Des politiques d’habitat plus solidaires ?

Les ambiguïtés des coopérations intercommunales en Ile-de-France

Katia Buoro, Xavier Desjardins, 2012

[Lire la fiche analyse : La solidarité par la coopération territoriale : opportunité ou illusion ?->article78]

La crise du logement en Ile-de-France a des manifestations multiples : faible ampleur de la production de logements, mauvaise localisation de nombreux programmes de logement par rapport aux réseaux de transports collectifs, allongement continu des listes de demandeurs de logements locatifs sociaux, très faible fluidité des parcours résidentiels, etc. Face à ces difficultés, les responsables nationaux et régionaux comme le patronat partagent un même constat. Les communes, qui, depuis l’acte I de la décentralisation de 1982-1983, maîtrisent le droit des sols, contribuent, par l’excessif malthusianisme foncier de nombre d’entre elles, à rendre presque impossible une production suffisante de logements, notamment de logements à coût modéré. Une des solutions envisagées pour améliorer la situation consiste à recentraliser une partie des décisions en matière d’habitat et d’urbanisme, mais surtout à inciter au transfert de l’exercice de la compétence « habitat » depuis les communes vers les groupements de communes. Pour évaluer, à l’épreuve des faits, l’efficacité d’une telle réorganisation institutionnelle, une recherche a consisté à mener une enquête auprès de différents acteurs régionaux de la politique de l’habitat, puis à observer précisément les politiques conduites par les trois communautés d’agglomération du Val de Bièvre, des Boucles de Seine et de Mantes-en-Yvelines. Les pratiques de ces groupements de communes ont été analysées dans le cadre des débats, particulièrement vifs, suscités entre 2008 et 2010, par le schéma directeur élaboré par la Région Ile-de-France, la loi sur le Grand Paris ou encore le projet de réforme des collectivités locales.

Cette recherche montre que les groupements intercommunaux en Ile-de-France, et notamment dans sa zone dense, participent bien d’une rationalisation de la gestion des services publics locaux (notamment les transports, la propreté urbaine ou encore les ordures ménagères). Pour le législateur, au moment de la loi Chevènement, la nouvelle échelle intercommunale devait concomitamment être utile en matière de gestion et de projet. Or, il s’avère que les groupements de communes au profil très homogène tels que celui de la Boucle de la Seine ou du Val de Bièvre sont inadaptés pour élaborer des stratégies territoriales. Ces stratégies supposent de trouver des complémentarités entre territoires différents, par exemple entre territoires de résidence et territoires de production, territoires denses et territoires au foncier disponible, etc. Or, en ce sens, les communes ont toutes un projet relativement similaire : limiter la construction et préserver l’équilibre social relativement favorisé dans le cas de la Boucle de Seine, demeurer des villes populaires aux Portes de Paris dans le cas du Val de Bièvre. Le débat sur la solidarité territoriale est donc renvoyé à une échelle plus large que celle des établissements publics de coopération intercommunale. Les débats intercommunaux visent moins à transformer les projets communaux qu’à décider ensemble de la manière la moins douloureuse de mettre en œuvre des règles nationales, notamment celles qui sont relatives à la construction et à la gestion des logements sociaux.

Sources

  • Desjardins X/, Duret H., Tual M., Aménager la métropole parisienne, comment les intercommunalités se saisissent-elles des politiques d’habitat pour construire une solidarité territoriale ?, Rapport pour le PUCA, 2010, 138 p.