Réformer l’administration locale par la coopération territoriale ?
L’exemple des communautés urbaines de Lille et de Nantes
Katia Buoro, Xavier Desjardins, 2011
Les très nombreuses réformes en faveur de l’intercommunalité en France ont toutes un point commun : elles n’ont que très rarement et très secondairement abordé la question des personnels administratifs et techniques.
L’importante loi de 1999 dite « Chevènement » qui a fortement contribué à l’émergence de structures intercommunales dotées d’un personnel nombreux (près de 700 000 personnes aujourd’hui) ne fait pas exception (Guéranger, 2004). L’intendance devait suivre … elle a suivi. Aussi, peut-on dire que, du point de vue de l’Etat, les réformes intercommunales n’avaient pas d’abord pour but de transformer les modalités de travail de la fonction publique territoriale. Localement, il peut en être tout à fait différemment. En effet, la montée en charge des structures de coopération implique des transferts de personnel depuis les communes vers les groupements, de nouveaux recrutements, la possibilité de changer les manières de faire, etc.
Le développement de l’intercommunalité en France s’est traduit par un renouvellement de l’encadrement dans la fonction publique territoriale. Frank Bachelet a bien montré que les hauts fonctionnaires intercommunaux venaient souvent de formations moins techniques ou scientifiques que ceux qui se trouvent dans les autres collectivités locales, qu’ils avaient souvent fait du droit ou de l’urbanisme. De formations plus généralistes donc, ils sont également souvent plus politisés. Aussi ont-ils une pratique différente de leur métier, parce qu’ils sont souvent plus proches des élus, mais aussi parce qu’ils ont souvent des fonctions d’expertise et d’étude. Bref, ces hauts fonctionnaires modifient la culture et les modes de travail de l’administration territoriale. Les deux exemples présentés ci-dessous montrent ce jeu très complexe entre administration et pouvoir politique dans les structures de coopération territoriale : dans le cas de Lille, l’autonomisation progressive des structures administratives a eu pour conséquence d’affermir le pouvoir de la communauté urbaine. Les fonctionnaires ont en quelque sorte devancé la coopération politique. Dans le cas de Nantes, la mise en œuvre de la communauté urbaine a, au contraire, été l’occasion de « mettre au pas » tout un service technique. Ces deux exemples montrent combien, derrière l’émergence des structures de coopération, des possibilités existent, pour les élus comme pour les fonctionnaires, pour redéfinir leurs périmètres respectifs d’action.
Un autre exemple : La gestion des déchets par l’intercommunalité à Nantes ou l’affirmation politique face à un service technique