne d’un hectare par parcelle. Depuis, le pourcentage de haies s’est réduit et les parcelles se sont agrandies, suite aux remembrements successifs et à l’avènement d’une agriculture mécanisée. On retrouve aujourd’hui des haies relictuelles pouvant aller jusqu’à l’arbre isolé.

Historiquement, le secteur de Clussais-la-Pommeraie était cultivé en polyculture et élevage. La qualité des sols présente des terrains assez profonds, assez sains, ce qui permet une croissance rapide, notamment des arbres. Ces qualités s’expliquent par un profil pédologique d’argile à silex sur un socle géologique perméable calcaire.

1 – La haie et le relief : strates de paysages en feuillets horizontaux

Aujourd’hui moins présente, la haie constitue tout de même un des principaux marqueurs du paysage. Elle crée de véritables plans successifs. Elle rythme les vues qui donnent sur une mosaïque de parcelles agricoles. Le relief légèrement marqué ne perturbe pas cette organisation spatiale et fait de cette entité un paysage d’échelle intermédiaire où il est très rare d’apercevoir l’horizon à nu. Un réseau de petits habitats groupés, en pierre claire, reliés les uns aux autres par un réseau de routes secondaires, ponctue la traversée de ce territoire.

2 – Un site éolien placé en point haut : strate du végétal et strate du vent

Le projet éolien est situé sur les rebords du plateau du Lezay. Le relief est peu marqué. Les parcelles agricoles y sont plus larges. Le parc s’est donc implanté au cœur d’un site composé de parcelles de cultures céréalières de taille moyenne. Il est situé sur un point haut, donnant vue sur une grande partie de territoire. Une couronne de haies délimite les parcelles et crée une articulation physique avec les routes et les habitats proches.

3 – L’éolien dans les Deux-Sèvres

En 1923, les communes rurales décident de mettre en commun des moyens humains, techniques et financiers afin d’accélérer l’équipement électrique des campagnes encore peu électrifiées. Elles créent ainsi des Syndicats intercommunaux d’électricité (SIE). Cette structure perdure dans les Deux-Sèvres. Le SIEDS porte dès 2001 l’implantation du premier mât expérimental éolien de 30 m. En 2009 un premier parc de 4 éoliennes de 2 MW chacune est installé. Dans la décennie 2010, 178 mâts ont été installés soit 393 MW. Le SIEDS est aujourd’hui propriétaire de 17 % des éoliennes du département. Il souhaite parvenir à 30 % de production des besoins énergétiques en énergie renouvelable. Le département est ainsi densément productif. Si aujourd’hui des contestations se font entendre, le développement continue sur de nombreux parcs.

La terre et le vent : développement d’un projet commun

1 – Pédagogie sur l’éolien : communiquer et concerter

Le projet de Clussais a été particulièrement intéressant en termes de concertation. Le développeur WPD a proposé une stratégie différente : les réunions publiques ont été stoppées, car les associations anti-éoliennes, souvent extérieures au territoire du projet concerné, avaient volontiers confisqué les débats lors de précédents projets. A la place, des permanences publiques ont été proposées. Elles ont été mises en place en mairie et ont permis des rencontres entre les citoyens, les acteurs locaux et les développeurs. Des affiches et articles ont été publiés dans le journal local pour informer de la présence de ces permanences. À chaque permanence a été proposé un ordre du jour avec des thématiques précises (l’aspect acoustique, les impacts sur la biodiversité, …).

2 – Un sens commun pour le projet : le comité de pilotage citoyen

Un Comité de pilotage citoyen (COPIL) a été installé. Son but était de porter une vision de la société civile sur le projet. Il a permis de faire remonter une série de questionnements, de craintes et de faire émerger les idées « par le bas ». Une dizaine de personnes se sont réunies tous les deux mois. Le maire, des agriculteurs, des riverains et des membres d’associations locales se sont ainsi saisis du projet éolien. Le COPIL a regroupé des citoyens à la fois pour et contre le projet, afin de trouver un ensemble de compromis et de solutions aux différents questionnements. La présence du COPIL dès le début du projet a permis d’instaurer un dialogue, avec la volonté d’être proactif. Ainsi, les réunions ont été particulièrement dynamiques.

3 – S’emparer de la séquence ERC : le Conservatoire d’espaces naturels pour accompagner la démarche

Le Conservatoire régional d’espaces naturels de Poitou-Charentes (aujourd’hui CEN Nouvelle-Aquitaine) a pour mission d’assurer la préservation d’espaces naturels sur le long terme en prenant en considération les enjeux écologiques et paysagers. Il propose aux porteurs de projets éoliens d’assurer, dans le cadre d’un conventionnement, la mise en œuvre des mesures compensatoires ou d’accompagnement selon des conditions garantissant leur efficience. Ces mesures passent par de l’acquisition foncière, afin de les inscrire dans la durée.

« Le CEN a organisé une mosaïque de parcelles favorables à l’avifaune de plaine. Le dialogue a été très constructif avec le développeur, on a pu construire le projet avec WPD. Ils ont une préoccupation forte avec des attentes d’efficacité. » Sabrina Maiano, CEN

Un acteur tel que le CEN permet d’aller plus loin que la doctrine ERC (séquence qui accompagne des projets pour éviter, réduire et compenser les impacts sur le milieu naturel) par une maîtrise d’ouvrage qui assure la mise en œuvre, la gestion et le suivi du projet. La qualité des mesures compensatoires peut être décrite dans un cahier des charges dès le début du projet éolien pour proposer des acteurs de qualité comme le CEN.

Dans le cas présent, le CEN a mutualisé les mesures compensatoires de trois projets éoliens et de deux développeurs différents. Cette mutualisation a permis de valoriser une action durable par l’acquisition de parcelles. Le développeur a activé son réseau permettant l’achat de parcelles pertinentes. Le choix des parcelles s’est porté sur des lieux stratégiques pour l’avifaune de plaine, où a été mise en place une gestion spécifique : une fauche tardive des prairies permettant la nidification, l’interdiction du travail de sol, un choix de graines issues de récoltes locales effectuées par le CEN, etc. Un jeune agriculteur souhaitant s’installer sur ce territoire a pu y développer son activité. Une convention lie le CEN à l’agriculteur permettant la tenue d’un cahier des charges strict dans une démarche d’additionnalité écologique, d’efficience et de pérennité du projet. Cette démarche permet de redonner du sens à une activité agricole respectueuse de l’environnement.

« Il faudrait que ça soit pris très en amont du projet éolien pour que le chiffrage budgétaire soit suffisant pour une mise en œuvre, une gestion et un suivi de qualité. » Sabrina Maiano, CEN

4 – L’éolienne et la haie, une implantation commune : l’association Prom’haies

Le développeur a travaillé préalablement avec l’association Prom’haies sur un premier projet éolien voisin. L’association reconnue localement permet d’assurer la maîtrise d’œuvre avec un cahier des charges strict. Dans le travail avec le développeur, deux cas de figures sont envisagés. Soit les emprises d’implantation des haies sont définies en amont par le développeur, soit la prospection est faite par Prom’haies. Dans les deux cas, l’association intervient comme concepteur technique et maître d’œuvre. L’association entre en négociation avec les acteurs locaux pour adapter les implantations aux particularités du site (gestion, choix des essences, hauteur, etc.). Les plantations sont réalisées par une entreprise (ETS). Une convention est signée avec l’agriculteur sur le temps du projet éolien. Les plantations doivent être effectuées sur deux rangées afin d’éviter d’être réduites lors de l’entretien. Les essences sur ce projet sont pour les trois quarts issues du label végétal local. Trois strates de végétaux sont plantées : arbres, arbustes et arbrisseaux. Une réflexion est également menée sur le choix des essences, ici fruitières : châtaignier greffés, poiriers et pruniers, mais également sur des essences mieux adaptées à la sécheresse pour répondre au changement climatique. Une des plantations de haies a été réalisée par les enfants de l’école de Clussais- la-Pommeraie. Cette action a permis de sensibiliser les enfants au rôle de la haie et de l’éolien. Cette mission a été portée par le COPIL. Une gestion en amont du projet éolien permet une implantation de haies stratégiques. L’idéal est de dessiner un plan d’implantation dès le début du projet, afin qu’il puisse rentrer en compte dans les négociations avec les propriétaires. L’implantation d’éoliennes et la plantation de haies sont alors indissociables. Une mission de suivi des plantations est également importante pour pérenniser l’implantation des végétaux.

L’objet éolien comme nouveau motif vertical dans la mosaïque des paysages agricoles

On retrouve sur le plateau Mellois un réseau de parcs éoliens, souvent en covisibilité, regroupés en petits nombres, et qui rythment les parcours. Ils deviennent un motif récurrent qui selon les points de vues et les parcs prend le premier rôle ou participe de manière plus mesurée en s’intégrant aux motifs en mosaïque des paysages existants. Ce paysage est relativement adapté à l’accueil de petits parcs éoliens, au vu de l’échelle des parcelles, des vallons assez doux qui offrent une dimension intermédiaire entre les grandes plaines et des paysages de petits reliefs. Dans ce contexte, l’implantation des cinq éoliennes de Clussais est réussie parce que dans le périmètre proche du parc éolien, l’objet n’est pas systématiquement visible. Il participe d’une succession de plans et de motifs verticaux ponctuant le paysage local de mosaïque agricole : haies, hameaux,…

1 – Un sentier qui assume le premier rôle du parc

Aux abords du parc, un sentier de 7 km permet de faire le tour des éoliennes. Il met en valeur le parc des aérogénérateurs, mais également les chemins et le bocage alentour. Il est ponctué de panneaux explicatifs. Les thématiques du sentier ont été pensées et validées par le COPIL. L’objectif est que les gens s’approprient le parc. Il est promu comme randonnée locale.

2 – Les abords délimités de haies qui mettent à distance le parc

Dans le périmètre du sentier, les éoliennes ont le premier rôle, elles dominent les parcelles de céréales et de tournesol et constituent un réel événement. Leur échelle, leur forme et le son des pales qui tournent impressionnent. Les éoliennes créent une dynamique verticale qui rompt avec la relative planéité des cultures. On retrouve très peu de haies, seulement quelques arbres ponctuels. En s’éloignant du parc, le réseau de haie se fait plus prégnant et compose des plans superposés. Les éoliennes sont mises à distance, en second puis en troisième plan. Depuis les routes qui l’entourent, un gradient de visibilité, entre l’absence de visibilité et l’éolienne entière sur des temps assez courts permet d’intégrer le parc sur un périmètre plus large. Cette mise à distance garantit la bonne inscription dans le paysage. Plus on s’éloigne et plus la haie participe à la présence harmonieuse du parc dans un paysage semi-bocager.

3 – Le cas des Houmeaux

Ce hameau en proximité du parc a fait l’objet de soins particuliers. Certains habitants ont intégré le COPIL et ont pu suivre et donner leurs avis. En résultent des évolutions des opinions, mais aussi des mesures d’accompagnement importantes : plantations de haies, enterrement de lignes, installation de luminaires solaires.

Un développeur consciencieux, des compétences publiques à acquérir

1 – Pérenniser la séquence ERC pour accompagner le projet dans le temps

Le choix des acteurs dans la séquence ERC permet d’assurer la qualité et la pérennisation du projet. Ici l’acquisition du foncier avec le CEN, et la plantation par Prom’haies permettent de développer un projet de paysage avec des acteurs compétents. Pour favoriser la continuité du projet dans le temps, un budget pour le suivi aurait été à prévoir en amont du projet, inscrit dans le cahier des charges. 2 – Un partenariat public-privé à accompagner En l’absence de réseaux publics structurants de la transition, il est difficile pour les petites communes de bénéficier de compétences fortes en matière de transition énergétique. La communauté de communes Mellois en Poitou elle-même ne dispose pas de PCAET. Seul le PADD du SCOT fixe les orientations suivantes :

Dans le cas Clussais-la-Pommeraie, c’est le développeur éolien, consciencieux, qui a donc appuyé la commune, dans un partenariat privé-public vertueux qui mérite d’être promu.

3 – Le paysage éolien du plateau de Lezay

Le projet éolien de Clussais-la-Pommeraie a été bien pensé. Son échelle, son emplacement et ses mesures compensatoires sont de qualité et apportent une plus-value au territoire. Le plateau du Lezay sur lequel il s’implante est déjà fortement encadré de parcs éoliens. D’autres parcs sont en développement autour du site. Il serait dommage de dénaturer le travail qualitatif du parc de Clussais, en saturant le paysage alentour. Un projet de paysage est donc à définir sur un temps long, exprimant les principes à respecter, offrant sa part de souplesse pour évoluer, et faisant valoir la mémoire des décisions et des actions qui façonnent les milieux de vie.

Références

  • Expérience extraite du guide « Transition énergétique : vers des paysages désirables » réalisé en 2021 - 2022 par la Chaire Paysage et énergie de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles : www.ecole-paysage.fr/fr/node/402

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