Coopérer pour faire vivre ou révéler des interdépendances

Katia Buoro, Xavier Desjardins, 2011

Aucun territoire n’est autarcique. Cette interdépendance des territoires s’exprime de multiples manières par des échanges de biens, de personnes ou d’information. Depuis une cinquantaine d’années, l’accroissement des mobilités est considérable. Cette augmentation des mobilités peut renforcer les processus de spécialisation des territoires dans leur « domaine d’excellence » : certains se spécialisent dans l’accueil d’activités économiques, d’autres deviennent plus résidentiels, etc. Pour faciliter cette interdépendance les territoires peuvent être conduits à coopérer.

Cette spécialisation des territoires peut créer des problèmes. Certaines zones de concentration d’emplois peuvent être tentées de ne pas se soucier de la question du logement, et les communes à l’habitat le plus cossu de peu se soucier du développement de l’habitat populaire. Cet exemple est bien connu et a conduit, en France, à une volonté de contrecarrer les effets potentiellement ségrégatifs du transfert aux collectivités locales de la responsabilité de l’urbanisme en 1982 – 1983, par une incitation de plus en plus forte à une mise en œuvre à l’échelle locale des politiques d’habitat. Il s’agit alors, moins de révéler une interdépendance, que d’exiger la prise en charge de celle-ci par les territoires. Toutefois, par un habile détournement des périmètres, de nombreux territoires locaux arrivent à s’abstraire de l’obligation de mener une véritable politique de solidarité territoriale.

On peut prendre un autre exemple, celui de l’eau. En France, l’eau est un service public local. La commune en est responsable depuis la Révolution. Elle est donc la structure juridique qui gère tant les services d’alimentation en eau potable que les services d’assainissement des eaux usées. Elle est ainsi responsable de la qualité et du coût de ces services, de leur bon fonctionnement et des techniques utilisées. Chaque territoire communal fait nécessairement partie d’un ensemble de terres irriguées par un même réseau hydrographique : un fleuve, avec tous ses affluents et tous les cours d’eau qui les alimentent. Un bassin hydrographique constitue un système écologique cohérent formé de différents éléments : l’eau, la terre et les ressources minérales, végétales et animales. Les territoires qui le constituent collectent donc les précipitations et contribuent au débit du fleuve. L’eau acquiert sa composition chimique et reflète les processus naturels et les activités humaines qui se produisent sur l’ensemble de ces territoires. L’eau est donc une ressource naturelle qui relie fortement ces territoires entre eux : elle crée une interdépendance.

L’Etat a créé en 1964 les 6 Agences de l’Eau qui correspondent aux 6 bassins hydrographiques du pays. Les politiques de gestion de l’eau ont donc pour cadre le bassin, territoire géographique pertinent pour cette ressource. Chaque agence de l’eau est un organisme exécutif chargé de mettre en œuvre une politique qui procède des grandes orientations nationales. Leur objectif est d’améliorer la qualité des eaux de chaque versant. Comment ces agences agissent-elles ? Ce sont des structures économiques. Elles créent la solidarité entre les territoires dépendants en prélevant des redevances auprès des usagers de l’eau potable et auprès des pollueurs de l’eau du versant, au titre de la prévention. Elles justifient leur action au nom de cette solidarité. Les financements ainsi récoltés sont ensuite redistribués aux acteurs locaux, qu’ils soient privés ou publics, qui agissent dans le domaine de l’eau selon l’intérêt commun du bassin. Elles subventionnent donc des projets de construction, extension ou amélioration des stations d’épuration et des réseaux de collecte des eaux usées, la mise en place de procédés de production plus propres…

Afin de promouvoir, à l’échelle de leur bassin versant, une utilisation rationnelle des ressources en eau, la lutte contre la pollution et la protection des milieux aquatiques, ces agences sont aussi chargées de la coordination du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) qui en découlent. Les SDAGE définissent, pour chaque bassin hydrographique, les orientations fondamentales de la gestion équilibrée des ressources hydriques et ses objectifs de quantité et de qualité. La portée juridique de ces documents est importante. Les documents d’urbanisme locaux (schéma de cohérence territoriale, plans locaux d’urbanisme, cartes communales…) doivent être en effet compatibles avec leurs orientations fondamentales et leurs objectifs. Ils ne doivent donc pas comporter de dispositions contraires au SDAGE.

Un exemple : Ekurhuleni Metropolitan Area, créer une institution métropolitaine pour révéler l’interdépendance de territoires marqués par l’apartheid.