Sarrebruck met en place un plan de lutte contre les changements climatiques
Nathalie Holec, 1999
Cette fiche présente les initiatives de la ville de Sarrebrück en faveur des économies d’énergie.
La ville de Sarrebruck, 190 000 habitants, est la capitale de la Sarre, région riche en ressources minérales et en charbon. La ville est connue pour avoir mis en œuvre dès 1964 une politique de maîtrise de l’énergie innovante. Au début des années 80, l’entreprise municipale chargée de la production et de la distribution de l’énergie pour la ville a défini dans sa stratégie " Energy Concept for the Future " les principes clés de son action en réponse aux deux chocs pétroliers : économies d’énergie, promotion des énergies renouvelables et mise en place de systèmes de chauffage urbain. Cette politique, mise en œuvre tout au long des années 1980, a coïncidé avec une réduction de 15 % des émissions de CO2 sur la période ouvrant la voie à l’élaboration d’une stratégie plus complète de protection du climat.
Cette stratégie est née en 1993 sous la forme d’un plan d’action local ayant pour objectif la réduction de 25 % des émissions de CO2 par rapport aux émissions de 1990 en l’an 2005. La mise en place de ce type de plan a en effet été demandé par la Commission d’enquête du Parlement fédéral en 1990. Une étude préliminaire a été réalisée et a débouché sur une stratégie de protection du climat, qui fait partie intégrante de la démarche Agenda 21 local de la Ville. Les aspects les plus marquants de cette stratégie sont les suivants.
Le plan de gestion énergétique de Sarrebruck
La ville a établi l’un des plans de gestion de la demande d’énergie les plus complets d’Europe. Regroupant 14 programmes, il est administré par la compagnie municipale de l’énergie et soutenu par un programme financier novateur impliquant les banques locales. Ce programme consiste à accorder des prêts à taux réduit aux habitants qui ont un projet visant à économiser l’énergie ou l’eau. De 1988 à 1993, 23 000 MegaWatts / heure ont été économisés pour un investissement de 43,4 millions de DM. La compagnie municipale de l’énergie a également supprimé la dégressivité des tarifs pour l’électricité (plus on utilise, moins on paye) et établi des tarifs linéaires en 1993 pour accroître les incitations à économiser l’énergie. La ville a quant à elle réduit ses émissions de CO2 de 50 % dans ses bâtiments municipaux entre 1980 et 1996 ; une économie annuelle de 33 100 tonnes de CO2 a ainsi été réalisée. Le montant total des économies financières s’élève à 6,3 millions de DM par an.
Sarrebruck a par ailleurs fait de la sensibilisation et de l’information du public l’une de ses priorités. Des campagnes promotionnelles présentant des cas pratiques d’économies d’énergie ont été lancées avec l’appui de la presse locale (publicité pleine page dans les journaux locaux). Elles se sont traduites par exemple par la distribution gratuite de 50 000 ampoules économisant l’énergie. Enfin, un centre d’information et de démonstrations a été ouvert au public.
L’extension du système de chauffage urbain et la promotion des énergies renouvelables
Basé sur la cogénération (grandes centrales en ville), le système de chauffage urbain de la ville a été étendu de 150 kilomètres depuis 1964 au prix de 1 milliard de DM. Aujourd’hui, le système concerne 60 000 ménages et fournit plus du tiers des besoins en chauffage de la ville. Ce résultat a été atteint entièrement à partir d’engagements volontaires des habitants, convaincus par le système et motivés par les financements attractifs proposés. Les subventions fédérales attribuées au début des années 80 ont joué un rôle important. Un système de climatisation a été couplé au système de chauffage urbain afin de fournir de l’air conditionné de manière efficace pendant l’été.
La ville de Sarrebruck a, d’autre part, joué un rôle majeur dans la commercialisation de l’énergie solaire au niveau local en Allemagne. Sur 10 ans, " l’Initiative Energie Solaire " a conduit à la réalisation de projets soutenus par l’Union européenne. Cette initiative s’est traduite notamment par l’installation de 237 kW de cellules photovoltaïques sur le toit des habitations et par le chauffage solaire des piscines municipales. Le Programme " Toits Solaires " a servi de modèle pour établir un programme à l’échelle nationale. Il a permis de montrer que les communes et les villes pouvaient jouer un rôle significatif dans la commercialisation et la diffusion de nouvelles technologies.
Des investissements porteurs en matière d’emploi
Dès le départ, les investissements faits dans les domaines de l’efficacité énergétique, de l’énergie solaire et du chauffage urbain ont été conçus comme un facteur d’amélioration de la compétitivité d’une ville employant des milliers de personnes dans l’industrie d’extraction du charbon. Face à la diminution des subventions dans ce secteur et à l’accroissement de la concurrence, le secteur de l’énergie solaire notamment est apparu comme potentiellement créateur d’emplois. Un nouveau marché a émergé localement et a suscité la création de petites entreprises et d’emplois nouveaux. Des firmes existantes ont repositionné leurs produits et services ce qui a permis de préserver des emplois menacés et d’en créer de nouveaux.
L’extension du système de chauffage urbain qui a demandé un investissement lourd a permis à la ville de soutenir l’industrie locale du charbon mais également de promouvoir une meilleure utilisation de l’énergie ce qui a eu pour conséquences le maintien de tarifs bas et la fidélisation des clients et donc une meilleure résistance à la concurrence étrangère. En somme, la ville se prépare à la libéralisation du marché de l’électricité en investissant dans l’énergie solaire, l’efficacité énergétique, investissements qui réduisent les émissions de CO2.
Ces différentes mesures se sont traduites par une réduction des émissions de CO2 de 15 % entre 1990 et 1996. La moitié de ces réductions est imputable aux initiatives de la ville et l’autre moitié au remplacement par l’aciérie locale de ses hauts-fourneaux par un procédé électrique. Cependant durant cette période, le faible prix du charbon a conduit à la baisse de l’utilisation du gaz naturel par la compagnie municipale de l’énergie au profit du charbon, ce qui fait augmenter les émissions de CO2. Les élus de Sarrebruck ont annoncé qu’il serait difficile d’atteindre l’objectif des – 25 % en 2005 sans taxe européenne nouvelle sur l’énergie. L’une des plus grosses menaces à l’avenir reste celle d’une possible privatisation ou vente des entreprises municipales d’énergie du fait de la libéralisation du marché. Sarrebruck a montré qu’une entreprise restant sous le contrôle public local pouvait concilier vision économique et environnementale à long terme et profit à court terme.
Sources
InternationalCouncil for Local Environmental Initiatives, Local Government Implementation of Climate Protection. Case Studies., 1997/12 (Canada)
base de données d’échanges d’expériences de l’Académie européenne de l’environnement urbain