La Plateforme Mondiale pour le droit à la ville

Premiers pas vers l’internationalisation du droit à la ville

Nelson SAULE JÚNIOR, 2016

Collection Passerelle

La Plateforme mondiale pour le droit à la ville est une initiative de plusieurs organisations travaillant sur ce sujet dans le monde entier et qui estiment qu’il est important de sensibiliser et de mobiliser les gouvernements nationaux, locaux et sous-nationaux ainsi que les organisations internationales et régionales, afin que le droit à la ville soit reconnu comme le nouveau paradigme pour le développement de villes, villages et grandes métropoles justes, inclusives, durables et démocratiques

Construction de la Plateforme mondiale pour le droit à la ville

La Plateforme mondiale est le résultat d’actions et de mobilisations internationales de la société civile pour la défense d’un programme, fondé sur les droits de l’homme, pour les habitants des villes et villages. Ces actions ont débuté lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement durable en 1992 à Rio de Janeiro et ont débouché sur le traité d’urbanisation « Pour des villes et des villages justes, démocratiques et durables ».

Ce traité adopte, en tant que principe fondamental, le droit à la citoyenneté compris comme :

  1. la participation des habitant-e-s des villes et des villages dans la conduite de leurs destinées ;

  2. la gestion démocratique de la citoyenneté ;

  3. la fonction sociale de la ville et de la propriété, comprise comme l’utilisationsocialement juste de l’espace urbain afin que les citoyen-ne-s s’approprient le territoire, en démocratisant leurs espaces de pouvoir, de production et de culture, en fonction des paramètres de justice sociale et de création de conditions environnementales durables.

Lors de la Conférence des Nations Unies sur les établissements humains Habi-tat II, en 1996, ce traité a représenté une référence importante pour les débats concernant la défense du droit au logement dans le Programme pour l’Habitat, en particulier en ce qui concerne le principe de la fonction sociale de la ville et de la propriété. Il représente un héritage fondamental pour la Plateforme mondiale pour le droit à la ville, et la Charte mondiale pour le droit à la ville, le fruit d’actions et de mobilisations internationales qui ont eu lieu au cours des premiers Forums sociaux mondiaux tenus au Brésil, à Porto Alegre de 2000 à 2005. Dans la Charte mondiale, ce droit est compris comme un droit à l’usufruit équitable des villes, en fonction des principes de durabilité et de justice sociale.

Il s’agit d’un droit collectif des citadin-e-s, en particulier des groupes vulnérables et défavorisés, qui leur confère une légitimité d’action et d’organisation, en fonction de leurs usages et coutumes, dans le but de parvenir à la pleine réalisation du droit à un niveau de vie suffisant. C’est un droit interdépendant de tous les droits de l’homme internationalement reconnus, conçus de manière intégrée.

Depuis la conférence internationale sur le droit à la ville à Sao Paulo en 2014, la Plateforme mondiale pour le droit à la ville a été conçue comme un espace pour la production conjointe de connaissances, d’informations et pour la diffusion des bonnes pratiques et des politiques publiques qui favorisent le droit à la ville au moyen de quatre axes stratégiques :

  1. les droits de l’homme dans les villes ;

  2. la gouvernance démocratique et participative des villes ;

  3. l’urbanisation et l’utilisation durable du territoire

  4. l’inclusion sociale.

La Plateforme mondiale a pour objectif de contribuer à l’adoption, par les organismes des Nations Unies et les gouvernements nationaux et locaux, des engagements, politiques, projets et actions visant à développer des villes et des territoires justes, inclusifs, démocratiques et durables, en particulier dans le but de rendre visible et de consolider les luttes sociales locales et nationales qui contribuent à la réalisation de cet objectif. Pour le développement de ces actions, des groupes de travail de communication, de recherche et de formation, de partenariats et de plaidoyer se sont constitués lors de cette réunion, dans le but d’élaborer le document d’orientation qui contient également le plan d’action.

La compréhension de la Plateforme mondiale sur les éléments du droit à la ville

Conformément à la Charte mondiale pour le droit à la ville, il s’agit d’un droit collectif des citadin-ne-s, en particulier des groupes vulnérables et défavorisés, qui leur confère une légitimité d’action et d’organisation en fonction de leurs usages et coutumes, dans le but de parvenir à la pleine réalisation du droit à un niveau de vie adéquat. Respecter le droit à la ville signifie respecter les minorités, les migrant-e-s, la pluralité ethnique, raciale, sexuelle et culturelle ainsi que l’égalité de genre. Le territoire des villes et de leurs environs est un lieu d’exercice et de réalisation du droit à la ville en tant que droit collectif, afin d’assurer la distribution et l’usufruit équitables, universels, justes, démocratiques et durables des ressources, richesses, services, biens et des opportunités qu’offrent les villes.

Le principe de la fonction sociale de la ville et de la propriété en tant qu’élément fondamental du droit à la ville suppose la conception d’une ville à laquelle les habitant-e-s participent, pour que la distribution du territoire et les normes pour son utilisation garantissent l’usufruit équitable des biens, des services et des opportunités que les villes mettent à disposition. Une ville qui donne la priorité à l’intérêt public, défini collectivement, assure une utilisation socialement juste et écologiquement équilibrée des territoires urbains et ruraux. Le droit à la ville doit être compris comme l’usufruit équitable des villes en fonction des principes de durabilité, de démocratie et de justice sociale; c’est un droit qui confère une légitimité d’action et d’organisation en fonction de leurs usages et coutumes, dans le but de parvenir à la pleine réalisation du droit à la libre détermination et à un niveau de vie suffisant. De même que tous les droits de l’homme, le droit à la ville est interdépendant de tous les droits de l’homme internationalement reconnus et intégralement conçus. Par conséquent, il inclut tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux en ajoutant les dimensions du territoire et de la vie urbaine.

Le droit à la ville en tant que droit collectif ne se limite pas au respect, à la protection et à la garantie des droits individuels au niveau local : étant un droit collectif, il englobe une dimension territoriale et intégrale des droits humains dans les villes et les villages.

En outre, il est nécessaire d’envisager la consolidation du pouvoir local au moyen de la décentralisation politique et financière des villes en tant que composante stratégique du droit à la ville, organisé institutionnellement comme unité de gouvernement local devant disposer de la capacité institutionnelle de décider et de choisir ses propres autorités, de l’accès aux ressources publiques, et de la capacité d’atteindre la décentralisation du pouvoir, l’autonomie et l’autogestion des programmes et projets publics dans le cadre du droit de la ville.

L’action de la plateforme mondiale dans le processus de la Conférence Habitat III des Nations Unies

La Plateforme a travaillé à la reconnaissance et l’adoption du droit à la ville dans le Nouvel agenda urbain dans le processus d’Habitat III (Quito, 2016). Elle a ainsi élaboré plusieurs documents pour le débat avec les gouvernements nationaux, avec les intégrant-e-s des organismes des Nations Unies et de divers secteurs de la société civile.

La pétition publique de soutien au droit à la ville est une initiative importante, car elle promeut la défense du droit à la ville comme « le droit de tous les habitants, présents et futurs, d’occuper, d’utiliser et de produire des villes justes, inclusives et durables, définies comme un bien commun essentiel pour une vie pleine et décente ». La ville en tant que bien commun englobe les composants suivants : une ville libre de toute forme de discrimination; inclusive, avec une plus grande participation politique; qui remplit ses fonctions sociales; avec des espaces publics de qualité; une égalité de genre, une diversité culturelle, une économie inclusive; et un écosystème commun qui respecte les liens ruraux-urbains. Le droit à la ville peut être exercé dans toute métropole ou ville qui est institutionnellement organisée en quartiers, communes ou métropoles. Cela inclut l’espace urbain et les alentours ruraux ou semi-ruraux qui font partie de son territoire. Le droit à la ville comme droit collectif et diffus peut être exercé et approprié par les groupes de voisin-e-s, les associations de quartiers, les ONG, les défenseurs publics et le ministère public, entre autres.

Compte tenu de l’inclusion du droit à la ville dans le Nouvel agenda urbain, la Plateforme Mondiale défend la création d’un Observatoire international pour le droit à la ville comme instrument de surveillance de la mise en œuvre dudit agenda. Il s’agira d’un outil global servant à rassembler les informations (initiatives pertinentes, cadres juridiques urbains, études de cas) et à promouvoir le droit à la ville, comme un Forum ou une Commission dans le cadre des Nations Unies sur le droit à la ville, dans le but de réunir toutes les parties engagées intéressées par ce droit, y compris les organisations internationales, tous les niveaux de gouvernement, la société civile et le secteur privé socialement responsable.

La Plateforme préconise également la création, à partir de 2017, d’un groupe de travail auprès de l’ONU pour la sensibilisation et la mobilisation nécessaires à la mise en œuvre du Nouvel agenda urbain, en plus de l’élaboration périodiques, tous les trois ans, de rapports sur l’avancement de cet agenda à l’échelle régionale et nationale.

Références

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