Les « élites » du palmier à huile

Accaparement des terres ou développement ?

July 2015

La Revue Foncière / Association Fonciers en débat

La « ruée » des grandes sociétés internationales, publiques ou privées sur les terres des pays en développement, fait souvent la une de l’actualité. Le rôle de la nouvelle bourgeoisie nationale des pays du Sud dans ces processus d’accaparement foncier est beaucoup moins connu au niveau international, alors qu’au niveau local son rôle est souvent déterminant. Ici, le cas du Cameroun.

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Les « élites » du palmier à huile. Accaparement des terres ou développement ?

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Depuis quinze ans, la flambée des cours des produits alimentaires et les perspectives d’épuisement des énergies fossiles ont rendu le foncier agricole attractif pour de nouveaux investisseurs. La « ruée » des grands investisseurs publics ou privés sur les terres des pays en développement fait souvent la une de l’actualité, même si les réalisations sont rarement à la hauteur des annonces 1. Au Cameroun, en 2013, rien que pour le palmier à huile, six multinationales cherchaient à acquérir plus d’un million d’hectares de terres 2. En réalité, seules deux compagnies ont effectivement acquis des concessions depuis, pour des surfaces beaucoup plus modestes (5 000 à 20 000 ha) et leur exploitation n’a guère dépassé le stade de la pépinière. Le ministère de l’Agriculture envisage même d’annuler le contrat de l’une des compagnies qui ne semble pas avoir la capacité de développer sa concession, Le rôle des élites nationales des pays du Sud dans ces processus d’accaparement foncier est en revanche peu connu au niveau international, alors qu’au niveau local son rôle est souvent déterminant. Au Cameroun, comme dans de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne, le contexte économique et politique des décennies 1980–1990 a en effet favorisé l’émergence d’une classe d’investisseurs privés (entreprises ou individus) dans le secteur agricole.

La crise économique qui a frappé le pays dans les années 1980, consécutive aux chocs pétroliers et à la baisse des cours du café et du cacao, alors premiers postes d’exportation, a conduit à la mise en place de Plans d’ajustements structurels (PAS) qui préconisaient, entre autres, la libéralisation du secteur agricole avec désengagement de l’État des fonctions de régulation et d’encadrement des filières qu’il assumait auparavant, et ouverture aux investisseurs privés. En pratique, les « PAS » ont mis un terme aux soutiens financiers, organisationnels et techniques dont bénéficiait la (toute) petite agriculture familiale. Celle-ci s’est repliée sur l’autosuffisance, se limitant à commercialiser ses rares excédents. Les élites urbanisées étaient les seules en mesure de financer la création de nouvelles plantations de palmiers à huile. Leur engouement pour le palmier a plusieurs raisons : d’un côté, la baisse des salaires des fonctionnaires, la dévaluation du Franc CFA, la disparition de nombreuses opportunités d’investissements urbains, de l’autre, la forte chute des cours du cacao et du café, tandis que grimpaient les prix de l’huile de palme suite à des déficits récurrents.

La figure 1 donne un aperçu de la distribution de la palmeraie non-industrielle en fonction de l’âge des palmiers au Cameroun et du statut de leur propriétaire. Les données, issues d’un recensement mené par Unexpalm (Union nationale des exploitants de palmiers) et le Programme de développement de la palmeraie villageoise (PDPV) en 2013, distinguent les petits planteurs – surfaces de plantation inférieures à 10 hectares – des élites avec des surfaces de plantations supérieures à 10 hectares.

Jusque vers la fin des années 1970, le développement de plantations villageoises n’était qu’anecdotique. Puis, dans les années 1981-1985, plusieurs milliers d’hectares de plantations ont vu le jour grâce au soutien du Fonds national de développement rural. Destiné en théorie à soutenir les petits planteurs, ce programme a été, en effet, largement détourné au bénéfice des élites, comme on peut le voir sur le graphique. À partir des années 1990, le développement de la palmeraie villageoise repose prioritairement sur les élites, avec des surfaces plantées en forte croissance jusqu’en 2005. La rupture est brutale en 2005-2006, la surface plantée passant de 2 000 ha à un peu plus de 1 000 ha par an, avec une chute des investissements, liée au renforcement du plan Épervier de lutte contre la corruption ainsi qu’aux difficultés éprouvées par les élites pour sécuriser et rentabiliser leurs investissements. Aujourd’hui, les élites, qui ne représentent que 10 % des planteurs, contrôlent 68 % de la superficie des palmeraies villageoises 3.

Des objectifs à la fois économiques, sociaux et politiques

Les investissements des élites dans le palmier à huile répondent à des objectifs, à la fois économiques, sociaux et politiques. Diversification des sources de revenu L’engouement des élites urbaines pour la création de palmeraies est au départ un phénomène conjoncturel. Jusqu’à la crise économique des années 1980, elles ne s’intéressaient que modérément au développement de l’agriculture et privilégiaient les investissements urbains. Soumis aux Plans d’ajustement structurels, le Cameroun a connu un ensemble de mesures d’austérité : baisse des salaires des fonctionnaires, réduction des effectifs de l’administration, privatisation des entreprises d’État comme la Socapalm. En compensation, les fonctionnaires ont acquis le droit d’exercer d’autres activités pour maintenir leur niveau de revenus. Des programmes ont été mis en place pour les nouveaux acteurs du développement agricole : Programme d’appui aux exploitations agricoles de moyenne importance, Programme d’appui aux élites agricoles et aux collectivités 4… Ainsi, bon nombre d’élites des régions forestières du Cameroun, surtout celles de tradition élæicole (sud-ouest, centre, littoral), ont jeté leur dévolu sur le palmier à huile, qui offre un revenu régulier et dont la demande nationale et internationale ne cesse de s’accroître 5.

Préparation de la retraite

La préparation de la retraite est, pour les élites urbaines une autre incitation à l’acquisition de terres et à la création de palmeraies. C’est souvent à un âge avancé qu’elles retournent investir dans leurs villages 6. Pour maintenir leur niveau de vie après la retraite, elles se reconvertissent en entrepreneurs agricoles. En créant des palmeraies, elles nouent de bonnes relations avec les populations villageoises afin de gagner une sympathie qui sera convertie en capital politique et/ou économique. Comme l’expliquent Fauré et Médard : « Les politiciens entrepreneurs que sont nos élites investissent dans l’agriculture non seulement dans le but d’implanter leurs formations politiques au fond de la brousse, mais aussi et surtout, de produire leur propre pouvoir en travaillant à écarter leurs potentiels concurrents. D’autre part, certaines élites, envahies par la peur que suscite en elles le départ imminent à la retraite se reconvertissent, avec le soutien des pouvoirs publics, en agriculteurs pour espérer naître de nouveau » 7.

Constitution d’un patrimoine foncier

L’implication des élites dans la culture du palmier à huile permet également de se constituer des réserves ou des patrimoines fonciers pour leur descendance. « Si nous luttons pour la terre, ce n’est pas pour nous car nous sommes partants. Mais, c’est pour nos enfants » nous expliquait une élite de Makondo. Dans la plupart des régions, la terre est considérée comme le meilleur héritage qu’on puisse laisser à sa progéniture.

Prestige social

Dans toute la région forestière du Cameroun, la possession d’une plantation semble une nécessité sociale pour tous les hommes politiques et les hauts fonctionnaires. Selon Njog Jules, chef du village de Mbandjock dans l’arrondissement de Ngwei, « Aujourd’hui, on a de la considération lorsqu’on possède une plantation de palmier à huile. On est plus crédible et on a plus de prestige. Le palmier à huile est une richesse ». La possession d’une palmeraie rentre parfois dans une logique d’affirmation de la réussite et d’emprise politique sur le village d’origine.

Ambitions politiques

Pour beaucoup d’observateurs, la création d’exploitations agricoles et surtout de palmeraies répond d’abord à une logique de positionnement personnel des élites 8. En effet, une bonne partie de ces élites est liée au parti au pouvoir et occupe des postes de responsabilité dans l’administration ou les sociétés. Sous le régime du parti unique (1960-1990), les candidats aux postes politiques n’avaient qu’une obligation, celle de rester fidèle au parti. C’est en étant loyal au régime qu’on pouvait espérer accéder à un poste élevé. Mais l’ouverture démocratique de 1990 a introduit la compétition dans le jeu politique : en plus de la fidélité au parti, il faut désormais contrôler un fief électoral pour maintenir sa position dans le dispositif étatique 9, et donc gagner la confiance des électeurs locaux. Couplée à la mise en place d’une politique de « l’équilibre régional », qui ouvre des opportunités aux acteurs issus de groupes minoritaires, cette évolution encourage le retour des élites urbaines et administratives vers leur région, leur village d’origine, à des fins de construction de clientèles politiques. La proximité avec les populations, indispensable à la construction d’une assise électorale solide, apparaît alors comme un outil de positionnement et de durabilité politique.

Pour bon nombre d’élites, développer une palmeraie dans son village d’origine, c’est d’accroître sa popularité, tout en se positionnant comme médiateur et porte-parole incontournables entre les masses populaires et le pouvoir en place. Sur le terrain, les palmeraies des élites se distinguent des autres par l’étendue et la complexité des exploitations, l’origine du matériel végétal, l’utilisation d’engrais et l’emploi d’une main d’oeuvre salariée permanente. En fin de compte, la palmeraie est un tremplin pour augmenter sa popularité, renforcer son assise politique, et accroître son audience dans les hautes sphères de l’État.

Blanchiment d’argent

Autre objectif important mais caché, le blanchiment d’argent « sale » figure en bonne place. Selon un rapport de l’Agence nationale d’investigation financière (Anif ) paru en 2010 10, les palmeraies créées par les élites urbaines constituent souvent une forme de blanchiment d’argent : les revenus des récoltes, impossibles à contrôler, permettent de justifier l’approvisionnement parfois suspect des comptes en banque de l’élite.

Les modes d’appropriation foncière

Les élites urbaines recourent à différentes formes d’acquisition foncière pour créer des palmeraies : héritage, achat, donation, concession, etc. Héritage

Dans le sud du Cameroun, le patrimoine familial est divisé en deux entités : l’espace habité, les champs et les jachères, où les droits d’appropriation sont individuels et se transmettent par filiation ; et la forêt qui, aux yeux des villageois, constitue la réserve foncière de la famille. Tous les membres de la famille élargie ont des droits sur cette réserve. Toutefois, l’appropriation effective d’une parcelle se fonde sur le « droit de hache » selon lequel « la terre appartient au premier défricheur ». Si les élites préfèrent acquérir des terres situées à proximité des villages et des pistes – donc de préférence des jachères ou des forêts secondaires – ces terrains sont également convoités par les autres membres de la famille élargie et peuvent donner lieu à des litiges. Pour éviter les conflits, certaines élites, à la recherche de vastes espaces, se rabattent sur les réserves forestières de la famille, où ils peuvent ainsi acquérir par abattage un droit de premier occupant. Cette logique accentue les inégalités au sein des familles. Sur la base des observations de terrain dans la Sanaga-Maritime, on peut estimer que plus de 90 % des élites créent des palmeraies sur des réserves de terres familiales, constituées à la fois de forêts primaires et secondaires anciennes. Mais lorsque les réserves foncières de la famille ne suffisent pas aux ambitions des élites, celles-ci ont recours à l’achat.

Achat

Le recours à l’achat peut résulter de la distribution inéquitable des terres entre les membres d’une même famille. Il est fréquent que l’élite, absente du village, soit lésée à l’occasion du partage des terres et que tout le patrimoine familial soit occupé par ses frères restés au village. C’est la situation vécue par une élite de l’arrondissement de Pouma, cadre supérieur d’une société de Douala, ses oncles s’étaient accaparés les parcelles de terrain qui lui revenaient de droit par héritage. Il lui a fallu acheter plus de 70 ha de terres dans un village voisin, dont sa mère était originaire. Dans la pratique, les conditions d’achat restent secrètes entre l’acquéreur et le vendeur. En plus du prix de vente, une somme est généralement exigée pour la nourriture que le vendeur doit distribuer au reste des membres de la famille. Ce don de nourriture officialise en quelque sorte la transaction, et l’adoption de l’acquéreur par sa nouvelle communauté. Dans la tradition, la vente de terres est un accord verbal inter-personnel et à vie, qui prend fin à la mort de l’une des parties. Binet (1970) cité par Delpech 11 explique qu’en pays Eton : « L’autochtone qui a vendu paraît toujours étonné du caractère irrévocable et définitif de l’acte conclu. IIcultive l’illusion qu’il n’a pas engagé définitivement l’avenir, qu’il peut revenir sur ce qui a été fait… Tantôt simplicité, tantôt rouerie, il cherche à renouveler sa vente, à opposer les acheteurs les uns les autres. Certes il y a là des traits de naïve escroquerie. Mais aussi l’incompréhension totale du caractère définitif des engagements pris. »

Une fois la transaction conclue, certaines élites procèdent à l’officialisation de la transaction auprès des autorités traditionnelles et administratives, mais la plupart préfèrent passer directement à l’immatriculation. Le processus de sécurisation foncière au Cameroun suit normalement ces deux étapes. Le rôle du chef du village et de ses notables est central dans ce processus. Le cédant et l’acquéreur se présentent à la chefferie accompagnés chacun de deux témoins et munis de l’acte de cession ou de vente. Ensuite, une visite sur le site est organisée afin de permettre au chef d’attester de la disponibilité de l’espace faisant l’objet de la transaction et de l’identification des riverains. Par la suite, le chef et ses notables vérifient si l’espace en question n’a pas encore fait l’objet d’appropriation concurrente afin d’éviter la double vente. Le chef mènera aussi une enquête auprès de la famille du cédant afin d’identifier d’éventuelles oppositions. Il en va de l’intérêt de l’acquéreur soucieux d’entretenir la paix avec sa « nouvelle famille ». S’il n’y a pas opposition, le chef délivre un certificat de cession à l’acquéreur qui atteste que la communauté accepte de l’accueillir en son sein. Ce certificat est ensuite présenté au sous-préfet de l’arrondissement territorial compétent qui authentifie et officialise la transaction au niveau de l’administration, après consultation des autorités traditionnelles. La procédure de l’immatriculation désigne ensuite la démarche aboutissant à la délivrance du titre foncier. Le processus commence par le dépôt d’un dossier de demande de titre foncier à la sous-préfecture. Celui-ci est transmis à la délégation départementale des domaines et des affaires foncières. Sur proposition du délégué, le sous-préfet, président de la Commission consultative, organise une « descente sur les lieux » afin de constater la mise en valeur du site. En théorie, cette procédure garantit une certaine prééminence du droit coutumier dans l’accès au droit moderne, car si le sous-préfet peut se faire représenter dans la commission consultative, la présence du chef et de ses notables y est indispensable. Un bornage doit être ensuite réalisé par un géomètre assermenté, et après réunion de concertation de la commission consultative, le dossier est transmis au conservateur foncier et au délégué des affaires foncières. C’est à la suite de ce processus que le requérant obtient le titre foncier lui conférant un droit de propriété proprement dit. Lorsque la transaction porte sur des jachères forestières exploitées par des communautés locales qui ne détiennent aucun titre formel, la terminologie officielle parle de « cession de jachères » au lieu de vente. Mais dans les faits il s’agit bien d’une vente.

Donation

L’autre mode d’acquisition foncière par l’élite est la donation. C’est l’acte par lequel un propriétaire coutumier lui cède une parcelle de terrain pour une période non définie et virtuellement illimitée. Les élites originaires des villages concernés obtiennent facilement des donations de terre, ce d’autant plus que dans la logique traditionnelle, celui qui reçoit de la terre d’une personne, que ce soit par achat ou par don, devient un membre de cette famille. Grâce à son pouvoir financier et à son influence politique, l’élite peut même être sollicitée pour de telles transactions, les donateurs potentiels ayant la conviction de participer à une action de développement de leur village et de renforcer le statut de leur famille. Ainsi, un vieux sans progéniture peut décider de coopter une élite de la famille et de lui donner ses réserves foncières. La donation procure une certaine sécurité foncière à l’acquéreur qui a la certitude de pouvoir transmettre son bien à ses descendants. Mais pour garantir cette sécurité, il doit renouveler constamment sa déférence au donateur qui reste le propriétaire éminent de ladite parcelle tant qu’elle n’est pas immatriculée au nom de l’acquéreur. Ce type d’arrangement est donc considéré comme un accès sécurisé, conditionnel, personnalisé et dépendant de la terre 12.

Concession

Pour des parcelles situées dans le domaine forestier permanent (même si elles sont revendiquées par des communautés locales), la loi prévoit que l’appropriation passe par des « concessions » qui sont généralement des baux emphytéotiques accordés aux entreprises. La transaction s’accompagne cependant de dons en nature et/ou en argent à la communauté riveraine 13. En théorie, les concessions durent quinze ans. Au départ, l’acquéreur présente un projet de développement sur l’espace convoité et bénéficie d’une période d’essai de cinq ans au terme de laquelle une commission doit établir un constat des réalisations en cours. Lorsque les conclusions de la commission sont positives, le promoteur bénéficie encore de cinq ans pour finaliser son projet.

C’est au bout de ce processus que le titre de concession lui est délivré. Mais la réalité est souvent plus simple car une fois installée il est difficile de remettre en cause l’implantation d’une élite. C’est dans cette perspective qu’une élite aurait obtenu une concession de 800 ha, dans le village de Tecmo, département Dja et Lobo ; ce qui lui a permis de créer une plantation industrielle de 529 ha déjà en production 14.

Emprunt ou location

Pour mémoire, certaines élites recourent à l’emprunt de terres ou à la location de plantations appartenant à des villageois ou à d’autres élites. Cette pratique a été identifiée dans la région du Sud 15 et dans le département du Nyong-et-Kelle 16. Les contrats sont à durée déterminée et renouvelables. Cette pratique permet à l’exploitant de mieux connaître le potentiel de la plantation et les conditions de sa sécurisation au regard d’éventuelles revendications concurrentes avant de procéder à un achat éventuel. Et en cas de mise en vente par le propriétaire, le locataire peut éventuellement faire valoir un droit de préemption. Mais quelle que soit la forme de l’acquisition foncière, l’élite cherchera avant tout à sécuriser son investissement.

Les procédures de sécurisation

La transaction initiale : première étape du processus de sécurisation

Le déroulement de la négociation et le type de transaction, vont avoir par la suite un impact déterminant sur les formes de sécurisation de l’investissement. La plupart des élites investissent sur des terrains qui leur ont été cédés en échange d’une compensation, financière et en nature (« la nourriture » : cartons de poissons, sacs de riz, etc.). Le montant de ces indemnisations peut être avancé, par l’une ou l’autre des parties, pour justifier de la durée de l’acquisition – ou de sa remise en cause à terme et d’une demande éventuelle de renouvellement de la compensation. Plus elle est élevée, plus il sera difficile pour un cédant de revendiquer la réappropriation de son terrain.

Des « clauses sociales non foncières » 17 par lesquelles l’élite est tenue de garantir à une personne ou à un groupe de personnes de les aider en cas de besoin sont généralement incluses dans la négociation. Les élites participent ainsi au financement des cérémonies de funérailles, à la rédaction de documents administratifs de certains villageois, ou hébergent les villageois quand ils se rendent à la capitale. La réalisation d’infrastructures (borne-fontaine, route d’accès, économat, etc.) au bénéfice du cédant, voire du village, est souvent prévu dans la transaction.

Comme il est rare qu’un seul villageois dispose de l’ensemble des droits de propriété sur une parcelle, toute redistribution nécessite un consensus, particulièrement s’il s’agit d’une cession de longue durée. Si le chef de famille ne consulte pas l’ensemble des ayants-droit familiaux pour entériner la transaction, ces derniers pourront la remettre en question. La cession sera contestée si la somme versée au chef de famille, n’est pas partagée au sein de son groupe de dépendants. Il arrive donc que l’acquéreur traite lui-même séparément avec les principaux membres de la famille. En cas de désaccord au sein du groupe familial sur la cession de telle ou telle parcelle, l’élite peut proposer des sommes plus importantes ou des versements réguliers aux membres réfractaires.

Les grandes plantations regroupant des terrains appartenant à des familles ou à des personnes différentes, les transactions pour chacune des parcelles peuvent se faire simultanément ou de manière différée. Si pour une même surface, les cédants s’aperçoivent que l’indemnisation versée à un autre groupe familial diffère, il y aura immanquablement des revendications de versements complémentaires. Pour se prémunir des malversations et des revendications ultérieures, certaines élites concluent donc les négociations en présence de témoins (chef du village, notables, riverains des terrains acquis…) et leur font entériner les accords. Elles ont également recours à l’écrit, même si c’est illégal, puisqu’au regard de la loi seuls les terrains titrés peuvent être vendus. Pourtant, ces procès-verbaux sont parfois réalisés en présence d’autorités administratives (sous-préfet), et des attestations informelles indiquant les sommes versées peuvent être dûment signées entre les parties. Encore rares, ces pratiques ne sont pas toujours maîtrisées par les villageois, à qui il arrive de signer des documents dont ils ne comprennent pas la signification.

Procédures du droit moderne

Pour renforcer la sécurité de leurs exploitations, les élites cherchent souvent à obtenir l’immatriculation des terrains par les services fonciers de l’État pour se doter de titres de propriété « inattaquables » sur les terres acquises, le plus rapidement possible après l’acquisition, tant que les risques de remise en cause sont encore limités. Cette immatriculation peut ne pas inclure certaines clauses non explicites de la négociation initiale. Et, une fois son terrain immatriculé, l’élite ne respecte pas toujours les clauses sociales non foncières ou l’engagement de réaliser des infrastructures pour le village.

Jeux d’acteurs et manipulations procédurales

La délivrance du titre foncier implique une validation par les riverains. La commission consultative doit réunir des représentants de l’autorité étatique, des représentants de l’autorité coutumière et des représentants de la communauté villageoise. Ce n’est qu’une fois les limites précisées, approuvées et retranscrites dans un procès-verbal visé par toutes les parties, que la procédure de bornage conduite par un géomètre, peut aboutir à l’édition du titre foncier. Cette procédure est sujette à de multiples malversations. Il peut s’agir « d’incitations » octroyées aux acteurs en dédommagement de leur déplacement, ou de dessous de table versés pour que la commission ne consulte pas les riverains et fasse seulement acte de présence.

La signature du certificat d’abandon des droits coutumiers est une procédure lourde à mettre en oeuvre, surtout lorsque certains ayants-droit ont migré en ville, ce qui est fréquent. Souvent, le chef de famille signe alors ce certificat au nom de l’ensemble de ses dépendants et à leur détriment. Des déplacements de populations, parfois anciens, alimentent aussi les polémiques. Une cession récente a ainsi été remise en cause par des familles qui, ayant quitté le village dans les années 1950, estiment que le bilik 18 sur lequel s’est installée la famille du chef actuel fait partie de leur patrimoine. Ils considèrent que la cession porte sur des forêts secondaires mises en valeur par leurs ancêtres lorsqu’ils occupaient ces espaces et revendiquent des droits de gestion sur ces terrains. Les autres familles du village font valoir que le départ des premières remontant à plusieurs décennies, ces espaces ne peuvent être considérés comme ayant été exploités de mémoire collective et qu’ils constituent des réserves foncières appartenant à l’ensemble de la communauté villageoise actuelle. Dans la même affaire, est dénoncée une falsification du procès-verbal émis par les agents du cadastre et le sous-préfet au moment du bornage du terrain. Car une seconde élite ayant également créé une palmeraie dans le village, aurait soudoyé le sous-préfet pour antidater le procès-verbal attestant de la transaction réalisée par son concurrent, afin de prétendre que le terrain lui avait été préalablement attribué. Mais les habitants ont refusé de participer à cette falsification et sans le soutien de la communauté villageoise, les falsificateurs étaient assurés de perdre le procès qu’aurait pu instruire la première élite ; ils ont finalement abandonné leur réclamation. La position des chefs traditionnels est souvent délicate. Quel que soit le verdict émis par un tribunal coutumier, il les expose à des protestations des « perdants ». Un jeune chef de village nous faisait part des représailles dont il risque d’être l’objet à l’issue d’un jugement, représailles pouvant aller d’agressions verbales… jusqu’à des actes de sorcellerie.

Recours à la coercition

La position politique ou la profession de l’élite lui confèrent une plus ou moins grande capacité à sécuriser son investissement. Les villageois oseront rarement remettre ouvertement en question les palmeraies créées par une « grande élite », surtout si cette élite est de la région ou d’une localité voisine, alors que les « petites élites » font plus facilement l’objet de recours, formels (dans le cadre juridique légal) ou informels (dans le cadre villageois). La coexistence d’investissements réalisés par une « grande » et une « petite » élite dans un même village, avec des réalisations comparables, permet de mesurer ces asymétries de pouvoir au regard de la capacité de l’une et de l’autre à défendre leurs investissements respectifs. Elles usent parfois d’intimidation pour faire taire les revendications, les menaces d’emprisonnement étant plus crédibles dès lors que l’élite occupe ou a occupé un haut poste dans l’administration, la police ou l’armée. Et puis, les disponibilités financières de ces élites sont en rapport avec les fonctions qu’elles ont occupées, ce qui facilite les arrangements avec des contestataires.

Les liens sociaux de l’investisseur avec la communauté villageoise où il prétend btenir des terres déterminent également sa légitimité à mettre en place une plantation. Il est difficile, voire impossible, pour un étranger, d’acquérir des terres dans un village ou une région dont il n’est pas originaire.

Entretien de bonnes relations avec les villageois

Les stratégies de sécurisation sont d’abord orientées vers le respect des normes coutumières et du droit moderne) et le paiement de compensations directes aux propriétaires traditionnels des terrains cédés. D’autres procédés, s’inscrivant davantage dans la durée, permettent aux élites de sécuriser leurs investissements. Les dons à la communauté sont pour les élites une obligation implicite liée à leur statut. Cette obligation est d’autant plus forte que la réussite professionnelle des élites est parfois attribuée au succès de la sorcellerie dont ils ont bénéficié 19. Il existe une obligation de reconnaissance de l’élite envers la communauté qui l’a aidé à atteindre le poste qu’elle occupe. Ces actes sont également perçus par les populations comme une compensation à l’absence de politiques étatiques de redistribution sociale.

Dans le village, il est attendu des élites qu’elles contribuent ou assurent directement la construction d’une école, d’une chapelle, d’un économat, de forages pour l’adduction d’eau, de pistes, d’un terrain de sport, etc. Elles doivent soutenir l’organisation de tournois sportifs, subvenir au financement des grandes cérémonies (deuils, mariage…). La proximité de l’élite avec les villageois, son « accessibilité », conditionnent aussi l’accueil que lui réservera le voisinage.

Offrir au voisinage,un accès aux ressources

Pour assurer la pérennité de l’exploitation l’élite doit être capable de prouver aux villageois qu’elle est bénéfique à la communauté, surtout si elle occupe des surfaces importantes. Une exploitation qui emploierait peu d’autochtones, et fonctionnerait indépendamment du village, serait vite stigmatisée. Il faut même éviter que la localisation du campement des employés, de l’économat, des installations de transformation soit trop éloignée, afin que les villageois, ne se sentent pas exclus de l’accès aux ressources. La distribution gratuite de plants aux villageois, lors de la mise en place de la palmeraie, est une stratégie souvent mise en oeuvre par les élites. Ces dons permettent de limiter les revendications et les vols dans la palmeraie. En incitant le villageois à planter sur leurs propres terrains, ils assurent un meilleur approvisionnement de l’atelier de transformation (et la récupération de la valeur créée par cette transformation). Même si ces distributions n’aboutissent pas à des plantations durables, elles seront considérées comme un acte altruiste de l’élite. L’attitude du gestionnaire de la palmeraie peut aussi influencer la perception des villageois. Si le gestionnaire est en mauvais termes avec les riverains (parce qu’il leur interdit l’accès de la plantation et de ses infrastructures, ou parce qu’il est trop exigeant avec les employés locaux…), ils trouveront mille raisons de questionner sa légitimité. Ainsi, certains gestionnaires n’hésitent pas à distribuer aussi de l’huile et du vin de palme à leurs voisins : c’est le prix à payer pour de meilleures relations sociales.

L’attribution des postes de responsabilité à des étrangers est régulièrement source de contestation. Parallèlement, les autochtones rechignent à travailler dans les palmeraies, trouvant le travail trop pénible, ou refusent une « prolétarisation » sur des terres qu’ils continuent à considérer comme leur patrimoine lignager. Le degré d’exploitation des terres acquises joue également sur la perception que les riverains ont de la plantation. C’est particulièrement vrai des terrains qui, plantés sommairement pour marquer l’appropriation foncière, ne sont plus entretenus ensuite. Les riverains comprennent qu’on leur a pris leurs terres, à des fins de spéculation foncière et non de développement économique. Les vols de plants et de noix dans les palmeraies, le refus de travailler dans la plantation, expriment la réprobation villageoise vis-àvis du comportement de l’élite ou de son administrateur. En refusant d’y travailler, les villageois favorisent l’abandon graduel de certaines parcelles. Ce semi-abandon peut conduire à une désagrégation des droits de l’élite sur les terres concernées et faciliter leur réappropriation par le village ou, du moins, légitimer les revendications allant dans ce sens.

Accaparement ou développement ?

La volonté affirmée par les élites de participer au développement de leur village en implantant une palmeraie moderne et productive, ne saurait être mise en doute, même s’il ne s’agit pas d’un acte altruiste, mais d’une opération où chacun trouve son compte. La famille étendue profite des infrastructures mises en place, de l’accès aux semences, à la vulgarisation agricole, au moulin, etc., tandis que l’élite espère bien diversifier ses revenus et s’assurer un complément de revenu pour pallier les petites retraites de la fonction publique. Pourtant, la rentabilité de ces investissements est loin d’être assurée, surtout pour les réalisations de grande taille. Un suivi détaillé de cinq exploitations réalisé en 2013 dans la région du Sud 20, a permis de constater que la proportion de surfaces réellement plantées restait souvent faible (entre 25 % à 70 %). Les concessions, défrichées pour obtenir l’immatriculation, n’étaient que sommairement entretenues. Les propriétaires ou gestionnaires de trois des cinq exploitations étudiées avouaient tourner à perte ou couvrir à peine leurs charges d’exploitation. Cette faible rentabilité est attribuée aux difficultés rencontrées pour recruter une main-d’oeuvre stable et compétente, et pour accéder aux intrants. Les exploitations les moins rentables sont aussi celles où le propriétaire est le moins impliqué, déléguant la gestion et se rendant rarement au village… L’absentéisme de l’élite se traduit alors par une gestion chaotique de la plantation, l’instabilité des gestionnaires, des vols récurrents…

Ces problèmes, bien connus, n’entament pas la détermination de nombreuses élites à investir dans le secteur. Depuis l’introduction du pluralisme politique, dans les années 1990, l’investissement dans ces grandes exploitations, peut comme on l’a vu, être le moyen de consolider et d’étendre un clientélisme villageois, et les palmeraies peuvent également servir une stratégie de blanchiment d’argent. Mais, la constitution d’un patrimoine foncier préparant le retour au village au moment de la retraite et la spéculation sur l’évolution des prix de la terre demeurent les motivations de base : même si la spéculation foncière n’est pas l’objectif initial de l’opération, c’est bien elle qui en garantit la rentabilité finale.

1 Sur ce sujet, voir : Anseeuw, W., L. Alden Wily, L. Cotula and M. Taylor, 2012. “Land Rights and the Rush for Land: Findings of the Global Commercial Pressures on Land. Research Project”. ILC, Rome.Le monde académique n’est pas en reste, voir les numéros thématiques des revues Journal of Peasant Studies, 38(2)/2011, 38(4)/2011, 39(3-4)/2012, 40(3)/2013, Canadian Journal of Development Studies, 33(4)/2012.

2 Hoyle D., and Levang P., 2012. « Le développement du palmier à huile u Cameroun ». Document de travail préparé par David Hoyle (WWF) et Patrice Levang (IRD/CIFOR), 16 p.

3 Recensement PDPV et Unexpalm, 2013.

4 4 Tchonang Goudjou B., Obam F. M., 2011. « Motivations et investissements des élites urbaines dans le secteur agricole au sud-Cameroun », in J. G. Elong (ed.), L’élite urbaine dans le paysage agricole africain : exemples camerounais et sénégalais, Paris & Yaoundé, L’Harmattan, p. 44-51.

5 Hirsch R., 2000. « Dynamique récente des plantations individuelles de palmier à huile au Cameroun », Oléagineux, Corps Gras, Lipides, 7 (2), p. 172-174.

6 Zambo Belinga J.-M., Manga J.-M., Manirakiza D., 2011. « L’activisme agricole des élites urbaines au Cameroun : socio-analyse d’une pratique en plein ssor », in J. G. Elong (ed.), L’élite urbaine dans le paysage agricole africain : exemples camerounais et sénégalais, Paris & Yaoundé, L’Harmattan, p. 3-11.

7 Fauré Y.-A., Médard J.-F. 1995. « L’État-business et les politiciens entrepreneurs. Néo-patrimonialisme et big men : économie et politique », in S. Ellis & Y.-A. Fauré (dir.), Entreprises et entrepreneurs africains, Paris, Karthala-Orstom, p. 289-309.

8 Voir Elong, 2011, op. cit. ; Zambo Belinga et al., 2011, op. cit. ; Mbouhnoum P.A., Ngambri J.R., Ndjogui T.E., 2011. « Élite urbaine, élæiculture et développement endogène de l’arrondissement de Ngog-Mapubi dans le Nyong-et-Kelle, région du Centre, Cameroun », in J.G. Elong (ed.), L’élite urbaine dans le paysage agricole africain : exemples camerounais et sénégalais, Paris & Yaoundé, L’Harmattan, p. 128-138.

9 Zambo Belinga et al., 2011, op. cit.

10 Agence nationale d’investigation financière, 2010. « Quelques typologies de blanchiment d’argent au Cameroun en 2010 », Yaoundé, multigr., 6 p.

11 Delpech B., 1983. « La terre et les femmes : conflits ruraux au Cameroun du Sud », Cah. O.R.S.T.O.M., sér. Sci. Hum., XIX (2), p. 189-193.

12 Chauveau J-.P., Colin J.-P., Jacob J.-P., Lavigne Delville P., Le Meur P.-Y., 2006. « Modes d’accès à la terre, marchés fonciers, gouvernance et politiques foncières en Afrique de l’Ouest », Résultats du projet de recherche CLAIMS, Nottingham, IIED, 97 p.

13 Priso D. D., Ndjogui T. E., 2011. « Élites urbaines dans la région du sud Cameroun : une analyse des spéculations et des superficies des exploitations », in J. G. Elong (ed.), L’élite urbaine dans le paysage agricole africain : exemples camerounais et sénégalais, Paris & Yaoundé, L’Harmattan, p.96-118.

14 Lebailly P., Tentchou J., 2009. « Étude sur la filière porteuse d’emploi “palmier à huile” », rapport final, Yaoundé, OIT-ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, 6 p.

15 Elong 2011, op. cit.

16 Mbouhnoum et al. 2011, op. cit.

17 Voir Chauveau J.-P. 1998. « La logique des systèmes coutumiers », in Philippe Lavigne Delville, Quelles politiques foncières pour l’Afrique rurale ? Réconcilier pratiques, légitimité et légalité. Paris, Karthala, p. 66-75. horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_7b_fdi_57-58/010024270.pdf Selon Chauveau ces transactions créent un lien social particulier entre le preneur et les cédants, qui considèreront l’acquéreur comme un « protecteur » ou un « « mécène » qui leur est d’une certaine façon « obligé ». Cette relation particulière a d’autant plus d’importance lorsque l’on sait que les élites sont également perçues comme des défenseurs des intérêts des villageois auprès du système politico-administratif central (Geschiere, 1996).

18 Les bilik sont des villages qui ont été abandonnés, par exemple lors des déplacements de population organisés par le pouvoir colonial.

19 Geschiere P., 1996. « Sorcellerie et politique : les pièges du rapport élite-village », Politique Africaine, 1996 (63), p82-96. horizon.documentation.ird.fr/exldoc/pleins_textes/pleins_textes_7/polaf/pdf/063082.pdf

20 Sevestre D., 2013. « Les stratégies d’acquisition foncières mises en place par les élites nationales au sud Cameroun dans le cadre de la création de palmeraies : quelles incidences à l’échelle villageoise ? », Cergy, ISTOM, 118 p. Mémoire (Ingénieur Agrodéveloppement international).

To go further

Qu’est-ce qu’une « élite » ?

Le terme « élite » est d’un usage commun au Cameroun. Il recouvre plusieurs réalités. Les « élites internes », qui vivent au village et y occupent des fonctions élevées (chef politique, représentant du parti officiel, responsable de coopérative…) correspondent à ce que nous appellerions les notables. Les « élites externes » correspondent à une catégorie plus difficile à cerner pour un Européen. Il s’agit des cadres supérieurs des secteurs public et privé résidant en ville ou à l’étranger, possédant des revenus réguliers plutôt élevés, et disposant d’une influence politique, économique et sociale dans leur région ou village d’origine. On étend aussi parfois l’expression de « petites élites », pour les petits fonctionnaires ou d’employés bénéficiant de revenus réguliers, tant le fossé est grand entre les populations rurales et urbanisées. « Grande élite » et « petite élite », ministre et chauffeur de ministre, vont investir dans des plantations de palmier à huile dans leur village d’origine. Le montant des investissements et la taille des plantations ne seront bien sûr pas comparables, leurs objectifs non plus. Par élite nous entendons ici les grandes « élites externes ».